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Conte à rendre (un interrogatoire)
Du 12 au 23 septembre 2017

Tu ne tueras pas ! Toute société policée, religieuse ou pas, en fait une règle élémentaire. Dans l’espace exigu et aseptique d’une salle d’interrogatoire, une jeune femme début vingtaine doit répondre d’un geste fatidique. Il y eut en effet mort d’homme. Son intention n’était pourtant pas mauvaise. Alors donc, qu’est-ce qui l’a amenée jusque-là ? À l’encontre d’une rectitude éthique qui désengage, l’héroïne cautionne et fait foi de son héritage : le legs de sa grand-mère; des valeurs, une philosophie qui donne son sens au gros bon sens. La mère, disparue elle aussi, s’incarne dans le père veuf. Autant dire que cette jeune femme s’est faite d’elle-même… à l’écoute de ces voix intérieures aux accents d’agriculture plus que de culture. Au-delà du miroir, l’évaluateur-interrogateur cherchera à la comprendre... L’histoire d’un improbable dialogue de sourds qui se mettent à table et finissent par s’écouter … et s’entendre.


Maîtrise d'oeuvre Réal Bossé, Sylvie Moreau, Jean Asselin
Avec Jean Asselin, Andréanne Théberge, et un interprète à déterminer


Crédits supplémentaires et autres informations

Musique et environnement sonore Ludovic Bonnier
Lumières Mathieu Marcil
Scénographie Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau, avec la collaboration de David Poisson

Salle principale
Billet régulier >33$
Billet 25 ans et moins | Étudiant > 26$
Tarif PréVente * > 25$
* Soyez les premiers ! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.
Étudiants en théâtre > 19$
** Vous êtes résident de notre quartier? Présentez-vous au guichet avec une preuve d'adresse (H2K) et obtenez un billet à 22$.

Une production OMNIBUS le corps du théâtre


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Critique disponible
            
Critique

Pour succéder à la magnifique production Dans la tête de Proust qui explorait avec imagination la vie et l’œuvre du célèbre écrivain d’À la recherche du temps perdu, la troupe d’Omnibus privilégie cette fois-ci des zones plus intimes et contemporaines avec Conte à rendre (un interrogatoire). Sans être aussi remuante que cette précédente expérience, la nouvelle création possède néanmoins beaucoup d’atouts pour stimuler les esprits et les cœurs sur la scène de l’Espace Libre.




Crédit photos : Catherine Asselin-Boulanger

Les codirecteurs et la codirectrice d’Omnibus, Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau, ont construit à six mains un univers baignant dans des eaux à la fois douces et ombrageuses où le passé et le présent s’enchevêtrent. Le trio de metteurs en scène conjugue ici certaines contraintes à leurs pulsions créatrices. Pour ce Conte à rendre, ils ont décidé entre autres d’une durée totale de 75 minutes pour la représentation et d’un partage égal pour le matériel. Fort heureusement, de telles exigences ne briment que très peu la créativité de l’exécution scénique.

La pièce aborde avec une habileté certaine l’enjeu de la légitime défense et du sens de la justice dans une société où les rapports entre individus deviennent plus réglementés et criminalisés que jamais. Dans une salle d’interrogatoire aux dimensions restreintes, une jeune femme dans la vingtaine (Andréanne Théberge) est interrogée par un psychologue de la police (Charles Préfontaine) en lien avec un meurtre qu’elle aurait supposément commis. Elle révèle peu à peu des pans de sa vie, autant son quotidien actuel à Montréal que son enfance en milieu rural avec son père (personnifié par Jean Asselin), lors de scènes qui surgissent comme des flashbacks. Du début à la fin, la voix de la grand-mère (Sylvie Moreau) laisse son empreinte sur ce monde d’aujourd’hui qui cherche à renier ses racines, son âme rebelle et son héritage.

Les trois metteurs en scène s’étaient amusés précédemment à «contenir» leurs interprètes dans une aire de jeu réduite. Dans Amours fatales, ils les avaient obligés à rendre toute la fougue de trois tragédies de Racine en versions abrégées autant dans le temps que dans l’espace (Andromaque, Bajazet, Bérénice) sur un plateau qui se réduisait d’une fois à l’autre comme une peau de chagrin. Réal Bossé avait aussi tenté dans un travail d’orchestration en solitaire, Plywood, un show sur le rough, de démontrer des tourments et angoisses de la jeunesse actuelle, avec comme seul décor, trois feuilles de Plywood non sablées. La présente production se passe ici dans une sorte de carré légèrement surélevé par rapport au sol. L’ingéniosité de la scénographie permet d’enchevêtrer les différents lieux de l’action, soit la salle d’interrogatoire et les passages plus fantaisistes avec le père à la ferme. Sur le plateau se côtoient des accessoires de couleur métallique (tables, chaises) et du gazon vert, lieu des échanges entre la fille et son père. Le décor donne souvent l’occasion de démontrer avec clarté les nombreuses oppositions du récit, entre la rigidité du milieu carcéral et l’enfance où se répandait une tendresse palpable entre un parent courageux et une gamine débrouillarde.

Mais la grande force de Conte à rendre (un interrogatoire) réside surtout dans son histoire. Écrite par les trois maîtres d’œuvre Moreau, Asselin et Bossé, celle-ci ressemble à priori à une toile d’araignée. Peu à peu, elle se dépouille de ses zones d’ombres, de mystères et de secrets interdits. Mais, elle ne révèle pas tout et évite les détails scabreux. Un tel équilibre donne aussi l’occasion de traiter autant de la vie présente de l’héroïne que de ses souvenirs avec son père. Ces derniers constituent sans contredit les meilleurs passages de la soirée.

Comédien très doué, Jean Asselin est épatant pour rendre les états d’âme de cet homme marqué par les épreuves (dont l’épouse est morte très jeune). Il exprime une large gamme d’émotions dans son corps souple et à l’aide de peu de mots, dans la continuité d’autres prestations remarquées comme dans Dans la tête de Proust, et dans l’excellente œuvre théâtrale L’intimité d’Emma Haché. Andréanne Théberge insuffle à son personnage à la fois une force et une fragilité palpable et poignante. Plus en retrait, Charles Préfontaine se révèle juste dans un rôle discret. Par ailleurs, pour les enregistrements de la grand-mère, Sylvie Moreau ne craint pas d’exposer toute la dimension crue et ancrée de cette matriarche digne représentante d’un terroir québécois non aseptisé s’apparentant à La Scouine d’Albert Laberge.

Mentionnons la conception sonore très soignée de Ludovic Bonnier avec ses notes mélancoliques toujours poignantes. Théberge et Asselin fredonnent également des airs de Luis Mariano, de Jean Ferrat (On ne voit pas le temps passer) et de Pauline Julien (Mommy).

Une fois de plus, la compagnie Omnibus concilie le plaisir à une rigueur formelle contagieuse. Elle sollicite nos émotions, mais surtout le sens de la mémoire et de la filiation dans un Conte à rendre (un interrogatoire) qui mérite un grand succès.

18-09-2017
 

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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