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Du 12 au 21 avril 2012
Bigger than jesusBigger Than Jesus (version française)
Conception et texte : Rick Miller et Daniel Brook
Mise en scène : Daniel Brooks
Avec Rick Miller

Ce spectacle met à profit les prodigieux talents de comédien, d’imitateur et de chanteur de Rick Miller que plusieurs ont découvert sous les traits d’une dizaine de personnages dans Lipsynch de Robert Lepage présenté au TDP en 2010.

Officiant une «messe» multimédia à la fois drôle et poignante, l’auteur et comédien aborde l’histoire du Christ de façon iconoclaste, mais jamais irrévérencieuse, pour nous offrir une expérience théâtrale unique et singulière.


Concepteurs et collaborateurs artistiques : Beth Kates, Ben Chaisson

Une production de WYRD Productions 
et Necessary Angel présentée par le TDP

www.biggerthanj.com


Salle Fred-Barry
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974


Dates antérieures (entre autres)

Du 8 au 20 juin 2010 - Quat'Sous

 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Beth Kates

Après de nombreux passages dans la métropole québécoise, le comédien et chanteur torontois Rick Miller reprend son solo Bigger than Jesus à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Comme dans une critique précédente écrite lors des représentations au Quat’Sous, le même bonheur contagieux se perpétue.

Créé en 2004 avec le sensible et doué metteur en scène Daniel Brooks, le solo de soixante-quinze minutes s’est trimbalé un peu partout à travers le monde d’abord en anglais. Il s’est transformé en une version bilingue, majoritairement en français avec quelques scènes dans la langue originale. Le titre évoque une célèbre déclaration de John Lennon lors d’une entrevue en 1966. Bien que le texte ait été publié, le comédien a pris certaines libertés pour mieux tremper son propos dans le feu brûlant de l’actualité avec, entre autres, une allusion à la mouvementée grève étudiante.

La pièce Bigger than Jesus demeure une œuvre étonnamment bien documentée sur la religion chrétienne dans ses fondements, engagements et dérives idéologiques depuis la naissance du Chris jusqu’à ses multiples résonnances dans la culture populaire occidentale. Elle fait référence à deux comédies musicales de Broadway, dont le fameux Jesus Christ Superstar d’Andrew Lord Webber. Dans une société québécoise d’accommodements raisonnables où toute référence explicitement judéo-chrétienne confine souvent au tabou ou au mépris, il est probable que la liberté du ton de Miller ait touché une corde sensible chez plusieurs spectateurs. À preuve, les réactions et rires fusaient à de nombreuses reprises lors de la première médiatique.

Contrairement à d’autres expériences artistiques aux prétentions similaires, le contenant écrase peu le contenu. La production fait une utilisation ingénieuse de la technologie avec ses deux caméras et ses projections, toujours en harmonie avec le monologue. Elle se permet des ruptures dans les atmosphères, tout en conférant dans les passages les plus intéressants une dimension enfantine. Parmi les moments les plus mémorables, mentionnons les comparaisons réjouissantes entre les quatre apôtres de Jésus crayonnés sur papier et les membres des Beatles. Le comédien a recours à des figurines pour symboliser la Dernière Cène: se retrouvent réunis autour du banquet des personnages aussi éclectiques que Darth Vader et Luke Skywalker de La guerre des étoiles, Gandhi, Martin Luther King, Dorothée et son homme en fer blanc du Magicien d’Oz ainsi qu’Homer Simpson dans le rôle de Judas. Pour ceux et celles qui ont eu la chance de voir Half life de John Mighton du même metteur en scène au FTA en 2005, il s’agit d’une autre occasion de suivre le parcours de l’un des hommes de théâtre les plus appréciés du Canada anglais. Une traduction française de sa pièce Insomnie avait été présentée à la Cinquième salle de la Place des Arts par le Théâtre Niveau Parking de Québec.

Par contre, quelques réserves nous empêchent de crier au chef-d’œuvre. Dans une parodie du prêcheur états-unien survolté, Rick Miller filme le public qui tape joyeusement dans ses mains et qui se voit projeté sur l’écran en fond de scène. Cette partie du spectacle majoritairement en anglais s’éternise sans que le public en comprendre tout à fait le dénouement. Ou encore ce vol en avion Air Jesus en direction Jérusalem dont les intentions ne se concrétisent pas de manière percutante. Ce segment tombe dans une facilité qui détonne par rapport au reste de l’ensemble sarcastique, mais jamais irrévérencieux.   

Le fils de Marie et de Joseph continue d’inspirer les créateurs scéniques, comme en témoigne deux reprises à Montréal ces derniers mois: Personal Jesus, solo intimiste de Gaétan Nadeau et ce Bigger than Jesus de Rick Miller et Daniel Brook. Le tandem torontois a osé une production éclatée dans sa forme et une approche moderne par son humour intelligent et instructif.

15-04-2012

par David Lefebvre

Si Dieu existe...


Crédit photo : Cylla von Tiedemann

Le comédien et chanteur Rick Miller, qu’on a pu applaudir lors de Lipsynch en mars 2010, monte sur la scène du Quat’Sous pour nous présenter la version bilingue, en première mondiale, du solo Bigger than Jesus.

Le spectacle, concocté conjointement avec le réputé metteur en scène torontois Daniel Brooks et acclamé dans plusieurs pays depuis sa création en 2004, se veut une réflexion relativement fouillée et moderne, tout aussi jubilatoire que lucide, sur le christianisme, de ses fondements jusqu’à ses répercussions contemporaines, ainsi que sur la liturgie religieuse et la quête spirituelle de l’homme. Lors de cette messe multimédia, où deux caméras et des projections sont utilisées de façon simple mais ingénieuse, Miller, qui s’annonce comme notre Jésus de la soirée, désacralise le mythe du Christ pour le ramener à une logique humaine, philosophique, à un conte qui a pris des proportions démesurées. Il remet en contexte toute l’histoire du divin messie, en disséquant ses racines juives, les Romains opportunistes, ou encore les textes bibliques, les opposant pour comprendre les discordances entre eux. Le caractère du personnage sacré prend soudainement une forme beaucoup plus humaine et étrangement universelle.

Quelques scènes sont absolument fabuleuses : il faut voir Rick Miller triturer et jouer avec l’étymologie des mots Christ, chrétiens, histoire, qu’il écrit par terre, pour alimenter ses explications. Puis, cette scène, renversante et désopilante, où il utilise des figurines d’action pour représenter la Dernière Cène, réunissant des personnages qui ont marqué des générations : Darth Vader et Luke Skywalker, Gandhi, Luther King, Lennon, Dorothée et l’homme en fer blanc (la prostituée et son pimp), ainsi que Judas, sous les traits d’un distributeur PEZ à l’effigie d’Homer Simpsons… Le repas se termine avec l’arrestation de Jésus et un numéro chanté digne de Broadway (ou de Jesus Christ Superstar). Les inspirations et les références sont nombreuses, allant même puiser dans l’art surréalisme avec une finale à la Christ of Saint John of the Cross de Dali.

Par contre, quelques réserves à propos de certaines scènes minent sensiblement notre appréciation globale du spectacle. Celle de ce «preacher» américain, totalement en anglais (avec quelques mots français lancés ici et là, surtout pour le ton humoristique) surprend d’emblée et galvanise la foule, avec son leitmotiv «Your Jesus Is Asleep!». Malheureusement, le numéro s’étire, appuyant trop longuement sur l’idée que le divin est en chacun de nous, que notre nature n’est pas que mauvaise et que le démon et l’ange qui se chamaillent continuellement sont, en fait, les choix qui s’imposent à nous tout au long de notre vie. Ou alors, ce vol Air Jésus direction Jérusalem, voyage métaphorique et métaphysique, où Jésus accède aux prières en direct de certains passagers. Si l’idée est bonne, permettant à Miller d’aborder quelques sujets comme la confession, le pardon, les miracles et la sanctification, elle s’épuise rapidement, créant un creux au niveau du rythme et du contenu.

Bigger than Jesus est un surprenant spectacle, provoquant sans être impertinent, drôle et brillant. Sans jamais imposer un discours didactique fastidieux, le contenu, riche et passionnant, en intriguera plusieurs. La remarquable énergie ainsi que la magnifique présence sur scène de Rick Miller sont assurément les clés du succès que connaît la pièce depuis sa création.

10-06-2010