Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 13 novembre au 11 décembre 2013
Dates public (en soirée) : 15, 16, 19, 21, 29 novembre, 7 décembre 2013
Le CidLe Cid
Texte Corneille
Mise en scène daniel paquette
Avec Luca Asselin, Anne Bédard, Chantal Dumoulin, Alain Fournier, Julie Gagné, Jean Leclerc, Lise Martin, Cédric Noël, Gilles Pelletier (remplacé par Daniel Desparois), Carl Poliquin

Don Diègue et Don Gomès ont décidé d’unir leurs enfants Rodrigue et Chimène qui s'aiment. Mais Don Gomès, jaloux de se voir préférer le vieux don Diègue pour le poste de précepteur du prince, offense ce dernier en lui donnant un soufflet. Don Diègue, affaibli par l’âge et trop vieux pour se venger par lui-même, remet sa vengeance entre les mains de son fils Rodrigue, dit Le Cid. Ce dernier, déchiré entre son amour et son devoir, finit par écouter la voix du sang et tue le père de Chimène en duel. Chimène, écoutant elle aussi la voix du sang et de l’honneur, essaie de renier son amour et le cache au roi, à qui elle demande la tête de Rodrigue. Mais les Maures sont aux portes du royaume…


Concepteurs et collaborateurs artistiques : Pierre-Marc Beaudoin, Karine Cusson, Michaël Fortin, Anne-Marie Matteau, daniel paquette, Jacques-Lee Pelletier, Tania Pettigrew, Philippe Pointard, Carl Poliquin, Helen Rainbird, Michael Slack

Samedi 16 novembre : Rendez-vous de Pierre
Samedi 7 décembre après le spectacle: Rencontre avec les artistes

Durée : 2h30

Une production du Théâtre Denise-Pelletier


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

Facebook

 
______________________________________
 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Luc Lavergne

Classique parmi les classiques, Le Cid de Pierre Corneille est un bijou de texte qui transcende les courants, les modes et les siècles. Pourtant, à l’avant-première de la production du Théâtre Denise-Pelletier, le résultat ne convainquait qu’à moitié par son impression d’inachèvement.

Créée dans une première version en 1637, la tragédie-comédie a bouleversé le paysage théâtral de son époque. L’action se retrouve désormais dans les coulisses plutôt que sur la scène. Elle devient vivante par les mots exprimés dans une langue magnifique et évocatrice. On raconte plutôt qu’on démontre. L’irruption du politique et de faits historiques a contribué au triomphe de ce chef d’œuvre tout en causant une polémique célèbre pour avoir enfreint la règle des trois unités et les questions morales (une amoureuse qui épouse le meurtrier de son père).

La pièce en cinq actes écrite en alexandrin raconte les péripéties amoureuses entre Rodrigue et Chimène, deux jeunes unis par leurs parents, Don Diègue et le comte de Gomès. Or, ce dernier donne une gifle (un soufflet dans le vocabulaire de l’époque) au père de Rodrigue. Déchiré entre l’honneur et l’amour, Rodrigue se venge de l’honneur familial en tuant le père de Chimène. De cette poésie mémorable vient, entre autres, l’expression « dilemme cornélien » et cette phrase : « Rodrigue, as-tu cœur? ».

Malgré l’envergure et la réputation de l’œuvre, peu de metteurs en scène québécois se sont risqués à des relectures depuis les vingt dernières années. Pourtant, des artistes courageux comme Serge Denoncourt (durant la deuxième moitié de la décennie 1990 sur la même scène du Théâtre Denise-Pelletier) et Gervais Gaudreault (au Théâtre du Trident à Québec en 2004) ont tenté l’expérience. Ayant exploré et puisé ces dernières années dans les répertoires de Molière, William Shakespeare et Jean Racine, daniel paquette a transposé la pièce au 17e siècle, soit durant l’âge d’or espagnol, une période où le pays célébrait les peintures de Gréco et du livre Don Quichotte de Cervantès. Ce choix artistique et éthique demeure judicieux et d’une grande pertinence. Les enjeux dramatiques ne s’en trouvent aucunement dilués ou égarés dans des effets décoratifs distrayants (à l’exception de la présence sporadique du petit chien de l’Infante qui a beaucoup distrait le public adolescent lors de la matinée scolaire avant la première médiatique). Très réussie, la conception sonore apporte une tension supplémentaire à ces destins exigeant une écoute attentive soutenue en raison de la complexité de l’écriture. Sobre, la facture visuelle du spectacle convient parfaitement, même si elle ne se permet pas toutefois d’éclatantes beautés scénographiques comme dans L’Illusion, un autre texte de Corneille monté au même endroit à l’automne 2011 par Anne Millaire.


Crédit photo : Luc Lavergne

En 2009, le metteur en scène avait proposé une autre version de ce texte dans la petite salle Fred-Barry du même théâtre. Sur la scène principale de l’institution de la rue Sainte-Catherine, l’actuelle production manque encore de puissance et d’audibilité pour atteindre son plein potentiel. Pendant deux heures et quarante minutes, entrecoupées d’un entracte, le public doit tendre l’oreille à plusieurs reprises pour bien comprendre les répliques dites par l’un ou l’autre des comédiens, surtout les scènes avec Lise Martin dont la Chimène ne possède pas encore l’assurance de sa Bérénice orchestrée par le même daniel paquette l’an dernier. Plusieurs membres de la distribution ne projettent pas suffisamment leurs voix dans un lieu d’une aussi grande dimension. On se croirait souvent dans une atmosphère de théâtre de boudoir, près de l’esprit dans la transposition du Bérénice. Le ton de la confidence et du chuchotement semble plus adéquat pour des lieux comme Fred-Barry qu’ici, où l’effet non voulu de distanciation nous rend étranger aux passions et déchirements des protagonistes. Il demeure fondamental de bien entendre tous les vers et toutes les phrases pour suivre correction la progression de l’intrigue. Par ailleurs, l’intégration des protocoles cérémonieux dans plusieurs scènes démontre, entre autres, la rigueur de la troupe, mais n’apporte que très peu à l’intérêt du spectacle.

Parmi les acteurs de ce Cid qui se permet très peu d’exubérance, mentionnons les présences allumées de Carl Poliquin dans le rôle principal et de Julie Gagné qui témoigne d’une magnifique assurance en Infante altière, sans oublier Chantale Dumoulin et Anne Bédard en gouvernantes très crédibles. Pour une pièce classique, aucune faiblesse dans la prononciation du verbe cornélien n’a été détectée.

Les faiblesses énoncées dans la présente critique seront possiblement corrigées, espérons-le, pour les prochaines représentations. Car une  production comme Le Cid du Théâtre Denise-Pelletier contient plusieurs qualités pour rejoindre un large auditoire de tous âges.

18-11-2013