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Du 23 novembre au 3 décembre 2016
Docteur B.
Texte et interprétation Charles Behr et Ève-Chems de Brouwer
Mise en scène Ève-Chems de Brouwer

Si on avait la possibilité de passer une heure en compagnie d’un neurologue à l’hôpital, que découvrirait-on sur notre cerveau, sur ses dysfonctionnements, sur nous-mêmes?

Docteur  B. est un regard croisé entre Ève-Chems De Brouwer, comédienne et metteure en scène, et son mari, Charles Behr, neurologue spécialiste de l’épilepsie. Aux limites de la performance, du documentaire et de la danse, c’est une plongée dans les dérèglements du cerveau, dans ses capacités les plus inouïes. Tout y est prétexte à observer les rouages de notre faculté à imaginer, à rêver, à fantasmer : ce que Roland Jouvent* nomme « le cerveau magicien ».


Conception Patrick Rioux, Frédéric Auger, Marion Boudier, Marie-Stéphane Ledoux et Marion Carriau.

Salle principale
Billet régulier 33$
Billet 25 ans et moins | Étudiant 26$

Studio
Billet du Studio Espace Libre 26$
Billet 25 ans et moins | Étudiant du Studio Espace Libre 22$

Forfait PréVente* 25$

*Soyez les premiers! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.

Étudiants en théâtre 19$

Une production Ève-Chems de Brouwer/ Useful Dream


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191 - billets.espacelibre.qc.ca

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Critique

Avec Docteur B., l’artiste multidisciplinaire Ève-Chems de Brouwer convie le public montréalais à un étrange objet scénique, sur le plateau dépouillé d’Espace Libre. Cette fusion entre science et théâtre, dans l’esprit dichotomique d’un Docteur Jekyll et d’un Monsieur Hyde, s’adresse particulièrement à un auditoire averti ou interpellé par un sujet aussi pointu. 


Crédit photo : Espace Libre

Au théâtre de la rue Fullum, le mariage entre la création artistique et l’univers complexe de la médecine avait connu certaines expériences antérieures. Songeons notamment à la production très appréciée Sacré Cœur d’Alexis Martin et du médecin Alain Vadeboncœur, où nous nous retrouvions dans la frénésie de la salle d’urgence d’un hôpital. Ici, ce sont seulement deux des concepteurs de Docteur B., de Brouwer et son conjoint neurologue et spécialiste de l’épilepsie, Charles Behr, qui sont présents sur la scène. Dans une atmosphère beaucoup plus intimiste que dans des expériences comme Sacré Cœur, l’histoire tente de plonger les spectateurs «dans les arcanes du cerveau et des émotions», pour reprendre les mots du communiqué. Déjà à l’affiche en mai 2015 au Festival TransAmériques, elle fusionne le théâtre et la danse dans une approche instructive et érudite. Pendant une toute petite heure en compagnie des deux comparses, la représentation sillonne ainsi les méandres de la structure biologique la plus complexe du corps humain.

Quelques secondes après la fermeture des lumières, un homme en jeans et en chemise blanche s’assoit silencieusement sur une chaise. Il tombe par terre et émet des signes de convulsion, symptôme souvent associé à une crise d’épilepsie. Les spectateurs sont plongés tout à coup dans le noir; l’effet est très réussi par son sentiment d’angoisse. Ensuite, Ève-Chems de Brouwer, arrive avec une tête blanche conçue avec une matière qui lui fait ressembler à une poupée de chiffon. Cette apparition donne à un propos rarement joyeux une touche de fantaisie. Jusqu’au dénouement sans grande surprise, les deux partenaires échangent, parfois sur le ton de la confidence ou à d’autres occasions à la manière d’un exposé magistral, sur des questions de santé susceptibles de nous toucher un jour ou l’autre.

Un peu plus tard, Behr reproduit de manière assez crédible la démarche d’un patient souffrant de problèmes de coordination, comme un pantin désarticulé. À travers son corps agile, il livre ainsi certaines réalités médicales qu’il rencontre au quotidien. Par ailleurs, une conception sonore de Frédéric Auger apporte une dimension assez intéressante, conférant ici et là une tension supplémentaire. Parmi les moments forts de la proposition inusitée, mentionnons celui où nous entendons dans un enregistrement audio le témoignage de frères jumeaux. Ces derniers ont fait tous deux, en même temps, une crise d’épilepsie. L’un avait déjà été diagnostiqué, alors que l’autre a appris sur le coup les possibilités héréditaires de ce trouble du système nerveux.     
        
Par contre, le spectacle tombe aussi dans la facilité, notamment lorsque le partenaire masculin effectue une sorte de chorégraphie de sautillements dans les airs, un peu comme un adolescent en colère sur une musique plutôt rock. Des effets stroboscopiques accompagnent la scène, mais sans que rien d’intéressant ne se produise en fin de compte, à l’exception de l’arrivée de l’actrice vêtue d’une robe blanche, comme une figure mystérieuse d’un conte d’hiver.  


Crédit photo : Espace Libre

À moins d’être un adepte des approches conceptuelles ou d’aimer les transpositions théâtrales plus didactiques, dans la lignée de certaines émissions télévisées (Découverte) ou radiophoniques (Les années lumières), il demeure difficile d’adhérer totalement à ce Docteur B., pourtant riche en information. La volonté du couple de jumeler deux univers antagoniques en apparence (nos capacités et limites cérébrales conjuguées au monde du rêve et de l’imaginaire) demeure louable, mais manque justement de magie. Si les causes et conséquences d’un accident vasculaire cérébral sont expliquées, tout comme le rôle méconnu du cervelet sur notre capacité à marcher sans déséquilibre, les émotions demeurent souvent absentes. Quelques allusions plus cocasses s’insèrent au récit (par exemple, lorsque Brouwer enfile un pyjama aux motifs de «bananes intégrales»), mais restent plus ou moins bien intégrées à la démonstration plus rationnelle. Au même endroit l’an dernier, une œuvre ancrée dans des réalités tangibles comme Pôle Sud, documentaire scénique avait brillamment illustré comment des personnes et des situations «ordinaires» pouvaient être sublimées par le quatrième art sans perdre de leur authenticité. Une pièce comme Docteur B., par ses aspects plus «pédagogiques», gagnerait pourtant beaucoup à être présentée dans des milieux spécialisés (hôpitaux, centres de réadaptation) en raison de l’acuité fine de ses enjeux.

Heureusement, les deux performeurs démontrent une belle complicité et aisance dans leur jeu «réaliste». Mais une plus grande exploration du Cerveau magicien, essai de Roland Jouvent mentionné juste avant la tombée du rideau, aurait davantage amplifié les sensations fantasmagoriques propices à ce type de rencontre avec le public.   

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