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Du 9 janvier au 2 février 2008

Le plan américain

De Daniel Brière et Evelyne de la Chenelière.
Avec : Daniel Brière, Anne-Marie Cadieux, Normand D’Amour, Evelyne de la Chenelière

Une comédie satirique sur le Sens de la Vie. Quatre individus liés par le sang coexistent, et tentent désespérément de justifier leur existence. Leur quête de sens se transforme en quête de sensations, d’images fortes, d’exaltation, d’extase. Ils s’exposeront sous tous leurs angles, comme autant de photos provocantes, poétiques, scandaleuses.

Précédant toutes les tendances et renommant le moderne, le couple de créateurs va encore une
fois là où on ne les attend pas : « Nous créerons un happening théâtral en suivant 7 règles de créations impitoyables, imaginées par nous, pour notre plus grand plaisir masochiste.

- Renoncer une fois pour toutes à raconter une histoire plausible.
- Résister à l’écueil du théâtre dit contemporain, qui ne fait que répéter une suite de variations
autour du sexe, de la violence, et de la société de consommation.
- Ne céder à aucune figure de la mélancolie ou à son éloge, qui n’est que la vanité d’aimer
sa propre tristesse.
- En revanche, s’opposer farouchement au culte de la joie.
- Éviter à tout prix les dérives de la danse quand elle se greffe au théâtre dit contemporain,
cautionnant ainsi l’impuissance du théâtre à devenir moderne par lui-même.
- Ne jamais glorifier l’individualité ou la subjectivité, qui revient à démocratiser l’exceptionnel
et à transfigurer le banal : refuser de participer à cette tromperie collective.
- Mépriser toutes nos oeuvres précédentes, sans exception. »

Réussiront-ils ce prodige avec Le plan américain ?

Décor et accessoires : Michel Ostaszewski
Éclairages : Nicolas Descôteaux
Costumes : Catherine Gauthier
Vidéo : Yves Labelle
Environnement sonore : Danny Braün
Régie : Colette Drouin
Directeur technique : Jean-François Landry

Une production Nouveau Théâtre Expérimental

Du mardi au samedi à 20h30, jeudi 17 janvier à 19h, samedi 2 février à 16h et 20h30
Entrée 23$
Prévente 30$ la paire

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

 

par David Lefebvre

Évelyne de la Chenelière et son complice de vie, Daniel Brière, nous proposent, après Henri et Margaux et Nicht retour, Mademoiselle, la création satirique Le Plan américain, en compagnie des comédiens Anne-Marie Cadieux et Normand D'Amour.

Elle et Lui sont frère et soeur, une fusion illogique, mais pourtant réelle, incestueuse. Ils font tous les deux partie d'une famille en apparence fonctionnelle, un peu bourgeoise, intellectuelle, avec un papa photographe de guerre, qui sent le besoin de tout montrer à la face du monde, et une mère noyée dans l'art contemporain, qui devient presque une oeuvre en soi. Repliés sur eux-mêmes, en marge d'une réalité, les enfants se piègent dans leur enfance, se révoltent, s'agitent, et forment un plan pour faire entendre leur mécontentement sur la condition animale - puisque celle qui est humaine est peine perdue.

Crédit photos : Gilbert Duclos

Le mot « perception » est probablement le mot-clé de ce Plan américain. La pièce évoque une série de tableaux, comme des photographies qui bougent ; parfois on assiste à du croqué sur le vif, parfois on modifie la réalité pour la rendre plus attirante. Parfois encore, on modifie l'angle, recréant deux, trois fois la même scène, élaborant à chaque fois le point de vue des protagonistes. La famille représente alors un microcosme de la société contemporaine, dans lequel chaque membre est en quête : d'épanouissement, d'amour, de sensations fortes, d'extase. On attaque les vices et les côtés ridicules d'aujourd'hui avec un humour parfois absurde, sinon ironique ou cynique. On fait un parallèle entre les propos des enfants et ceux des adultes, on compare l'humanisme à un culte désespéré, on s'attaque à l'obsession de l'image, on s'affranchit, et pourtant, un lien fort réunit ses quatre personnes, fatale union de la différence.

Le traitement est atypique, hors norme, éclaté. Le lien vers l'image est omniprésent : par exemple, les projections de photos (celles de guerre, de James Nachtwey, sont parfois dures et cruelles, tout aussi terribles que magnifiques), l'utilisation d'une caméra, prenant des clichés des poses artistiques de la mère faussement torturée ou, encore, l'usage habile de deux caméras vidéo, l'une pointée vers des toilettes, pour quelques confessions, clopes clandestines aux lèvres des enfants, et l'autre avec « écran bleu », permettant des «effets spéciaux» (un décor extérieur, pour simuler une balade en moto, par exemple). Ces procédés dans la mise en scène et l'intrigue du plan qui se monte entre les tableaux familiaux donnent, au final, un spectacle presque onirique, cinématographique, gratifié de multiples clins d'oeil au théâtre moderne.

Les nombreux discours - dont sur l'art (sa signification, sa nécessité), la famille (la protection des enfants au monde réel versus tout leur montrer, entre autres), la recherche de soi dans un «nous» et du nous dans «soi», la souffrante réalité déformée par la perception du monde extérieur - créent autant l'ambiguïté au niveau de la compréhension du spectacle qu'une fascination pour les personnages et ce qu'ils vivent. Le plan américain ne s'attarde pas qu'au fameux trois quart habituel de sa définition photographique : il décrit la fin des idéaux, la démesure et le pouvoir de l'image. Étrange comédie tragique et satirique, incisive, créée originalement à partir de sept règles que s'étaient fixées les deux auteurs et comédiens, Le plan américain renonce à une certaine plausibilité, mais qui ne sabote décidément pas notre plaisir d'y assister.

11-01-2008