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Du 9 au 18 décembre 2016, 20h, 10-11-17-18 décembre 16h et 20h
ContesContes à passer le temps
Textes Maxime Beauregard-Martin, Jean-Michel Girouard, Sophie Grenier-Héroux, Noémie O'Farrell, Pascale Renaud-Hébert, Maxime Robin 
Mise en scène Maxime Robin
Avec Bertrand Alain, Maxime Beauregard-Martin, Frédérique Bradet, Raymonde Gagnier, Pascale Renaud-Hébert et Maxime Robin

Ils sont six à écrire ou à raconter Québec, des auteurs et des acteurs, des vieux et des jeunes, des gars et des filles, des timides et des téméraires. On leur a divisé Québec en cinq parts, comme un gâteau. Chacun d’eux a dévoré son quartier pour mieux le raconter. Ensemble, ils composent une fresque diversifiée et colorée, quelque chose qui, pour nous, ressemble à Québec. Mais Québec vue de l’intérieur, dans son quotidien, sa petite histoire, ses petites histoires. À la veille du temps des fêtes, en plein cœur de la vieille ville, joignez-vous à nous pour un morceau de gâteau et des contes à savourer.


Direction artistique Sophie Grenier-Héroux, Noémie O'Farrell et Marime Robin
Collaboration à la mise en scène Sophie Thibeault 

Prix courant : 27 $
30 ans et moins - aînés : 21 $
Groupe (15 personnes et plus): 17 $
4 billets : 80 $
6 billets : 100 $
8 billets : 120 $

Une production La Vierge folle


Maison Chevalier
50 Rue du Marché-Champlain
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
ou lepointdevente.com
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Critique

Après six ans d’existence, on aurait pu s’attendre à un certain essoufflement du concept des Contes à passer le temps. Pourtant, en conservant une certaine simplicité dans sa facture et en restant tout aussi drôle que touchante, la soirée s’inscrit encore une fois comme un événement incontournable de fin d’année.


Maxime Robin, crédit photo : Cath Langlois Photographe


Bertrand Alain, crédit photo : Cath Langlois Photographe


Frédérique Bradet et le reste de la troupe, crédit photo : Cath Langlois Photographe


Maxime Robin en Reine des neiges, crédit photo : Cath Langlois Photographe

Grâce à sa belle équilibre, aux talents des comédiens et des auteurs, cette sixième édition des Contes à passer le temps de la compagnie La vierge folle, présentée encore une fois entre les murs centenaires de la Maison Chevalier dans le Vieux-Québec, est possiblement l’une des meilleures de la série. L’accueil par l’équipe de création est encore extrêmement chaleureux ; avec le bar à sucrerie maison, café et chocolat chaud épicé qui sont proposés au public avant le spectacle ainsi qu’à l’entracte, impossible de ne pas profiter pleinement de la soirée.

À l’instar des années précédentes, les six récits qui sont proposés s’inscrivent dans autant de quartiers de la ville. Comme il est plaisant de se promener d'une rue à l'autre et de reconnaître un bâtiment, une intersection, un magasin... Les thèmes récurrents seront la vie et la mort, la neige et ce moment presque magique qui nait d'une situation contraignante, douloureuse.

Maxime Robin (qui signe la mise en scène avec Sophie Thibeault) amorce la veillée en élucidant le mystère de l’horloge centenaire accrochée sur l’un des murs de pierre du caveau, qui aura retenti lors de tous les contes depuis le début de l’aventure, en 2010. Robin raconte avec émotion le décès de son père, tout en se remémorant, durant le voyage Québec-Montréal en pleine tempête de neige, l’histoire de la Reine des neiges d’Andersen (la vraie, pas l’édulcorée de Disney, mentionne-t-il) qui l’a tant marqué enfant. Puis, direction Montcalm et le Café Krieghoff pour rencontrer le propriétaire, Édouard de Montigny, qui déteste tout et tout le monde. Un « Grinch » des temps modernes, imaginé par Jean-Michel Girouard. Il acceptera pourtant, presque malgré lui, l’invitation au Réveillon de Noël de cette année de son frère cadet, qui habite la maison familiale de la rue des Braves (qu’il aurait fait flamber s’il l’avait gardée). La petite Madeleine ramènera un peu d’humanité et de chaleur dans le cœur de cet homme blessé, interprété avec humour par Bertrand Alain. Hilarante, Raymonde Gagnier incarne ensuite cette femme de Drummondville qui doit descendre jusqu’au Banjo de la rue St-Joseph pour dénicher LE cadeau pour son petit-fils, un «casse-tête 3D des Ninja Turtles avec-la-face-du-rat-dessus-qui-vient-avec-les-quatre-figurines-des-tortues-en-plastique». Pas question pour cette grand-mère, humiliée le Noël précédent, de revenir avec autre chose que ce casse-tête, quitte à se battre : c’est une jungle, dit-elle, forçant le passage pour entrer dans la boutique, et personne ne lui fera de cadeau. Maxime Beauregard-Martin aura pourtant un tout autre destin à offrir à cette femme décidée, qui cherche d’abord et avant tout l’amour de son petit Roméo. Beauregard-Martin, en timide presque maladif, entre alors en scène et partage au public le récit de Diane, cette femme au passé amoureux difficile, voire tragique. C’est qu’il l’observe de son appartement, vivant en face de chez elle dans Limoilou. Depuis quelque temps, il cherche un moyen de lutter contre sa gêne et sa solitude pour lui avouer son amour. Sophie Grenier-Héroux signe ici un conte d’une jolie tendresse pour ces personnes seules à Noël (et le reste de l’année), qui se demandent s’ils ne portent pas en eux «l’amour qui tue». Pourtant, le bonheur est souvent plus près qu’on le croit.

Les histoires inventées, écrit et interprété par Pascale Renaud-Hébert, nous amène dans Saint-Sauveur pour un conte des plus intimes. C’est l’histoire de Joséphine, racontée par sa petite-fille qui porte le même nom : de sa naissance sur le plancher de la salle de bain à l’appartement au-dessus du Royaume de la tarte, la jeune comédienne nous dépeint cette femme pleine de vie, qui adorait le thé et la tarte à la rhubarbe. Elle se remémore ces moments de petites folies, de ce réveil au milieu de la nuit, alors que tombent de gros flocons au ralenti, pour aller patiner illégalement sur la glace de la patinoire Durocher ; de ces moments à inventer des vies aux passants près de la rivière St-Charles en mangeant des Fuzzy Peach, ou encore de ces nuits où la petite Jo demandait à la grande une toast au beurre et une histoire inventée. Mais l’enfance finit par laisser la place à l'adulte, et celle-ci trouve de moins en moins de temps à consacrer à sa grand-mère, qui voit ses souvenirs la fuir. Le récit, très mignon, nous touche alors droit au cœur. Pour le sixième conte de la soirée, Noémie O’Farrell nous ramène en 1957, dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, et nous présente Marguerite et Gilles, un jeune couple dans la vingtaine qui vient de s’installer en appartement. Mais Gilles quitte ce monde prématurément, emporté par une voiture d’un bourgeois de la haute-ville. Pourtant, les funérailles de son homme ne seront pas tragiques : au son d’Elvis et de Suspicious Minds (on pardonnera l’anachronisme, puisque la chanson est sortie en 1969), Marguerite, interprétée avec une superbe énergie par Frédérique Bradet, sent alors sur elle le regard de Jésus et, appelée, entrera chez les sœurs de la communauté Jésus Marie. Seul récit avec un soupçon de fantastique, Les diamants offrira de savoureux moments de connivence avec le public.

Pour boucler la boucle, on pouvait assurément compter sur la folie de Maxime Robin. Il revisite avec exubérance, une certaine dose de modernité et beaucoup de plaisir le conte de la Reine des neiges, une version que ne renierait probablement pas un jeune Michel Tremblay. Une finale relativement extravagante qui se conclut pourtant sur une note tout aussi simple qu'émouvante.

Terriblement plaisante, cette édition 2016 des Contes à passer le temps aura su (se) raconter pour ne pas oublier, et nous aura fait perdre, encore une fois, le fil du temps, pour notre plus grand bonheur.

10-12-2016