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Du 19 décembre 2007 au 9 février 2008
Suppl. 15-16 fév. 2008

La Casta Flore

Texte de Peter Quitter
Traduction de Daniel Roussel
Mise en scène de Monique Duceppe
Avec Pierrette Robitaille, Alexandrine Agostini, Benoît Brière, Normand  Lévesque, Danièle Lorain, Pauline Martin.

C’est à New York en 1943 que nous allons rencontrer Florence Foster Jenkins, au moment où elle fait la connaissance de son nouveau pianiste accompagnateur qui, le pauvre, ne sait pas encore dans quelle aventure abracadabrante il s’embarque!

Florence Foster Jenkins est une artiste reconnue comme « la pire chanteuse du monde »! Elle avait, dit-on, une voix de cochon qu’on égorge! Et pourtant, le « tout » New York se déplaçait pour l’entendre râler, autant par curiosité que par admiration.

Fiction que tout cela?

Non, car Florence Foster Jenkins a vraiment existé! Et au moment précis où nous pénétrons dans l’univers farfelu de cette femme exceptionnelle, elle se prépare pour le grand spectacle qu’elle va donner au Carnegie Hall et qui sera troublé par des évènements imprévus.

La Casta Flore, une comédie audacieuse, intelligente et délirante sur la vie d’une femme authentique qui a le courage et l’énergie d’aller jusqu’au bout du talent qu’elle n’a pas!

Cette pièce a été mise en nomination pour le Laurence Olivier Award de la meilleure nouvelle comédie.

Production - Duceppe

Théâtre Jean-Duceppe
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2122, 1-866-842-2112

 

par David Lefebvre

Oui, Florence Foster Jenkins, l'une des plus mémorables «folles chantantes», a bel et bien existé. Fille de banquier, elle est pourtant attirée par la musique, le chant plus précisément, et les costumes à paillettes. Après s'être enfuie à Philadelphie avec un médecin, elle gagne sa vie en tant qu'enseignante et pianiste. Le décès de son père, alors qu'elle est âgée de 41 ans, lui permet d'hériter d'une jolie fortune. Elle fonde et finance le Club Verdi et commence à donner des récitals. Elle trie elle-même et supervise la distribution des billets de chacun des spectacles qu'elle présente, incluant les concerts qu'elle donne chaque année au Ritz-Carlton de New York. En 1943, lors d'un accident de voiture (à bord d'un taxi, en route vers les studios d'enregistrement), elle découvre qu'elle peut chanter un «Fa encore plus haut qu'avant». Elle qui allait poursuivre la compagnie de taxi, elle remercie le chauffeur avec une boîte de cigares cubains. L'année suivante, à 76 ans, elle remplit à craquer la mythique salle de spectacles de New York, Carnegie Hall. Elle meurt un mois plus tard. Ce qui est extraordinaire avec cette dame plutôt excentrique, charmante pour les uns, mégalomane pour d'autres, c'est qu'elle ne savait tenir aucune note juste ni aucune rythmique. On peut entendre d'ailleurs sur les enregistrements qui existent encore, son pianiste des dernières années, Cosme McMoon, tenter de sauver les meubles en modifiant le rythme et les tonalités des chansons, pour suivre la «diva», qui se comparait pourtant aux plus grandes soprani de l'époque. Et elle traitait de jalouses celles qui en riaient. Malgré tout, elle avait un public étrangement conquis, qui louait assurément la détermination de cette dame qui est allée au bout de son improbable rêve.

Crédit photos : François Brunelle

Depuis le début des années 2000, on s'intéresse beaucoup à ce personnage haut en couleur. Chris Ballance (Viva la diva) et Stephen Temperley (Souvenir - jouée sur Broadway) ont écrit des pièces sur Jenkins, mais c'est La Casta Flore (titre original Glorious!, qui a été présenté au Centaur en février 2007), de Peter Quilter, dans une traduction de Daniel Roussel, qui prend d'assaut les planches du Théâtre Jean Duceppe. La version de Quilter sur la vie de cette «chanteuse de renom» est sans contredit une comédie, mais elle semble rigoureusement près de certains faits marquants et anecdotes de la cantatrice. La mise en scène de Monique Duceppe flirte avec le clinquant, l'exubérance et une certaine démesure, utilisant tous les atouts que procurent le texte pour faire rire la galerie et démontrer l'envergure de la passion de cette diva. Les décors de Marcel Dauphinais, magnifiques, nous transportent de l'espace particulier (et richement décoré) de Mme Jenkins au Carnigie Hall, en passant par le Ritz et, grâce à la magie d'un plateau tournant et d'un écran géant, à un studio d'enregistrement. Les costumes, sous la supervision de Daniel Fortin, sont inspirés de l'époque, avec une petite touche kitsch assumée, respectant même quelques costumes que Jenkins a portés.

Pierrette Robitaille est sans nul doute l'actrice toute désignée pour entrer dans les robes et les fausses notes de la chanteuse. Elle rend le personnage fort sympathique, ni trop «vieille piquée» ni trop «mégalomane», exaltée, passionnée, animée par une rage de chanter. Alors qu'elle trucide de sa voix singulière Le chant d'Adèle de Strauss ou encore assassine musicalement La reine de la nuit de Mozart, on pourrait crier à la grossière caricature. Nenni ; il suffit d'entendre une fois la véritable Jenkins chanter* pour vraiment comprendre l'ampleur des dégâts - mais bien entendu, Mme Robitaille s'en donne à coeur joie. Benoît Brière, en Cosme McMoon, joue avec modestie et retenue le rôle de l'homme effacé, sobre, à l'opposé de la dame qui veut l'engager. Au départ totalement surpris par le timbre de voix de la chanteuse, il finira par l'apprécier, l'aider, et jouera avec elle pendant quelque temps, pour l'accompagner finalement au Carnegie Hall. Il termine d'ailleurs avec un joli monologue, touchant, sur les derniers instants de la vie de Florence Foster Jenkins. Normand Lévesque, fidèle à lui-même, interprète l'homme qui partage la vie de Jenkins, St-Clair, comédien sur le déclin mais qui tente de vivre comme un dandy. Pauline Martin est tout à fait charmante et rafraîchissante dans le rôle de Dorothy, l'amie de Florence, qui aime un peu trop son chien Ricky et qui a un oeil (sinon deux) sur le pianiste McMoon. Finalement, Daniel Lorain incarne Maria, la servante mexicaine qui ne parle que l'espagnol (les spectateurs qui ne comprennent pas la langue manqueront certainement quelques envolées) et Alexandrine Agostini apparaît brièvement à la fin du spectacle, dans le rôle de Mme Verrinder-Gedge, une amoureuse de la musique, irritée, qui tente de faire taire Jenkins qui lui répondra : les gens peuvent dire que je ne sais pas chanter, mais ils ne pourront jamais dire que je n'ai pas chanté! Cette dame passionnée ne laisse absolument personne indifférent.

Sans véritable surprise, et malgré plusieurs clichés que comporte souvent ce genre de comédie, La Casta Flore reste un divertissement honnête qui ravira son public cible.

23-12-2007

*Je vous invite à vous rendre sur cette page pour écouter deux extraits de Florence Foster Jenkins:
http://www.counterpoint-music.com/specialties/ffj.html