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Du 14 novembre au 18 décembre 2012
Dates public (en soirée) : 16, 20, 29, 30 novembre, 14 décembre 2012
Douze hommes en colère
Texte : Reginald Rose
Traduction : Claude Maher
Mise en scène : Jacques Rossi
Avec Sylvio Archambault, Jacques Baril, Yves Bélanger, Vincent Bilodeau, Jean-François Boudreau, Olivier Courtois, Edgar Fruitier, Jean-Bernard Hébert, Dany Michaud, Jean-Marie Moncelet, Stéfan Perreault, Marcel Pomerlo et la voix d’Albert Millaire

Huis clos entre les jurés du procès d’un adolescent accusé d’avoir poignardé son père. Un verdict de culpabilité entraînera la peine de mort. Toutes les preuves accusent le suspect. Pourtant lors du vote qui doit décider du verdict final, un juré ne lève pas la main pour le désigner coupable. Sa raison : « il n’est pas sûr ». Et le débat s’enclenche… Un suspense qui tient en haleine du début à la fin.

Écrite en 1953 par l’auteur américain Reginald Rose, et inspirée de sa propre expérience comme juré dans une affaire difficile, Douze hommes en colère est une pièce percutante, toujours d’actualité. Les failles, les ratés et la complexité du système judiciaire sont un sujet intemporel qui nous interpelle et nous touche à tout coup. On n’a qu’à penser tout près de nous, au procès de Guy Turcotte, qui a enflammé les esprits et qui soulève encore des questions, ou à celui de Michel Dumont qui refait surface dans l’espace médiatique en raison de la sortie récente du film de Daniel Podz, L’Affaire Dumont.

C’est à la suite de son expérience comme juré que l’auteur de Douze hommes en colère saisit l’ampleur de la responsabilité qui incombe au juré dans le processus juridique d’un pays démocratique. Être jugé par ses pairs constitue un des fondements intrinsèques d’une société dite libre. L’expérience vécue éveille Rose à la subtilité des rapports humains, à l’exercice de l’argumentation et du débat, à la confrontation des préjugés.


Assistance à la mise en scène : Olivier Berthiaume
Décors et accessoires : Mario Bouchard
Costumes : Mireille Vachon
Éclairages : Guy Simard
Musique / environnement sonore : Stéphane Girouard
Régie : Pascal Harvey
Crédit photo : Mathieu Rivard

Durée : 2h30 (avec entracte)

Samedi 17 novembre à 15h: Rendez-vous de Pierre
Samedi 1er décembre après le spectacle: Rencontre avec les artistes

Une production de Jean-Bernard Hébert inc. présentée par le Théâtre Denise-Pelletier


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Mathieu Rivard

Penser au grand texte de Reginald Rose, Douze hommes en colère, ramène aussitôt en mémoire des images du film de 1957, produit par Henry Fonda. Aussi peut-on facilement pardonner à Jacques Rossi une mise en scène qui s’en rapproche beaucoup. On lui pardonne d’autant plus facilement que la distribution est excellente et le spectacle fort prenant. Le metteur en scène ne cache pas non plus cette influence cinématographique, allant même jusqu’à en jouer : une musique comme on en entend dans les vieux films accompagne la pièce tout du long. Et puis, voir enfin sur scène une pièce de théâtre que l’on chérit sur écran, petit ou grand, et ce, depuis si longtemps, n’est pas désagréable.

Créé à l’été 2000 au Théâtre du Vieux-Terrebonne et pas joué depuis 2006, le spectacle prend ses quartiers au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 18 décembre. Douze hommes au tempérament et au parcours bien différents se retrouvent enfermés dans une petite pièce par une journée de canicule pour juger d’un crime, le meurtre d’un père par son fils. S’ils déclarent celui-ci coupable, il sera automatiquement condamné à la chaise électrique. Il s’agit donc bel et bien de décider de sa vie ou de sa mort. Onze jurés sont convaincus, absolument convaincus, de sa culpabilité. Un seul doute et demande à ce qu’on revoit chacune des preuves.

Au lever du rideau, c’est la voix du juge (Albert Millaire) qui résonne dans une pièce vide où une table ronde trône entourée de douze chaises. Cette voix hors scène donne l’effet saisissant que le juge s’adresse directement à nous, spectateurs, comme si nous étions les jurés attendus, ou les curieux réunis à la cour. Une idée lumineuse qui nous plonge d’emblée au coeur de l’histoire : une vie est dans la balance.

Qu’on connaisse ou non le texte de Rose, ce huis clos à douze personnages vaut le détour. Même le public adolescent dans la salle démontrait un grand enthousiasme à l’entracte et à la fin de la représentation, se questionnant sur les choix des différents personnages et sur la décision qu’ils auraient pris s’ils avaient été à leur place. Une saine réflexion! Douze hommes en colère soulève de nombreuses questions de conscience morale, comme la compassion, la présomption d’innocence, le jugement équitable pour tous et sur les sentiments et préjugés qui peuvent influencer ou fausser un jugement. Le texte s’attarde également au mécanisme de la pensée humaine, sur sa grandeur et ses travers. La traduction de Claude Maher, si elle québécise le langage des jurés, n’en trahit pas pour autant l’essence du texte.

Vincent Bilodeau dans le registre dramatique et Marcel Pomerlo dans le registre comique tirent chacun leur épingle du jeu au sein d’une distribution de laquelle on retiendra aussi les propositions d’Edgar Fruitier et de Jacques Baril. Dans le rôle du juré n°8, celui qui doute dès le départ, Baril paraissait, lors de la première, un peu éteint dans les premiers échanges, mais dès lors que la confrontation des preuves eut commencé, le comédien a semblé se réveiller et a même démontré une belle flamme dans le tourbillon final. Le metteur en scène joue beaucoup sur les tensions entre personnages, d’abord sous-jacentes, puis de plus en plus évidentes jusqu’à la confrontation ouverte entre les protagonistes.  Le suspense est parfois palpable, et un silence d’or règne dans la salle lorsque les jurés cassent un à un les preuves et les témoignages accusant le jeune homme. Les spectateurs sont littéralement pendus aux lèvres des personnages, suivant les échanges comme un match de boxe. La scénographie a d’ailleurs quelques points communs avec un ring, dont cette table surélevée qui rappelle l’arène. Au-dessus de la table, des colonnes plongeantes, fragments des murs de la petite pièce, renforcent quant à elles l’impression d’enfermement. Seules les fenêtres permettent une certaine évasion, malgré qu’elles soient opaques. Le temps passe pourtant, le soleil se couchant sur les douze jurés en colère (travail d’éclairage subtil, mais bien fignolé, de Guy Simard).

Malgré l’abolition de la peine de mort dans plusieurs pays depuis les années 1950 (abolie en 1976 au Canada, faut-il le rappeler?), Douze hommes en colère demeure d’une grande pertinence aujourd’hui. Cette pièce intemporelle mérite d’être entendue encore et encore!  La version que nous propose Jacques Rossi se montre pleinement à la hauteur du texte.

19-11-2012