Deux récits. Deux aventures au coeur de l’imaginaire signées Patrice Desbiens, reconnu très tôt comme LE poète de l’Ontario français, et menées de front par Alain Doom, seul en scène pour porter la voix du poète.

Dans Un pépin de pomme sur un poêle à bois, un poète replonge dans son enfance, au coeur de son quotidien de petit franco-ontarien, là où sa mère habite chacun de ses souvenirs.

Dans La fissure de la fiction, le poète tente résolument de se tourner vers l’écriture d’un roman. Confronté aux soubresauts de son imagination et tourmenté par le spectre de la création, il verra le réel et l’irréel s’entremêler dangereusement. Glissera-t-il dans la fissure de la folie?

Récompensé par le Masque de la meilleure production franco-ontarienne en 2001, le spectacle, bercé par une langue si particulière et un humour acéré, nous transporte dans un univers en perpétuel mouvement. Quant à Alain Doom, il s’est vu remettre le Prix Théâtre Le Droit 2001 pour cette performance solo d’une intensité rare.

Textes publiés – Un pépin de pomme sur un poêle à bois; précédé de Grosse guitare ; précédé de Le pays de personne, Prise de parole, 1995 / La fissure de la fiction, Prise de parole, 1997

Texte de
Patrice Desbiens

Idée originale
André Perrier
Alain Doom

Mise en scène
André Perrier

Avec
Alain Doom

Conception
Gérald Beaulieu
Dan Bédard
Michel Charbonneau
Alain Haché
Glen Charles Landry
Laurent Vaillancourt

Production Théâtre du Nouvel-Ontario - présentation Théâtre Périscope

par Marie-Hélène Harnois

La production Du pépin à la fissure, présentée au Périscope jusqu’au 16 octobre, a définitivement trouvé chaussure à son pied dans cette salle intime où le public entre facilement dans la bulle du personnage d’Alain Doom, seul interprète de la pièce. Par la mise en scène réfléchie d’André Perrier et par le jeu très précis de l’acteur, la poésie théâtrale de Patrice Desbiens, bien que très complexe, prend tout son sens.

La pièce, divisée en deux parties, nous fait rencontrer un personnage avide de confidences voulant se libérer de ses malheurs et de ses tourments (et Dieu sait qu’il en a!) Dans Un Pépin de pomme sur un poêle à bois comme dans La Fissure de la fiction, la détresse, le questionnement, le déchirement, la réticence face au changement sont autant de sentiments présents et abordés dans des contextes différents. C’est en voyant cet interprète jouer aussi passionnément que l’on comprend qu’il ait remporté le Prix Théâtre Le Droit pour cette prestation.

Brièvement, Un Pépin de pomme sur un poêle à bois, première partie de très courte durée, nous fait connaître un poète qui refuse la mort de sa mère, qui ne cesse de se répéter qu’elle n’est pas morte mais « qu’elle fait semblant ». On perçoit rapidement sa réticence face au changement et à l’avenir, alors qu’il se réfugie constamment dans son passé. Le même poète est plus tard retrouvé dans La Fissure de la fiction au moment où il ne chérit plus qu’un seul souhait, soit celui de devenir romancier. Alors qu’il tente de se convaincre de sa nouvelle destinée, il semble qu’il ne soit pas prêt au changement, à l’évolution, et que sa conscience soit incapable de suivre ses instincts. On redécouvre un personnage tout autant perturbé, critique de la société, abordant rapidement des thèmes tels que la pauvreté et la futilité du monde qui l’entoure.

Quoique le texte soit complexe et parfois difficilement compréhensible, le jeu d’Alain Doom, par sa fougue, sa prestance et son émotivité, nous fait apprécier la poésie de Desbiens à sa juste valeur. Et que dire de l’utilisation efficiente des décors qui caractérise certainement l’un des aspects les plus mémorables de la mise en scène d’André Perrier. Bien qu’assez simplistes, les décors, et plus spécifiquement l’usage que l’acteur en fait, n’ont rien de banal. Chaque élément disposé sur scène est non seulement utilisé, mais intégré au jeu de l’acteur. Pas d’élément superflu, pas de flafla, seulement l’essentiel. Même si le décor d’Un Pépin de pomme sur un poêle à bois ne se compose uniquement que d’un tableau, d’une table et d’une chaise, ces trois objets sont utilisés de tous les angles possibles, alors que, par exemple, l’homme-enfant n’hésite pas à grimper sur la table, à se glisser en dessous et de la faire basculer sur elle-même. Les décors de La Fissure de la fiction sont plus élaborés : on se retrouve dans l’appartement du poète, un simple et petit studio de Montréal comme il s’en trouve beaucoup. Mais chaque élément du décor sera utilisé pour démontrer la détresse et la préoccupation de l’écrivain; du frigo engouffrant le poète jusqu’au four duquel il ressort emboucané, en passant par le lit qui lui servira de cercueil. Bref, une mise en scène efficace et grandement aidée par une utilisation plus qu’efficiente des décors.

Mais avis aux cardiaques! La sonorisation n’a pas non plus été laissée de côté. Alors que dans la première partie, un fond musical, accompagné par des effets d’ombre sur le tableau, accompagne bien les paroles du personnage, les bruits répétitifs de friction ou de chocs électriques pris par l’auteur alors qu’il frôle le plancher de son 1 1/2 nous fait plus souvent qu’autrement sursauter, sinon perdre le fil de l’histoire. On pourrait quasiment croire que cet aspect a été excessivement bonifié de peur que les spectateurs s’essoufflent des textes soutenus, ce qui, je crois, n’aurait pas été le cas.

Outre la sonorisation qui alourdie légèrement la pièce, Du pépin à la fissure vaut la peine d’être vue. Elle réunie à la fois le tragique et le sarcasme. Quoiqu’elle ne réinvente pas le théâtre, la scénographie diverge du conventionnalisme et donne un excellent coup de pouce au texte qui, sans une mise en scène adéquate, pourrait sombrer dans l’incompréhension. Le mélange de Patrice Desbiens, d’Alain Doom et d’André Perrier est sincèrement électrisant.