Far Away est une fable.
Joan, une jeune fille en visite chez sa tante à la campagne, est témoin de violences dont elle doit garder le secret. S’agit-il de vengeance ou de justice? À travers son regard rempli d’espoir se révèle un univers obscur et menaçant, où toutes les règles connues sont remises en question.
Joan, devenue jeune femme, rencontre Todd dans l’atelier où ils travaillent. Ils fabriquent des chapeaux fantastiques qui servent à d’étranges spectacles. Ensemble, ils incarnent les dernières résistances de la pensée libre dans un monde sans nuance et contrôlé par la peur.
Le parcours de Joan et Todd nous plonge dans un conflit généralisé auquel hommes, animaux et éléments prennent part. Le monde entier est en guerre. Tout a été recruté pour combattre, et tout est maintenant une menace, car chacun peut passer d’un camp à l’autre sans logique apparente. Qui est ennemi ou allié? Comment différencier le juste de l’injuste? Les notions de bien et de mal ont-elles encore un sens?
Avec une lucidité foudroyante,Far Away donne à voir une ultime guerre mondiale dévastatrice, un univers fascinant et fantasmagorique, mais terriblement proche de nous.
Scénographie et lumières Jean Hazel
Costumes
Marie-Êve Cormier
Musique
Jean-François Mallet
Direction technique
Mateo Thébaudeau
Assistance à la mise en scène et régie de création
Adèle Saint-Amand
Direction artistique Marcia Babineau, Jean Hazel et Christian Lapointe
Photo Ulysse Del Drago
Tarif 30 $ (Membres et étudiants : 22 $)
Sera aussi joué à Montréal, au Théâtre Prospero, du 4 au 15 avril 2017 et à Moncton les 23 et 24 mars 2017
Coproduction Théâtre Blanc et Théâtre l’Escaouette
Musée national des beaux-arts du Québec
Pavillon Pierre Lassonde - Auditorium Fondation Sandra et Alain Bouchard
179, Grande Allée Ouest
Téléphone : 418-643-2150 ou 1-800-220-2150
Billetterie Théâtre Blanc
Écrite en 2000, la pièce Far Away de la captivante auteure anglaise Caryl Churchill (Top Girls, Blue Heart et Bliss, des pièces qui ont déjà pris l’affiche à Montréal ou à Québec) est un morceau, avouons-le, plutôt singulier.
Courte pièce en trois actes, la pièce porte sur la notion de la peur que l’on impose, celle inculquée par l’autorité, au travers de trois moments de la vie d’une jeune femme. On peut aussi y voir les conséquences psychologiques d’actes immondes vécus lors de l’enfance qui peuvent faire sombrer l’esprit dans un déséquilibre mental étrange.
À l’acte 1, Joan est hébergée chez son oncle et sa tante, Harper. Elle se confie lentement à celle-ci : en voulant voir les étoiles, elle a surpris son oncle dans la cabane du jardin en train de frapper sur des adultes et des enfants. Mensonge après mensonge, prétextant que son mari a battu un traitre parmi des gens qu’il tentait de sauver, sa tante l’initie doucement aux horreurs de son entourage – sans pour autant que nous sachions si les actions de l’homme étaient justifiables ou non. Acte 2, Joan est une jeune femme qui débute en tant que chapelière. Un travail qu’elle idolâtre déjà, tant la boîte où elle travaille est réputée. Elle rencontre Todd, qui lui fera découvrir l’interrogation (de la hiérarchie), la révolte, les inégalités, mais aussi la création et la beauté éphémère. Car ses chapeaux seront portés par des condamnés à mort, juste avant leur exécution, pour qu’ils soient jugés – un défilé de mode grotesque, absurde, sur une musique électronique tonitruante et des rafales de mitraillettes. Le chapeau gagnant ira au musée, les autres seront brûlés avec les corps. L’acte 3, le plus absurde, voit Todd et Harper dialoguer sur la guerre qui fait rage, où tout a été mobilisé, recruté : des hommes aux animaux, des végétaux aux bruits, en passant par la gravité et le temps. Les pays se déchirent, et on remet en cause l’engagement de l’autre. Si Todd, enrôlé, a combattu des ours, il a aussi travaillé dans un abattoir où il a tué cochons et musiciens. Le monologue de Joan qui clôt la pièce permet de mieux comprendre l’état d’esprit dérangé de la jeune femme, qui se dit terrifiée. Elle décrit son périple vers la maison, ne pouvant affirmer de quel bord est le fleuve à traverser, le gazon, les oiseaux, les mouches. C’est une fois le pied dans l’eau glaciale que l’on sait : «quand on vient juste de mettre le pied, on ne sait pas ce qui va suivre. Et l’eau vous entoure les chevilles de toute manière».
Far Away évolue doucement vers un récit type de dystopie, entre Orwell (sans Big Brother) et Ionesco (sans l’humour qui s’y rattache). Après 1984, il était peu étonnant de voir à la barre de cette nouvelle création du Théâtre Blanc et du Théâtre de l’Escaouette la metteure en scène Édith Patenaude. Elle crée ici un environnement circonspect, refermé, meublé de secrets ; les trois comédiens, Ludger Beaulieu, Lise Castonguay et Noémie O’Farrell, chuchoteront dans leurs micros respectifs tout au long de la représentation. Grâce à la scénographie et aux lumières de Jean Hazel – où dominent le rouge et le bleu –, elle dirige notre regard, enferme les personnages entre rideaux et colonnes translucides, sous des corps enveloppés à la façon Dexter, suspendus au plafond. L’utilisation des basses fréquences dans la trame sonore de Jean-François Mallet, spécialement lors des discussions, est terriblement efficace ; par contre, la musique électronique diffusée lors du défilé de ces bêtes de foire attriquées vient briser le sentiment d’horreur qui aurait pu monter doucement en nous, et nous mordre sournoisement lors du bruit des balles qui déchirent les peaux, dans le plus pur anonymat visuel d’ailleurs : pas de sang, pas de corps, ni vu ni connu.
Far Away ne donne que très peu de clés pour décoder ses propos. Pas d’unité de temps ou de lieu, aucune référence, aucune continuité dans la logique de la narration. Un texte qui peut laisser froid ; pour l’apprécier, il faut alors plonger avec Joan (joliment interprétée par une charmante Noémie O’Farrell, en pleine possession de ses moyens) dans les turbulences métaphoriques de ce nouveau millénaire, qui, selon ce que l'on peut deviner derrière les mots de l'auteure, ne projetait rien de bon. Un texte véritablement confucéen.