En une série de huit pièces élégamment dépouillées, cinq virtuoses sont entraînés tour à tour dans de vertigineux combats solitaires. Toujours en proie à de possibles déséquilibres, ces interprètes ne cachent pas l’effort qu’ils déploient pour enchaîner les figures de ces danses exigeantes. Avec cet opus, Daniel Léveillé se pose en véritable orfèvre du mouvement. Par une chorégraphie ciselée avec une exquise précision et sertie de moments qui, tels des arrêts sur image, permettent d’admirer en détails les musculatures en plein effort, il évoque la quête d’équilibre et de temps qu’imposent nos vies agitées. Entre chutes, extensions, propulsions et instants de suspension et d’immobilité, Solitudes solo mêle la lenteur à la fulgurance du geste et la discipline à l’élan primitif. « À contre-courant de la frénésie ambiante, cette œuvre parfaitement maîtrisée » 2 est livrée avec une douceur et une pudeur qui lui confèrent une grande puissance.
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Stagiaire en interprétation: Marie-Ève Lafontaine
Lumières: Marc Parent
Musique: Jean-Sébastien Bach
Conseil aux costumes: Geneviève Lizotte
Répétitions: Sophie Corriveau
Photos: Denis Farley, Sandra Piretti
Durée: 50 minutes
Prévente 22$ (disponible jusqu'à midi le jour de la première)
Prix courant 35$
Discussion avec les artistes après la représentation du 30 mars
Coproduction: Festival TransAmériques (Montréal), Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape, direction Yuval Pick (France), Theater im Pumpenhaus (Allemagne), Agora de la Danse (Montréal), Fabrik Potsdam (Allemagne), Atelier de Paris-Carolyn Carlson (France), Département de danse de l’Université du Québec à Montréal
Soutien à la création: Conseil des arts et des lettres du Québec, Conseil des arts du Canada
Présentation La Rotonde
Salle Multi de la coopérative Méduse
591, rue de Saint-Vallier Est
Billetterie : 418 643-8131
Dates antérieures (entre autres)
24, 25 et 26 mai 2014 - FTA
19 janvier 2015 - Centre Segal
Non, je ne suis jamais seul avec ma solitude, chantait le regretté Georges Moustaki. Après la tombée du rideau de Solitudes Solo, on se sent tout sauf abandonné à nous-mêmes. Sur la scène du Théâtre Prospero se déploie un hymne fraternel interprété par un superbe quintette de danseurs et danseuses de la compagnie Daniel Léveillé Danse.
D’une durée de soixante minutes qui passent à la vitesse de l’éclair, le spectacle réussit à captiver son auditoire sans avoir recours à des effets spéciaux ou à des gadgets technologiques. Un simple carré où s’exécutent les artistes avec tout leur cœur et toute leur sueur, sans oublier des extraits musicaux classiques, permettant à la danse d’être maîtresse et souveraine de son art.
Après le succès de ses créations précédentes comme Amour, acide et noix, La pudeur des icebergs et Le crépuscule des océans (sa trilogie d’Anatomie de l’imperfection) le chorégraphe québécois Daniel Léveillé a voulu revenir avec Solitudes Solos à la simplicité d’une pratique chorégraphique dépouillée de ses artifices. Mais cette sobriété ne camoufle aucunement un travail rigoureux qui parvient à témoigner d’une gamme complète d’émotions et de sensations diverses sur notre époque.
Les cinq artistes viennent, à tout de rôle, occuper l’espace de jeu avec des gestes rudes, surtout durant la première moitié de la représentation, et plus doux par la suite, incarnant la quête intime d’individus. Habillé d’un grand chandail coloré, chevelure retenue par une queue de cheval, Gaétan Viau brise la glace avec ses mouvements très carrés, constitués notamment par ses sauts et tours en hauteur très affirmés. Lorsque le corps atteint le sol, le bruit saccadé donne la sensation d’un éclair qui brise la quiétude d’un ciel bleu. Les mouvements esquissés vers le haut à plusieurs reprises se complètent par des séquences accroupies au sol, les bras allongés en forme de triangle. Ensuite, le deuxième danseur, Mathieu Campeau, lui succède avec une grammaire chorégraphique similaire, avec ses dualités entre le ciel et la terre ainsi que son rythme fracassant. Avec son visage barbu et ses cheveux en bataille, il dévoile également une évolution par rapport à son prédécesseur quant à une dynamique permettant quelques gestes plus lents et moins rugueux.
Si la nudité constitue une partie importante et typique du parcours de Daniel Léveillé (jamais gratuite, toutefois), sa présence dans ces solos poétiques n’embarrasse jamais le propos. Elle l’accompagne presque avec délicatesse et douceur. Cheveux très courts, Justin Gionet porte déjà moins de plumes que ses partenaires masculins. Il arrive avec seulement un caleçon blanc qui ne laisse place à aucune imagination. Tout en muscles, il se permet davantage de déhanchements lascifs avec humour et insolence. Ensuite, la seule interprète féminine, Esther Gaudettte, surgit également la poitrine nue. Rien ne paraît plaqué ou provocateur. Elle pousse encore plus l’introspection avec son visage qui sait traduire joliment plusieurs sensations, notamment la tristesse et la crainte. Sa prestation délaisse la dimension plus athlétique et plus démonstrative de ses partenaires mâles. Elle exprime plutôt le déséquilibre entre la tendresse des perceptions et la violence de plus en plus fragrante de notre société. L’auditoire ne peut se sentir qu’en symbiose avec cette proposition qui expose la difficulté de l’individu à trouver ses repères et des balises dans un monde insensible.
La progression du spectacle demeure intéressante dans la pluralité de ces petits instants dont chacune des parties ajoute une couleur différente à un tableau d’ensemble achevé et évocateur. La dernière scène est d’une beauté foudroyante. Emmanuel Proulx s’avance et exécute ses mouvements. La musique cesse et cède la place au silence. Pour Blaise Pascal, « le silence de ces espaces infinis m’effraie » ; en ce samedi soir, la symbiose entre un corps en mouvement, sans autre artifice que l’éclairage, atteint une grande intensité. Durant les dernières minutes, les lumières s’éteignent alors que se poursuit la danse, comme un chant de liberté et d’amour contre la fatalité, la lassitude, le temps meurtri.
Créée en 2012 et récipiendaire du Prix du Conseil des arts et des lettres du Québec pour la meilleure œuvre chorégraphique 2012-2013, la pièce Solitudes Solo démontre le meilleur de la danse contemporaine québécoise et internationale.