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Du 11 septembre au 6 octobre 2007

Frank, le garçon boucher

Texte : Patrick McCabe
Traduction : Séverine Magois
Mise en scène : Michael Delaunoy
Interprètes : Anne-Claire, Jean-Jacqui Boutet, Audrey D’Hulstère, Alain Eloy, Denis Lamontagne et Patrick Ouellet

Dans un petit village d’Irlande du Nord, au début des années 60, Frank, un garçon fragile et monstrueux ébranlé par une vie familiale disloquée et un entourage hostile, vit son enfance de « p’tit cochon ». Ballotté entre une mère dépressive et un père sans envergure, rongé par un appétit démesuré pour obtenir l’attention de son camarade Joe, il rêve d’amitié et de bandes dessinées. Aujourd’hui, il retrace sa longue descente aux enfers en redonnant voix à cette enfance marginalisée. En lui subsiste toujours ce « p’tit cochon » de malheur. À travers une narration morcelée et onirique, Frank redonne vie à tous ceux qui se sont un jour dressés sur sa route pour participer à sa perte. Il ressuscite un à un les abandons qui ont miné son chemin tout en continuant de se saouler du ciel couleur d’orange qu’il a un jour aperçu au-dessus de la flaque d’eau glacée devenue son seul royaume.

Frank, le garçon boucher s’engage sur le territoire de l’enfance, comme un guerrier lancé à l’assaut de sa propre histoire traquant les fragments de ses souvenirs perdus.

Assistance à la mise en scène : Gaétane Deschênes (Québec) et Laurence Adam (Belgique)
Distribution : Anne-Claire, Jean-Jacqui Boutet, Audrey D’Hulstère, Alain Eloy, Denis Lamontagne et Patrick Ouellet
Scénographie : Jean Hazel
Costumes : Erica Schmitz
Lumières : Laurent Kaye
Environnement sonore : Lorenzo Chiandotto
Coordination technique : Lorenzo Chiandotto
Coiffures et maquillages : Serge Bellot

Production Théâtre Blanc et
L’envers du théâtre - compagnie Michael Delaunoy
En collaboration avec le manège.mons/Centre dramatique,
le Théâtre de l’Ancre et le Théâtre de la Place des Martyrs
Codiffusion Théâtre Périscope

Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie :418-529-2183

 

par Magali Paquin

Aboutissement d’une collaboration heureuse entre le Théâtre Blanc (Québec) et l’Envers du théâtre (Belgique), « Frank, le garçon boucher » est la terrible histoire de la fureur d’un garçon face au dédain et à la peur qu’il suscite chez les autres. L’adaptation théâtrale  du roman de Patrick McCabe «The Butcher Boy» illustre de façon saisissante comment les stigmates de la différence peuvent conduire à la haine et la violence.

Alain Eloy livre une performance remarquable par son interprétation à la fois extravagante et terriblement juste de la folie de «P’tit cochon». Gamin particulier aux idées saugrenues, le jeune Frank suscite le désarroi et la crainte du voisinage par son attitude et ses actes non conformistes. Si une douce folie est acceptable chez un enfant, elle est rapidement pointée du doigt chez celui qui grandit et duquel on espère un comportement respectable. Influencé par une mère dépressive (Murielle Legrand), marginalisé par son entourage (Audrey D’Hulstère, Patrick Ouellet) et rejeté par son meilleur copain (Denis Lamontagne) auquel il voue une admiration sans borne, le gamin à l’esprit déjanté est peu à peu grugé par l’agressivité et le ressentiment à l’endroit de ceux qu’il voit comme ses persécuteurs.

La vision qu’a le garçon de l’univers qui l’entoure est à la limite du réel, distordue par ses désirs et ses chimères intérieures. Son imagination en cavale est reflétée dans les choix scénographiques, notamment en ce qui concerne le décor où s’imposent deux énormes cases rectangulaires blanches qui font écho aux bandes dessinées dont il est si friand. L’exclusion sociale subie par le gamin est intensément palpable et c’est avec appréhension que l’on assiste à sa chute, lente, mais certaine. L’intégration tout au long de la pièce d’un narrateur représentant Frank plus âgé (Jean-Jacqui Boutet) laisse deviner que les tourments du garçon se perpétuent par-delà les années, ce qui rend d’autant plus forte la trame de la pièce.

La vision qu’a Frank du monde qui l’entoure se reflète brillamment dans la mise en scène de Michel Delaunoy. À la fois sensible, empreinte de poésie et magnifiquement ludique, celle-ci illustre par petites touches et avec délicatesse l’abîme dans lequel s’enfonce le garçon boucher. Exploitant l’imaginaire insouciant du personnage, la brutalité de certaines scènes est d’autant plus troublante qu’on les observe par le regard candide et désinvolte du jeune homme. L’humour ou le bonheur sont aussi de la partie, comme l’illustrent les scènes jazzées de Music-Hall, que l’on doit à Patrick Ouellet qui s’acquitte de la trame musicale en plus d’interpréter plusieurs personnages. Les effets sonores, dont plusieurs sont réalisés sur scène par les acteurs, sont d’ailleurs particulièrement réussis et s’insèrent parfaitement dans l’atmosphère à la fois légère et grave de la pièce.

Semblant parfois décousue de prime abord, l’histoire de «Frank, le garçon boucher» est pourtant un portrait net et terriblement juste de l’exclusion sociale, telle que vécue par celui qui la subit. Malgré son traitement en apparence désinvolte, la pièce met en exergue une vive souffrance intérieure, face à laquelle on ne peut demeurer indifférent.

20-09-2007