6, 7, 8, 13 et 14 mai 2010, salle principale
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LucyLucy

Texte Henry Bernadet, Jean-Philippe Joubert, Valérie Laroche, Olivier Normand et Caroline Tanguay
Mise en scène et direction de la création : Jean-Philippe Joubert
Avec Emmanuel Bédard, Maryse Damecour, Mathieu Doyon, Laurie-ève Gagnon, Jean-Philippe Joubert, Valérie Laroche et Olivier Normand

Jean-François, un jeune anthropologue, part prononcer sa première conférence sur les traces de Donald C. Johanson, le codécouvreur de Lucy. Sur la route vers Phoenix, son amoureuse, Anne, lui annonce le terrible verdict qu'elle vient d’apprendre : ils ne pourront pas avoir d'enfants ensemble. Elle l'abandonne en plein désert de Death Valley où Jean-François sera rescapé par un cowboy bienfaisant, Jim. Pendant ce temps à Los Angeles, Allison, une jeune photographe apprend le soudain décès de sa mère. Mise sur la piste de son père inconnu par une cassette vidéo léguée par sa mère, elle part à la recherche de son père à Beatty, un village perdu au milieu du désert.

À travers une succession de rencontres, Lucy retrace les grandes étapes de l’évolution humaine. Dans un langage scénique alliant danse, vidéo, théâtre et musique, Nuages en pantalon - compagnie de création signe ici son spectacle le plus ambitieux.

Concepteurs : Claudia Gendreau,  Julie Morel et Sandra Matte

Production Nuages en pantalon

Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie :418-529-2183

par Yohan Marcotte (2006)

Le nouveau spectacle de création de la jeune troupe Les Nuages en pantalon, intitulé Lucy, se révèle une vaste et belle entreprise qui pose un regard englobant les multiples facettes de la vie humaine. Mélangeant le discours scientifique, le gros bon sens populaire, le langage corporel, et j’en passe, cette création collective affirme une nette volonté de creuser les sempiternelles questions qui sont le lot de l’existence humaine. Le point de départ de la pièce est la découverte de l’un des plus anciens squelettes connus à ce jour, Lucy.

Dès les premières minutes, les spectateurs baignent dans un récit aux formes changeantes qui est d’abord une question que les comédiens posent à quelques spectateurs sur le ton de la conversation : «Quel est le moment où tu t'es senti le plus seul ?». Voilà qui donne le ton du spectacle. Un spectacle qui s’élance vers l’universel à l’aide d’un mouvement qui va d'abord vers soi. Un repli intime pour réunir les forces vives. Ensuite, on n’hésite pas à briser le ton installé en y allant avec la présentation documentaire des faits entourant la découverte historique de Lucy en 1976 par l’équipe de chercheurs déployée en Éthiopie. Puis de ce segment informatif, on glisse vers un personnage qui s'apprête à présenter à un public scientifique une thèse de doctorat.

On monte rapidement des personnages qui ont une épaisseur dramatique faisant un intéressant contraste à un discours informatif qui, bien que fascinant, aurait pu se montrer aride. En effet, Jean-François, futur docteur en anthropologie, qui partage sa vie avec Anne, enseignante au préscolaire, voient leur vision de l’avenir transformée lorsqu’ils apprennent qu’Anne est stérile. Ironie du sort, ils sont arrêtés dans le désert sur le chemin de Phénix, où Jean-François présente sa théorie sur la reproduction des espèces qu'il considère comme élément central du sens de la vie. Voilà balayées, si facilement, les réponses que Jean-François s’est efforcé de construire comme un rempart au vertige de l’existence. Anne ne pouvant pas supporter de décevoir les promesses de leur union, s’enfuie avec la voiture, abandonnant Jean-François dans le désert… au propre comme au figuré !

Cette pièce est le reflet d’un théâtre très actuel : scénario morcelé, comportant de nombreux retours en arrière, sans toutefois laisser en plan aucune des histoires vécues par les personnages ; utilisation de musicien de scène, Mathieu Doyon, qu’on intègre par moment au scénario, ainsi qu’un comédien, Christian Michaud, qui se révèle D.J. ; on compte sur la présence de la danseuse Arielle Warnke St-Pierre qui incarne la terre-mère, symbolique qu’évoque Lucy par le langage gestuel. Cette place accordée à l’originalité et à la frontière des disciplines ne nuit en rien à l’espace que le spectateur nécessite pour avoir prise sur ce spectacle. Par contre, certains des moyens, par leurs effets, sont moins réussis. La chorégraphie, bien qu’exécutée par une danseuse de talent, s’essouffle par la répétition. La gestuelle, d’un esthétisme simple, semble d’abord une bonne idée pour manifester cette âme primitive qu’est Lucy, mais rapidement l’effet tourne en rond, et n’est que partiellement réchappé par les duos, comme des images instantanées, qu’elle exécute avec le personnage, Jean-François.

Il me faut aussi mentionner deux derniers points. D’abord, l’usage inspiré de la scénographie, signée Claudia Gendreau, suggère une dune devant un mur de fenêtres sur lequel des images et des films sont projetés. Toutefois, on ne nous laisse pas là pour autant… Cette pièce nous emporte ailleurs. Fort stimulante, celle-ci peut devenir rébarbative pour un public peu à l’aise avec l’anglais étant donné que les personnages anglophones s’expriment sans traduction dans leur langue originale, ce qui représente au moins le quart du spectacle. Bien que les unilingues francophones ne perdront pas grand-chose du propos, il peut devenir agaçant de se sentir en retrait de cette écriture qui réussit, aussi bien en anglais qu’en français, du moins, à nous communiquer le propos de cette Lucy.

21-10-2006

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