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*Nouvelles dates : du 6 au 17 décembre 2011, 20h - Suppl. 11 déc. 18h et 21h, 12 déc. 20h et 17 déc. 15h
Le cycle de la boucherie
danse-théâtre
Concept de Dave St-Pierre
En collaboration avec les interprètes Vincent Morelle, Sylvia Camarda, Gaetan Nadeau, Marie-France Marcotte, Guillaume Lambert, Isabelle Duchesneau, Mickael Lamoureux, Debbie Lynch-White, Katia Lévesque, Dave St-Pierre
Textes Sarah Berthiaume et Dave St-Pierre

Un cycle sur la consommation sauvage du corps :

corps-charcuteries
esprits avariés
cochonnes qui se gavent
panses dilatées
viscères broyés
âmes insalubres
famille-carcasse
amants-carnassiers
créateurs omnipotents

pourquoi comparer ses chairs?

Dave St-Pierre
Dave St-Pierre a travaillé avec Brouhaha Danse pendant plus de six ans. Il danse ensuite auprès de plusieurs chorégraphes, dont Harold Rhéaume, Jean-Pierre Perrault, Estelle Clareton, Pierre-Paul Savoie, Alain Francœur et ce, à travers l’Amérique du Nord et l’Europe. Il danse dans Amour, acide et noix et La pudeur des icebergs de Daniel Léveillé. Il crée plusieurs pièces chorégraphiques, dont Le no man’s land show en 2003 et La pornographie des âmes en 2004. Cette œuvre a été présentée à Tangente, à l’Usine C, à l’Agora de la danse, puis partout en Europe dont au prestigieux festival de Pina Bausch à Dusseldorf. La pièce remporte le prix Mouson Award 2005 à Francfort (premier canadien à recevoir ce prix). Créée en 2006, Un peu de tendresse bordel de merde ! est présentée en première mondiale au Festival Dance 2006 de Munich et à Francfort au Mousonturm. La pièce fut acclamée au Festival d’Avignon en 2009, au Théâtre de la Ville à Paris en mai 2011 et au Sadler’s Wells à Londres en juin 2011.


PREMIÈRE SEMAINE LE CYCLE DE LA BOUCHERIE REPORTÉE

La Chapelle se voit dans l’obligation d’annuler la première semaine de représentations (du 30 novembre au 3 décembre 2011)
du spectacle LE CYCLE DE LA BOUCHERIE de Dave St-Pierre.

À ce jour, les deux dernières semaines de représentations sont maintenues à l’horaire (du 6 au 17 décembre).

POUR LE PUBLIC :
Ceux qui possèdent des billets pour la première semaine de représentations doivent communiquer avec la billetterie de La Chapelle au 514 843-7738.

Costume, lumières Dave St-Pierre
Dramaturgie et oeil extérieur Geneviève Bélanger

Une présentation La Chapelle.
Une production Dave St-Pierre.

Une coproduction Dance Works Rotterdam (pour Libido)


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Ariane Cloutier


Crédit photo : Anna van Kooij

Dave St-Pierre n’a rien à perdre, et il vient encore de nous le prouver. La mort rôde autour de lui depuis longtemps ; elle est si présente que sa volonté de créer une œuvre vraie et puissante est inéluctable. Peut-être cette épée de Damoclès le rend-il apte à montrer la nature humaine dans ce qu’elle a de plus épuré : à la fois attendrissante et bestiale. Quoi qu'il en soit, il ne craint certainement pas de se mettre à dos le gratin culturel en dépeignant la société du spectacle de façon incisive avec une honnêteté décapante. Le Cycle de la boucherie est, encore une fois, son dernier spectacle. Afin de transmettre son état d’urgence de vivre ainsi que l’ardeur de ses propos, St-Pierre ouvre son spectacle sur cette citation de Gaston Bachelard « La meilleure marque de l’émerveillement, c’est l’exagération » (La Poétique de l’espace).

Créant immédiatement une distanciation en interrompant sans cesse le fil de son œuvre avec ses interventions, St-Pierre passe en entrevue devant nous tous les protagonistes de son spectacle, illustrant ainsi la cruauté du milieu par des répliques cinglantes, telles que : « ah! oui, le théâtre hein, ça tue des carrières » (par rapport à une carrière télévisuelle) ou encore : « dans un show de danse contemporaine, c’est très payant d’avoir deux grosses ». Il dépeint ainsi le processus de sélection de l’industrie culturelle comme extrêmement arbitraire et tyrannique. Plus tard, il citera « L’art de qui » de Marcel Deschène, afin de nous transmettre ses réflexions sur la répartition des subventions, la définition de notoriété professionnelle et la solution convenue de vendre son talent aux industries dominantes afin de conserver sa liberté créative face aux institutions artistiques.

Le Cycle de la boucherie est une œuvre combinant deux pièces antérieures : Le Moribond et Libido, ainsi qu’une pièce inédite : Jambon cru. Le Moribond nous présente des personnages effrayants d’une plasticité absolue, presque lynchéens. Ils posent une réflexion sur la famille nucléaire avec des caractères résolument unidimensionnels, jusqu’à la mort du patriarche Ronald et l’éveil de sa conjointe « la femme de Ronald », qui découvre son identité propre et sa rébellion face à l’ordure morale que représente son feu mari.

Tout au long de la pièce, Dave St-Pierre joue comme un maître manipulateur avec ses poupées interprètes, exigeant par exemple à sa comédienne Marie-France Marcotte de répéter la même scène en différent niveau de français, passant du québécois, au normatif, au français plus pointu, etc. Il demande aux comédiens d’aller au bout d’eux même, « je veux sentir comment tu as peur de mourir » et « tu peux t’en souvenir plus que ça des belles choses », somme-t-il Gaétan Nadeau.

Le couple de Libido, dans sa première rencontre, est suspendu telles des carcasses animales à des cordes. Ils se frôlent, tentent de s’attraper dans un mouvement de balancier. Puis, tombés sur les tables de métal sous eux, leurs mouvements restent à la fois gracieux et désarticulés, alors qu’ils glissent l’un vers l’autre donnant l’impression d’être incontrôlés, sans réussir réellement à se rejoindre. S’ensuit la fameuse scène sanglante, dans laquelle le couple se dévore littéralement sur scène, elle de son désir charnel, lui de son désir d’être aimé.

Oscillant entre le duo de Libido et les scènes familiales distordues du Moribond, le Cycle de la boucherie ne dévoile la troisième pièce intégrée au spectacle, Jambon cru, qu’à la toute fin, alors que les interprètes Katia Lévesque et Debbie Lynch-White sortent enfin de l’ombre de leur clapier pour nous livrer une performance de femmes dont la sensualité et la chair dépassent toute retenue.

Dès le début de la pièce, sur une musique de Handel, les corps nus des danseurs sont exposés sur une table carrée et froide, tels des dépouilles. St-Pierre leur enfile cérémonieusement une tête de lapin. À ces moments de lenteur où presque tout s’arrête, succèdent des moments explosifs d’énergie et de gestes brutaux. Ce rythme met en relief les mouvements d’une violence extrême qui nous surprennent et nous secouent intérieurement. La scénographie, minimale et dénudée, expose ses entrailles techniques au public, sans coulisses. Les manipulations d’accessoires, de décors et les changements de musique sont le plus souvent effectués par Dave St-Pierre lui-même. L’éclairage frugal, les effets sonores restreints, parfois le silence total, laissent toute la place à la performance, au son des corps qui glissent, aux respirations humaines.

En s’inscrivant dans l’audacieuse programmation de la Chapelle, Dave St-Pierre admet rejoindre un public déjà vendu à la cause du théâtre contemporain et à ses propos sur la société actuelle. Cependant, il nous confronte à une séance de vraies questions suivies de réponses préétablies aboutissant à une masturbation intellectuelle générale faisant un joli clin d’œil à la critique et aux analystes.

Bref, une pièce à voir absolument si vous avez soif de la vérité crue sur la société de consommation de la viande et du loisir, jumelée à l’envie d’un profond plongeon dans l’essence pure de l’être humain, avec ce qu’il a de plus tourmenté et sublime.

Alors que Dave St-Pierre noue un carton de morgue sur les orteils de ses comédiens alignés, nus, sur les tables de métal, il déchire son propre carton et repart; nous promet-il ainsi un autre dernier spectacle?

11-12-2011