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Du 6 au 29 septembre 2007

Monsieur Mallausène au théâtre

Texte de Daniel Pennac
Mise en scène de Marc Béland
Avec Vincent Magnat et Charmaine Leblanc

L’univers de Daniel Pennac et sa célèbre tribu Malaussène de retour sur scène à Montréal! Un rendez-vous avec ce Benjamin Malaussène en chair et en os dont les déboires et la truculence ont ravi des millions de lecteurs...

Enceint, Malaussène. À qui se confier, dans cet état? À celui qui viendra, évidemment. Tout le monde vous le dira : il faut lui parler avant l’atterrissage.
Mais voilà que le nouveau venu prend la parole à son tour :
« Père, quand vous serez passé par ce que j’ai vécu avant de naître, vous pourrez parler! »
Cela ramène les 1550 pages de la saga Malaussène à une seule conversation où Benjamin joue tous les rôles, sans trop savoir, comme d’habitude, quel est le sien.
« Ça… On ne peut pas dire que j’ai eu une grossesse exemplaire. »

Musique sur scène : Charmaine Leblanc
Scénographie, costumes et accessoires : Geneviève Lizotte
Éclairages : Étienne Boucher
Assistance à la mise en scène et régie : Marjorie Bélanger

Une coproduction du Théâtre Galiléo en collaboration avec le FIL et avec le soutien d’ESPACE GO

ESPACE GO
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

 

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Dates précédentes :

Du 28 novembre au 16 décembre 2006 (Salle intime du Théâtre Prospero)

 

par David Lefebvre

Père, puisque vous semblez d'une complexion à ce point pessimiste, puisque vous êtes vous-même le rescapé, sans doute provisoire, d'une série tragique, pourquoi, pourquoi donnâtes-vous le feu vert au petit spermato et à son baluchon génétique?

- Bonne question.

Monsieur Mallausène au théâtre

Daniel Pennac est un auteur français charmant, passionné, avenant, prolifique et prodigieux. Né au Maroc un an avant la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, dans une famille de militaires, il vit son enfance au sein des garnisons en Afrique et en Asie. Il obtient une maîtrise de lettres à Nice et opte pour l'enseignement. C'est à Belleville, quartier multiculturel de Paris, qu'il s'installe. Après la publication d'un premier essai sur le service militaire, sous le pseudonyme de Pennac (qu'il gardera), il écrit des romans pour enfants. Dès lors, il privilégie le plaisir de l'histoire au "sens logique " en tant que tel. Cette décision deviendra une véritable signature. C'est en 1985 qu'il débute ce que l'on a surnommé la "saga Mallausène". Le premier coup d'envoi se lit sous la couverture du génial "Au bonheur des ogres", un livre qui se vend encore énormément en librairie (dans une succursale de Montréal, dans les derniers 90 jours en date du 29 novembre 2006, on a vendu plus de 60 copies de ce livre grand format). Puis vint "La fée carabine", "La petite marchande de prose" et "Monsieur Mallausène".

Avec "Monsieur Mallausène au théâtre", Pennac signe sa toute première pièce. Elle met en scène Benjamin Mallausène, bouc émissaire dans l'âme et grand frère d'une famille, disons "contrastée", qui découvre sa Julie enceinte. Il parle donc à ce prochain venu pour lui faire comprendre dans quelle galère il atterrira. Bien entendu, Ben tente de se rassurer lui-même, car la paternité est difficile à apprivoiser, et Benjamin a peur. Il prépare la venue au monde de l'enfant, en lui expliquant les événements qui ont culminés jusqu'à son apparition et tente de lui présenter les membres de sa future famille, mission complexe si elle en est une. Il incarne, de sa seule présence, tous les autres rôles sans trop savoir, comme à son habitude, quel est le sien.

Ce texte, présenté pour la première fois au Québec, est un condensé, ou, plutôt, un bref résumé des quatre premiers romans de la série. Plus de 1550 pages sur une superficie d'à peine 92 feuilles ! On y retrouve pourtant l'essence de l'écriture de Pennac : rythmée, malicieuse, lumineuse, intelligente. Les jeux de mots et de sémantiques sont tout aussi délicieux. C'est le comédien Vincent Magnat qui a la lourde tâche d'incarner tous les personnages. Pour respecter les racines du récit, il emprunte un accent français, possiblement parisien, mais relâché, sans le rendre pointu. De ce fait, certains pourraient sentir que l'acteur n'habite pas encore tout à fait le texte, qu'il semble encore réciter ; d'autres plongeront littéralement dans ce jeu, comprenant que la langue de Pennac est unique et pourtant universelle et qu'elle doit se situer entre une prononciation "naturelle" et "représentative".

La mise en scène de Marc Béland préconise la théâtralité imposée du récit plutôt qu'une simple conversation entre un père et sa progéniture. Le comédien évolue donc dans un espace qui rappelle une scène de théâtre, avec des rideaux, un plancher fait de lattes de bois et de multiples projecteurs rapprochés, rappelant un petit cabaret ou un miroir d'une loge et ses multiples ampoules. Il a même droit à son "follow spot" pour certaines scènes. D'autres, comme la partie d'échec avec le vieux Stojil, offre un éclairage radicalement différent (conception d'Étienne Boucher), ce qui dynamise le tout. Mais l'acteur ne reste pas immobile pour autant : le jeu physique est très présent, senti. Il bouge, marche, prend la pose. Magnat utilise de petits trucs simples mais efficaces pour que l'on puisse identifier rapidement les différents personnages en scène. Lors des moments de silence, il se voit enceint, la main au ventre, le dos cambré, ou alors tente de comprendre comment le petit se comporte dans le ventre de sa mère en recroquevillant son corps. Une excellente musicienne, Charmaine Leblanc, joue en direct et utilise des pots à fleur, des tuyaux et sa voix (ainsi, bien entendu, qu'une musique préenregistrée) pour créer les ambiances musicales.

Pennac aime aussi écrire pour comprendre. Par exemple, "Comme un roman" est un essai sur la lecture. "Merci", sa plus récente pièce, est un exercice de style sur les remerciements d'un lauréat. On peut alors voir dans "M. Mallausène..." la venue au monde d'un petit être dans un univers et une famille insensés, la confrontation et le choix de la paternité (Ai-je le droit d'enclencher un destin?), l'engagement, les bouleversements et les remises en question que cela entraîne. Mais cela peut aussi être l'accouchement d'une oeuvre littéraire : jusqu'à quel point on en est le père? Quel est ce rôle paternel? Comment protéger ce premier venu? Et se demander jusqu'à quel point on a le droit de s'y dévoiler (Pouvons-nous courir le risque de nous ressembler?) ?

"M. Mallausène au théâtre" est une pièce limpide et poétique, grâce au jeu subtil et frappant de Magnat et à la mise en scène sympathique et lumineuse de Béland. Elle plaira aux non-initiés, qui apprécieront l'écriture toute particulière et l'univers éclaté et éclatant de cet auteur français, mais peut-être davantage aux complices de la tribu mallauséenne, vu la complexité et la profondeur des personnages et les différents événements dont le récit fait état.

À la dernière page, la reine Zabo dit : Monsieur Mallausène? Faut voir...

Entièrement d'accord.

29-11-2006