Le temps d’un voyage, des étrangers se côtoient dans un wagon de train. Au sein de cette fenêtre temporelle, ils existent dans une réalité suspendue. Reflets de leurs origines et embryons de leurs futurs, ils oscillent entre regrets et utopie.

Inspirés par le mouvement et la transition du parcours, ils racontent leurs histoires faites de fuites et de rencontres. Alors que la cadence du voyage insuffle son rythme au paysage sonore, dévoilant le contenu de leurs bagages, ils se révèlent au public.

Témoins du monde qui défile sous leurs yeux et qui les transforme à leur insu, ils métamorphosent leur compartiment en aire de jeu propice aux confidences.

Dans la lignée des précédentes créations des 7 Doigts, Passagers est une célébration de l’Humain et une réflexion sur l’importance et la beauté des relations interpersonnelles. Élargissant les frontières de l’expérience scénique en combinant danse, expression physique, acrobatie et projection, Les 7 Doigts invitent le public à la rencontre de personnages qui leur ressemblent. Une nouvelle fois cette création est portée par des compositions musicales originales et une distribution internationale sélectionnée pour son esprit créatif, multidisciplinaire et collaboratif.

Idée originale Shana Carroll
Mise en scène et chorégraphie Shana Carroll assistée de Isabelle Chassé
Avec Sereno Aguilar Izzo, Louis Joyal, Maude Parent, Samuel Renaud, Sabine van Rensburg, Brin Schoellkopf, Conor Wild, Freyja Wild

autre critique disponible, publiée en 2018 lors de la création à la Tohu

Du 18 au 20 octobre, le nouveau diffuseur culturel présente Passagers, une œuvre de la compagnie de cirque 7 Doigts. Elle raconte le voyage et la prégnance des expériences qui en découlent ; les rencontres et les au revoir, ainsi que les élans d’affection et de nostalgie les accompagnant. L’action se déroule dans un wagon de train ; des étrangers font connaissance avec une curieuse impression que le temps se suspend pendant leur trajet.

Crédit photos : Andrew Miller

Durant les premiers instants de la production, les circassien.ne.s s’installent en demi-cercle ouvert au public et respirent frénétiquement dans des micros, en canon, de façon à composer un environnement sonore illustrant l’impatience de voyageurs en gare, ainsi que la machine en soi. Il apparaît tout de suite évident que la musique sera fondamentale tout au long de l’œuvre. En effet, l’entièreté des chorégraphies s’allie ingénieusement aux chansons. La synchronisation mouvements-musique constitue la force principale de Passagers. Pour compléter la visée multidisciplinaire de 7 Doigts, des vidéos ont été projetées sur scène : les images de paysages constituent un décor pertinent au propos, mais les montages plus complexes créent une distraction qui nuit à l’appréciation des performances de cirque.

Passagers divertit, puis émeut grâce à la brillante symbiose entre les chorégraphies et la musique, mais gagnerait à réduire l’aspect vidéo-animation ainsi que les interludes de discours plutôt kitsch.

Le spectacle se divise en sorte d’actes marqués par de brefs textes adressés au public. Ces bris du quatrième mur ajoutent des longueurs inutiles à l’œuvre. Les paroles se montrent difficiles à saisir en raison des divers accents des artistes, en plus du fait qu’ils soient essoufflés par la prestation précédant leur aparté. Les phrases sur le voyage relèvent du cliché, mais surtout de l’inutile, puisque Shana Carroll réussit déjà avec brio à véhiculer les thématiques par le biais des chorégraphies. La distribution de l’espace se montre très esthétique et les déplacements effrénés reflètent bien l’excitation et le stress ressentis lors d’un voyage. Les effets de chœurs ajoutent du dynamisme et de la beauté aux diverses disciplines présentées. Ils ont également rendu service à certains tableaux dont l’acte circassien était plus maladroit ou simplement moins impressionnant, dont celui de jonglerie où plusieurs balles se sont retrouvées au sol (dur de dire si c’était prévu…).

De plus, certains numéros manquaient de vigueur et de témérité, comme celui de Conor Wild, au mât chinois. Malheureusement, le hand-to-trap a aussi échoué à être époustouflant. Il s’agit d’une discipline inventée par Shana Carroll, qui consiste à unir des acrobaties au sol (portées sur les mains ou sur la tête) à un art aérien, soit le trapèze dans le cas de Passagers. Une même voltige alterne donc entre les airs et le « sol ». Il s’agit normalement de Sabine Van Rensburg, mais elle a dû être remplacée en raison d’une hospitalisation. L’artiste ayant pris sa place pour les représentations au Diamant arrivait-elle à faire tous les mouvements ? Le joli segment de trapèze ne durait pas très longtemps ; aurait-il été raccourci ?

Par contre, la Québécoise Maude Parent déborde de talent. Son charisme et son énergie conviennent parfaitement à rendre élégante et touchante sa performance de cerceau aérien. Elle se montre aussi épatante lors de sa séquence clownesque de contorsion au travers de compartiments à valises. La maitrise du hula-hoop de Freyja Wild en met plein la vue. Son ombre sur le mur du fond de la scène, provoquée par des jeux de lumière, offre une ravissante seconde dimension esthétique.

Passagers divertit, puis émeut grâce à la brillante symbiose entre les chorégraphies et la musique, mais gagnerait à réduire l’aspect vidéo-animation ainsi que les interludes de discours plutôt kitsch.

Je tiens personnellement à mentionner que ce fut ma toute première expérience au Diamant et que j’étais très enthousiaste d’assister à un de ses spectacles à grand déploiement. Robert Lepage a réellement offert un bijou aux Québécois.es en entreprenant ce projet d’envergure.