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Du 21 février au 3 mars 2012, 20h
Croire au mal
(danse-théâtre) - première mondiale
Conception, chorégraphie et mise en scène Jérémie Niel, avec l’aide des interprètes
Avec Karina Champoux, Simon-Xavier Lefebvre, Francis La Haye, Jérémie Niel

Ce soir, Pétrus sort de sa cage de verre pour aller rôder dans la ruelle dégueulasse.
Il reviendra salir les tapisseries du salon et les visages trop souriants.
Les souliers pleins de boue, dans les bas-fonds de la psyché contemporaine, comment ne pas croire au mal ?
Par le corps, dans lequel se contractent la tristesse et l’ennui de son monde pacifié, Pétrus crache son venin et un peu de sang, les yeux rougis par une méchanceté à faire peur.
Avec Croire au mal, Pétrus, délaisse la parole théâtrale pour s’avancer sur la plaine accidentée de la danse contemporaine.

Pétrus
Pétrus constate, en retrait, jauge le monde, mais ne le juge, et tente d’en tirer un sens esthétique, à défaut de pouvoir le comprendre. Pétrus ne montre aucune direc- tion, il propose une interprétation artistique du désarroi face à la multitude des routes. Il lui semble que rien n’est plus riche que le vertige métaphysique de notre finitude, désespérante et pourtant belle parce qu’éternellement mystérieuse. Pétrus danse sur la corde hélas tendue entre émotion et intelligence pour provoquer un semblant de trouble derrière les masques, pour essayer. On a pu voir, de lui, respectivement en 2004 et 2007, La campagne de Martin Crimp et Son visage soudain exprimant de l’intérêt d’après Kroetz et Ducros. En 2008, Pétrus devint compagnie en résidence permanente à La Chapelle. Depuis, il y a présenté Tentatives de Jérémie Niel, Chroniques, en coproduction avec Abé Carré Cé Carré, un regroupement de trois pièces d’Emmanuel Schwartz, et Cendres, coproduit par le Festival TransAmériques


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Conception artistique Éric Robidoux
Lumière Régis Guyonnet
Conception sonore Jean-Sébastien Côte avec la participation de We Are Wolves

Une présentation de La Chapelle
une production Pétrus.
créée en résidence à La Chapelle


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge

CROIRE AU MAL : C'est noir ou blanc, mais surtout noir.

L'ancien adjoint à la direction de la Chapelle, Jérémie Niel, présente son plus récent produit de sa résidence au même endroit, intitulé Croire au mal, une expérience qui met à l'épreuve l'idéal de la famille que la publicité s'obstine à garder en vie.

Après sa participation à l'automne au spectacle Danse à dix, Niel exploite à nouveau le médium dansé pour exprimer tout ce que les apparences nous empêchent de voir. Les excellents danseurs Karina Champoux et Simon-Xavier Lefebvre nous démontrent simultanément, on le devine, les dessous du couple, les combats intérieurs, la méchanceté, les problèmes de genres, etc.

Les différents stéréotypes de la famille sont ainsi remis en question à une époque où la famille se complexifie et multiplie ses formes : monoparentale, homoparentale, recomposée, adoptive, etc. L'image véhiculée de la famille parfaite (parents, enfants, golden retriever et Dodge Caravan...) est une réalité de plus en plus rare et c'est exactement ce que le spectacle nous rappelle.

On déstabilise sans cesse le regard du public. Les éclairages restent souvent sombres ; on perçoit à peine les corps dans l'espace sans pour autant que cela nuise à l'expérience. On nous agresse également par moments avec une clarté à laquelle nos yeux ont peine à s'adapter, plaçant le public dans une zone inconfortable pour ses sens. Étrangement, une toile devant la scène nous protège à la fois de ce qui se passe derrière. On garde une certaine distance de ces images choquantes et de toute cette violence omniprésente dans la production, jusqu'à ce que l'un des membres de la troupe vienne rapidement mais directement nous confronter.

L'emblème de la Mère est certainement celui qui souffre particulièrement dans cette production. Interprétée par Francis La Haye, la figure travestie devant nos yeux ne correspond plus à la mère aimante, mais plutôt à une femme pour qui l'enfant n'est qu'une possession de plus, un bien qu'il faut avoir pour faire partie de cette société. Elle se met belle, reçoit ses amis et vante hypocritement le bonheur d'être une mère. L'enfant n'est ici qu'un faire-valoir ; le lien mère-enfant est complètement absent. On ne verra d'ailleurs jamais Francis La Haye tenir l'enfant dans ses bras ou même le toucher. Dans son berceau, au côté du père, il est oublié. Le père, joué par Niel, est également anonyme et renvoyé au même rang que l'enfant. Dos au public, on remarque peu sa présence et le minimum de soin qu'il donne au bébé. Sans nom, sans identité, il devient comme un bibelot qui prend la poussière. À quoi sert vraiment la famille pour Zora, la mère?

Côté musique, Niel reprend la collaboration avec We are Wolves, après une performance avec eux au OFFTA 2011; le trio montréalais vient brillamment compléter le travail du concepteur Jean-Sébastien Côté. L'expérience sonore est percutante et est, à elle seule, une raison suffisante pour aller voir ce spectacle.

Ce n'est pas rose chez Niel, mais cette noirceur sert ce spectacle fort sur tous les points de vue. Une réussite à ne pas manquer.

23-02-2012