Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Les Marguerite(s)
Du 20 février au 17 mars 2018

Paris, 1310. Marguerite Porete se tient debout devant ses juges, 21 maîtres en théologie convoqués par Guillaume de Paris, Inquisiteur officiel de France et confesseur du roi Philippe le Bel. Qui est cette Marguerite? De quoi l’accuse-t-on? En quoi son livre Le Miroir des âmes simples et anéanties menace-t-il l’ordre religieux? Aujourd’hui, au dernier jour de son procès, Marguerite comparaît et persiste à opposer son silence à ses détracteurs, malgré la menace d’être condamnée à mort.

Née vers 1250 à Valenciennes, en France, Marguerite du Hainaut (dite Porete) est indissociable du seul livre connu d’elle, Le miroir des âmes simples et anéanties, un traité de vie spirituelle dans lequel elle prône une qualité d’amour, d’abandon de soi, de renoncement et d’effacement, une liberté et une légèreté d’être, défiant du coup le monopole du clergé sur l’interprétation de la parole sacrée. Les mots de Marguerite Porete ont une ampleur, une beauté fulgu-rante et font preuve d’une culture solide, aussi bien théologique que profane. Mais par sa liberté de ton, le livre est jugé hérétique en 1306 par l’évêque de Courtrai, avant d’être brûlé sur la place publique sous les yeux de Marguerite. Malgré l’interdiction qui pèse sur son livre, celle-ci persiste à en approfondir le propos et à le diffuser. Par cette résis-tance, elle devient l’un des premiers auteurs à être condamnés à mort à cause de ses écrits. Elle est brûlée vive le 31 mai 1310, place de Grève à Paris (aujourd’hui Place de l’Hôtel-de-Ville), après un an et demi de confinement. Par la suite, le livre a continué à circuler, malgré les interdits et les menaces d’excommunication. Écrit en français ancien, il a été traduit très tôt en anglais, en italien et en latin. Il a depuis marqué plusieurs intellectuels, écrivains et théologiens à travers les siècles.


Texte Stéphanie Jasmin et Marguerite Porete
Mise en scène et vidéo Denis Marleau et Stéphanie Jasmin
Avec Céline Bonnier ou Évelyne Rompré (en alternance selon un calendrier déterminé de représentations – voir ci-bas), Sophie Desmarais et Louise Lecavalier


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance à la mise en scène et technicienne : Carol-Anne Bourgon Sicard
Scénographie : Stéphanie Jasmin
Musique : Ana Sokolović
Chorégraphie : Louise Lecavalier
Lumières : Marc Parent
Costumes : Angelo Barsetti + Ginette Noiseux
Design sonore : Julien Éclancher
Sculpteure : Claude Rodrigue
Diffusion et montage vidéo : Pierre Laniel
Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti

Les mardis et mercredis à 19 h
Du jeudi au samedi à 20 h
Et les samedis à 16 h

Rencontre avec le public
Jeudi 22 février 2018, à 18 h 30

CALENDRIER DE L’ALTERNANCE

Céline Bonnier
Première semaine : 20, 21, 22 février 2018
Deuxième semaine : 2, 3 (16 h et 20 h) mars 2018
Troisième semaine : 6, 7, 8 mars 2018
Quatrième semaine : 16, 17 (16 h et 20 h) mars 2018

Évelyne Rompré
Première semaine : 23, 24 (16 h et 20 h) février 2018
Deuxième semaine : 27, 28 février 2018, 1er mars 2018
Troisième semaine : 9, 10 (16 h et 20 h) mars 2018
Quatrième semaine : 13, 14, 15 mars 2018

TARIFS
Général 37$
65 ans et + 30$
30 ans et - 28$
Les prix comprennent les taxes ; les tarifs ne s'appliquent pas aux représentations supplémentaires

Coproduction ESPACE GO + UBU compagnie de création


______________________________________
Critique disponible
            
Critique

Pour sa réouverture, l’Espace GO mise sur des valeurs établies dans une production hybride de théâtre et de danse. Dans une mise en scène conjointe de Denis Marleau et de Stéphanie Jasmin, la pièce Les Marguerite(s) constitue une œuvre scénique très ambitieuse, parfois lourde et surchargée, mais aussi ponctuée de moments de grâce et de grande beauté.


Crédit photos : André Cornellier




Crédit photos : Caroline Laberge

Est-ce la lettre incendiaire de la dramaturge Annick Lefebvre qui reprochait à Ginette Noiseux (l’actuelle directrice artistique de GO) ses choix timides à l’égard des créatrices qui a incité cette dernière à programmer une création où gravitent de nombreuses femmes de diverses disciplines? Car n’oublions pas que le théâtre du boulevard Saint-Laurent a été autrefois le Théâtre expérimental des femmes fondé par Pol Pelletier, Louise Laprade et Nicole Lecavalier.

La création Les Marguerite(s) aborde en trois parties distinctes la figure mystérieuse de Marguerite Porete dont le destin tragique nous est résumé sur écran au début de la représentation. Cette femme de lettres mystique et chrétienne, née au milieu du 13e siècle, sera brûlée vive pour avoir publié un livre avant-gardiste, Le Miroir des âmes simples. Durant environ une heure trente, trois artistes, une danseuse, Louise Lecavalier, et deux actrices, soit Céline Bonnier (en alternance avec Évelyne Rompré) et Sophie Desmarais, tentent de reconstituer les états d’âme d'une écrivaine dont l’histoire a gardé peu de traces. Toutes les interventions se déroulent dans un atelier aux murs blancs. Sur le mur côté jardin, nous voyons, entre autres, de jolies marionnettes et des têtes en plâtre ; côté cour, un échafaudage où trônent différents projecteurs. 

«Cette femme qui écrit, (…) a fait de l’anéantissement le cœur de son livre. Anéantissement comme allègement, pas comme destruction», peut-on lire dans le programme de la pièce. En effet, l’équipe construit davantage qu’elle détruit dans cette proposition pluridisciplinaire. Dans la première (et meilleure) partie, Le silence de Marguerite, Louise Lecavalier exécute une chorégraphie troublante en écho au refus de parler de l’héroïne lors de son procès. Pour toutes celles et tous ceux qui ont vu cette artiste d’exception, soit à l’époque de ses prouesses physiques dans la troupe La La La Human Steps et de ses duos inusités avec Jim Corcoran ou David Bowie, ou encore dans ses prestations récentes plus intimistes, les frissons surgissent à tout coup. Toute de noir vêtue, ici en chemise et pantalon, la danseuse, à l’allure fragile et androgyne avec ses cheveux courts blonds, amorce sa prestation avec des mouvements doux. Très rapidement, la tension monte notamment par des déplacements avec les pieds évoquant le célèbre Moonwalk de Michael Jackson ou encore en tordant l’une de ses épaules. Sur une musique inquiétante d’Ana Sokolović, la danse oscille entre la résistance d’une femme aux affronts de la société (en appuyant sur la table de travail de l’atelier, par exemple) et l’exploration d’une liberté frémissante qui se déploie au fur et à mesure de la prestation. Lorsque l’artiste quitte la scène, surgit la sensation d’avoir vécu et ressenti un moment d’une forte intensité. Pour reprendre le titre d’une chanson de Daniel Bélanger, Louise Lecavalier «dit tout sans rien dire», grâce à sa présence magnifique et son corps qui communique d’innombrables nuances de l’âme humaine.     
  
Par contre, le charme se rompt légèrement dans la deuxième partie (Les témoins). Au lieu des vingt-et-un théologiens consultés durant le procès de Porete, ce sont cinq femmes du passé que nous entendons par la voix d’une Céline Bonnier munie d’un casque (pour la présente représentation) et des projections vidéo. Cinq têtes prénommées Marguerite qui ont réellement existé s’expriment : Marguerite de Constantinople, Marguerite d’Oingt, Marguerite d’York, Marguerite de Navarre et Marguerite Duras. Denis Marleau avait eu recours précédemment avec plus d’éclat à un procédé technique similaire pour sa «fantasmagorie technologique» Les Aveugles de Maurice Maeterlinck. Si le texte de Stéphanie Jasmin rend hommage avec justesse au courage féminin, les nombreux détails biographiques et les longueurs font perdre parfois l’intérêt malgré le talent de la comédienne. Soulignons toutefois les éclairages soignés de Marc Parent qui apportent sur le plateau une certaine chaleur.

La dernière partie, La femme-libre, se démarque par sa durée courte et expéditive. Sophie Desmarais incarne une jeune femme d’aujourd’hui qui trouve par hasard le livre de Porete. Celle-ci tente de déchiffrer la souffrance de l’auteure et de la comparer à certaines écritures plus contemporaines comme Sarah Kane (sa pièce Blasté) et Nelly Arcand. Les références font sourire, car Brigitte Haentjens (souvent présente à l’Espace GO et qui a travaillé plus d’une fois avec Desmarais) a déjà monté la pièce mentionnée de Kane, alors qu’une production de l’Espace GO autour d’Arcand a connu un grand succès il y a quelques années. Sophie Desmarais compose un personnage attachant, mais son débit ultrarapide empêche d’adhérer totalement au propos. 

Entre ces moments éblouissants et ceux plus faibles, la production Les Marguerite(s) fait œuvre utile en réinscrivant Marguerite Porete dans la mémoire collective.

04-03-2018
 

Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

Vimeo Youtube Facebook Twitter