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Les sept branches de la rivière Ota
7, 8, 13, 14 et 15 septembre 2019, 15h à 22h
supplémentaire 10 et 11 septembre

Premier projet créé par Robert Lepage pour sa compagnie, Ex Machina, Les sept branches de la rivière Ota est une saga qui prend naissance à Hiroshima pendant la deuxième moitié du 20e siècle, puis se conjugue en sept tableaux. L’œuvre s’appuie symboliquement sur l’événement majeur qu’a été l’explosion de la première bombe atomique, mais on y raconte aussi l’histoire d’une artiste tchèque dont l’enfance a été marquée par son passage au camp de concentration de Tereziensatdt et qui finit ses jours à Hiroshima, où coule la rivière Ota. Aux thèmes de la mort atomique ou concentrationnaire s’ajoute celui de la mort virale, incarnés dans un personnage sidatique dont le seul recours sera le suicide assisté. Malgré tous ces deuils, l’idée fondamentale de la survie émerge avec force, Hiroshima étant perçue comme un symbole de renaissance plutôt que de destruction.


Texte Éric Bernier, Gérard Bibeau, Normand Bissonnette, Rebecca Blankenship, Marie Brassard, Anne-Marie Cadieux, Normand Daneau, Richard Fréchette, Marie Gignac, Patrick Goyette, Macha Limonchik, Ghislaine Vincent
Texte et mise en scène Robert Lepage
Avec Rebecca Blankenship, Lorraine Côté, Christian Essiambre, Richard Fréchette, Tetsuya Kudaka, Myriam Leblanc, Umihiko Miya, Audrée Southière, Philippe Thibault-Denis, Donna Yamamoto


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance à la mise en scène Adèle Saint-Amand
Direction de création Steve Blanchet
Dramaturge Gérard Bibeau
Musique et conception sonore Michel F. Côté
Collaboration à la musique et musicien Tetsuya Kudaka
Scénographie originale Carl Fillion
Adaptation de la scénographie Ariane Sauvé
Conception des éclairages Sonoyo Nishikawa
Conception des images Keven Dubois
Conception des costumes Virginie Leclerc
Conception des accessoires Claudia Gendreau

Durée 7 heures incluant 4 pauses

Tarifs : 107 $ — 145 $

Production Ex Machinal


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Critique disponible
            
Critique

Le 7 septembre dernier, le Diamant ouvrait ses portes aux premiers spectateurs de son histoire. À peine achevée – il reste encore des sections du bâtiment en construction, dont une partie du lobby –, cette toute nouvelle salle de la ville de Québec, dans un secteur qui semble vouloir devenir le « quartier des spectacles de la Vieille Capitale » (avec le Capitole et le Palais Montcalm à proximité), rayonne déjà. Des milliers de curieux ont répondu à l’appel et ont pu déambuler entre les murs de cet ambitieux projet au cours de la fin de semaine d’ouverture. Murs de béton nus, charpentes de bois apparentes, grande fenestration, décor très (trop?) épuré ; le Diamant réussira-t-il à rester au goût du jour dans sa forme actuelle? Seul l’avenir nous le dira.




Crédit photos : Elias Djemil-Matassov

Pour marquer le coup, la salle propose une programmation automnale hétéroclite : de l’opéra au théâtre, en passant par le cirque et… la lutte, il y en aura pour tous les goûts. Mais bien honnêtement, si l’on devait nommer une seule raison d’être au Diamant, c’est bien celle de proposer les spectacles de son instigateur, Robert Lepage. Tant de spectacles marquants dorment dans le creux d’une malle de tournée, rêvant d’un nouveau public. Si des pièces comme Les aiguilles et l’opium, qui a su se réinventer récemment grâce au jeu exceptionnel de Marc Labrèche et au dispositif scénographique épatant, ou encore La face cachée de lune, qui n’a cessé de tourner grâce à Yves Jacques, et ce, depuis presque 20 ans, d’autres ne circulent que par le bouche-à-oreille, de souvenir en souvenir : la Trilogie des Dragons, Les Plaques tectoniques, La géométrie des miracles, le Projet Andersen, Lipsynch, le Dragon bleu, Jeux de cartes (Cœur et Pique, en attendant les deux autres Carreau et Trèfle)…

Véritable événement que cette série de représentations des Sept branches de la rivière Ota, après son séjour à Moscou. On plonge corps et âme dans l’histoire au courant changeant ; on se laisse charmer, on s'exclaffe, on verse une larme ou deux.

Voilà que l’on remédie à la situation en présentant une relecture (que l’on devine assez fidèle, voire revampée) du succès du milieu des années 90, Les sept branches de la rivière Ota, avec une toute nouvelle distribution – ou presque, Richard Fréchette et Rebecca Blackenship étaient de l’aventure en 1996. Rappelons que la première version intégrale avait été présentée devant une poignée de spectateurs lors du Carrefour de 1996. Depuis, un film, évidemment (No, avec Anne-Marie Cadieux), mais rien d’autre.

Fresque théâtrale de près de 7 heures, Les sept branches de la rivière Ota prend d’abord racine au cœur d’un Japon doublement irradié, à genoux. De la rencontre d’un G.I. photographe et d’une Japonaise défigurée surgira une multitude de connexions humaines et de destinées qui s’entrecroiseront sur près de 50 ans. Qu’ils ou elles soient Canadiens, Japonais, Américains, Hollandais, Français, Tchèques, tous ces hommes et toutes ces femmes découvriront en eux et en elles une forme de résilience, une réconciliation ultime.

Véritable création collective (on compte 13 co-auteurs, la plupart étant les comédiens et comédiennes de la première version), Les sept branches… réussit là où bien des pièces, classiques ou modernes, échoueraient aujourd’hui : la contemplation. Robert Lepage prend le temps de montrer, de «faire ressentir» ; les silences sont tout aussi éloquents – et tout aussi importants – que les dialogues. Incarnés, les personnages sont interprétés avec une aisance remarquable par les comédiens. Il suffit de voir Myriam Leblanc dans la peau de la comédienne montréalaise Sophie, Christian Essiambre dans celui du soldat Luke O’Connor et de son fils Jeffrey, Audrée Southière en Montréalaise plus «franco-française» que pourrait l’être Denise Bombardier, ou encore Donna Yamamoto, qui interprète Hanako, la hibakusha aveugle (une femme rescapée de la bombe, à qui l’on refuse toute relation physique), véritable fil d’Ariane, présente du début à la fin de ce récit au long cours.

Le décor, élément toujours surprenant dans les créations lepagiennes, rappelle le cinéma, voire la bande dessinée : la maison familiale et traditionnelle d’Hanako, à Hiroshima, en trois sections aux portes coulissantes, s’ouvre ensuite sur des appartements new-yorkais, une gare, un restaurant, un théâtre, une maison hollandaise, le tout grâce à la magie du théâtre, à des projections vidéo et au travail de techniciens chevronnés. Aucun effet n’est superflu ou tape-à-l’œil ; tout est réfléchi, conçu pour une immersion totale du spectateur, en équilibre entre un réalisme magique et une poésie de l’image.

Véritable événement que cette série de représentations des Sept branches de la rivière Ota, après son séjour à Moscou. On plonge corps et âme dans l’histoire au courant changeant ; on se laisse charmer, on s'exclaffe, on verse une larme ou deux. Au salut, on ne peut qu’affirmer, sourire en coin, que Lepage est « loin d’être une ruine, (il est) un monument », pour reprendre les paroles cocasses du personnage joué par Audrée Southière. On ne peut alors reprocher au spectacle qu’une seule chose : le nombre restreint de représentations.  

12-09-2019


Le Diamant - salle Hydro-Québec
103, rue Dalhousie
Billetterie : 418-692-5323 - Billetterie en ligne

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