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Du 28 octobre au 5 décembre 2015
Ils étaient tous mes fils
Texte d’Arthur Miller
Traduction de David Laurin
Mise en scène de Frédéric Dubois
Avec Michel Dumont, Benoît McGinnis, Gary Boudreault, Simon Dépot, Milène Leclerc, Vincent-Guillaume Otis, Évelyne Rompré, Julie Roussel, Louise Turcot

Au mois d’août. Après la guerre. Profondément marqués par la disparition au combat de leur fils Larry, les Keller s’accrochent à une apparente normalité. Ils affichent une aisance financière et une réussite sociale admirées de tous. Joe, le paternel, self-made man prospère, se remet d’une accusation de négligence criminelle après avoir vendu des pièces d’avion défectueuses. Vingt et un soldats américains se sont écrasés. Il a été innocenté, mais son partenaire, père de la fiancée de son fils manquant, croupit toujours en prison. Alors que Kate, la mère, refuse obstinément l’idée que Larry puisse être mort, une violente tempête déracine l’arbre planté à sa mémoire, un mariage inattendu est envisagé, une visite jette une nouvelle lumière sur le crime. Et voilà l’effondrement tragique de l’équilibre précaire des Keller.

Reflet du climat social et économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, condamnant l’idéal américain de prospérité, Ils étaient tous mes fils d’Arthur Miller (La mort d’un commis voyageur, Les Sorcières de Salem) traite de façon magistrale des responsabilités individuelles et collectives, de force morale et de lâcheté. Derrière les apparences du quotidien ordinaire d’une typique famille de banlieue, on nous présente une extraordinaire tragédie. Ou quand le rêve américain tourne au pire cauchemar… Ce texte puissant de Miller — qui aurait eu 100 ans cet automne — lui vaudra son premier Tony Award.


Section vidéo

    

Décor : Olivier Landreville
Costumes : Linda Brunelle
Éclairages : André Rioux
Musique : Pascal Robitaille
Accessoires : Normand Blais
Assistance à la mise en scène : Emmanuel Nappert

Une création DUCEPPE


DUCEPPE
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112, 1-866-842-2112

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Critique

Crédit photo : Caroline Laberge

En cette année qui marque le 70e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la pièce Ils étaient tous mes fils tombe tout à fait à propos, puisqu’elle se déroule dans la période juste après ce conflit qui a laissé des traces indélébiles sur d’innombrables familles. Pour les Keller, la guerre a laissé en apparence peu de traces, si ce n’est celle de la disparition de leur fils Thomas. La mère Kate croit pourtant dur comme fer que leur fils reviendra. Son quotidien en compagnie de son mari Joe semble paisible et normal, tout en étant meublé de relations courtoises avec leur voisinage. La visite de la fiancée de Thomas vient toutefois chambouler cet apparent équilibre et mènera à de grandes révélations au sein de la famille des Keller.

Écrite par Arthur Miller en  1947, la pièce marque un premier succès pour l’auteur en remportant un Tony Award. Il faut dire qu’elle présente les éléments si caractéristiques du répertoire qui a fait la renommée de Miller : des personnages aux multiples facettes, qui luttent souvent avec leurs valeurs et leurs envies ; une trame qui s’attaque aux idéaux américains et un accent mis sur les relations interpersonnelles.  L’habile traduction de David Laurin ne perd rien de la montée dramatique de Miller et du sous-texte qui critique la société américaine, surtout son appétit pour l’argent et la réussite.

Dans une mise en scène resserrée et efficace de Frédéric Dubois, Michel Dumont offre une prestation remarquable dans le rôle de Joe, le père dont l’image se retrouve entachée au fil des révélations. Incarnant avec  aisance cet homme d’affaires prospère qui pourtant cache de lourds secrets, l’acteur réussit à bien nuancer son jeu pour dévoiler peu à peu les zones d’ombres, mais aussi les bons côtés de ce personnage qu’on n’arrive pas tout à fait à détester. D’ailleurs, toute la pièce navigue soigneusement entre l’action plus légère, laquelle suscite les rires et installe l’apparente banalité de la vie des Keller, et l’action plus dramatique, laquelle fait place à plusieurs confrontations et révélations lourdes de conséquences.


Crédit photo : Caroline Laberge

Les personnages de la pièce sont adroitement campés par l’impressionnante troupe de comédiens.  La présence des voisins, Frank et Lydia Lubey (Simon Dépôt et Milène Leclerc), est amusante  et les interventions de l’autre voisine Suzie Finley (divertissante Julie Roussel), toujours aux trousses de son mari (Gary Boudreault), font habilement rire. Toutefois, c’est dans les moments dramatiques que la pièce prend tout son sens et qu’elle offre des réparties poignantes, tant du côté de Christian Keller (touchant Benoît McGinnis) qui tente tant bien que mal de moduler la détresse de sa mère et de faire son propre chemin malgré les attentes de son père, que du côté de sa mère Kate (attachante Louise Turcot) qui attend toujours le retour de son autre fils. L’arrivée des enfants devenus grands de la famille Deever, Annie (Évelyne Rompré) et George (Vincent-Guillaume Otis), ajoute au drame et ouvre la voie des révélations-chocs.

Ils étaient tous mes fils offre une performance juste et équilibrée, qui met en valeur la richesse du texte d’Arthur Miller, tout en s’attaquant à des thèmes qui semblent toujours d’actualité. Où se trace la ligne entre nos visées individuelles et le bien collectif? Jusqu’où peut-on aller pour assurer sa propre prospérité? Quel sera le prix à payer? Jouant tant sur la profondeur des personnages que sur la morale de la société, la pièce captive jusqu’à la toute fin, grâce à une montée dramatique qui se trame subtilement. Ajoutez à cela une mise en scène efficace et une troupe talentueuse, et vous obtenez une pièce particulièrement saisissante et réussie.

01-11-2015