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Du 17 au 21 janvier 2012
SepsisSepsis
Texte, mise en scène et musique Christian Lapointe
Avec Sylvio Arriola, Israël Gamache, Rachel Graton, Joanie Lehoux, Jocelyn Pelletier, Eric Robidoux, Alexandrine Warren

Sous influence : de la lumière, les mains pleines de sang. Chercher du sens et ne trouver que les restes d’une forme putréfiée. Entre le désir de mourir et celui de vivre, la confusion menant à une quête où ne reste que l’unique et profond besoin de devenir l’opposé de ce que l’on croit être. Puis, faire une rencontre fantasmagorique suivie de l’alter ego de son propre animal de compagnie. Des corps et des voix témoignent et révèlent goutte à goutte une partition théâtrale où symbolisme et performativité se côtoient et déjantent la linéarité du récit.

Théâtre Péril
Le Théâtre Péril (C.H.S., Limbes, Vu d’ici, etc.), basé à Québec, est connu pour ses productions exigeantes et demandant à l’assistance un investissement particulier. Prédisposé à produire des objets théâtraux à partir d’œuvres denses, poétiques et parfois qualifiées d’impossibles à monter, le Péril se plaît à passer du répertoire à la création. Que ce soit avec les textes de Lapointe lui-même ou ceux de Yeats, de Villiers de l’Isle Adam ou de Mathieu Arseneault, la compagnie creuse une dramaturgie prisant le risque et la tentative d’élaborer des langages théâtraux propres à chaque expérience artistique qui jalonne son parcours.


Section vidéo
une vidéo disponible


Assistance à la mise en scène Alexandra Sutto
Scénographie Jean-François Labbé
Lumière Martin Sirois
Direction de production Mateo Thébaudeau - Productions Recto-Verso
Image happycrimes de la série into the world of shades www.sophiejodoin.com
Crédit photo : Yan Turcotte

Aussi présenté à Méduse, Québec, du 10 au 14 janvier 2012

Une présentation La Chapelle
Une production Théâtre Péril


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Sara Fauteux


Crédit photo : Yan Turcotte

Dans un décor clinique, des portes s’ouvrent et des corps enveloppés dans des housses émergent de la mort pour nous parler de leur vie. Immobiles, froids et détachés, ces corps s’expriment dans un langage d’une poésie propre à l’écriture de Christian Lapointe, dont le rythme lent et soigneusement appliqué à toute parole évoque le flot de la pensée ou de l’écriture. Les morts apparaissent les uns après les autres, ne partageant apparemment aucun lien sauf celui de la mort qui les rassemble, dans laquelle ils se retrouvent.

Puis, le point de vue bascule et le public, malgré le filtre de l’écran d’où nous provient l’image des comédiens, se retrouve dans un face à face étroit avec ceux-ci. Dans cette deuxième partie, les mêmes mots sont prononcés, les mêmes quotidiens évoqués. Mais les paroles entremêlées créent un fil plus narratif qui révèle un sens collectif à ces récits individuels.  En visant aussi directement le thème qui planait sur ses dernières oeuvres, celui de la mort, Lapointe réussit plus que jamais à nous parler de la vie.

Par la vidéo, il cherche à créer un masque qui oblige les comédiens à une précision de mouvement et de parole qui les libère de la conscience de leur présence sur scène. Du début à la fin, les interprètes laissent échapper les mots de leur bouche dans un fil monotone et trainant. Cette autre forme de filtre fouette le public et laisse doucement et presque douloureusement entrevoir un sens qu’on perd peut-être trop souvent dans le déploiement de l’émotion et dans l’intonation colorée qu’on rencontre habituellement au théâtre. 

Après C.H.S., Anky ou la fuite et Trans(e), on trouve dans Sepsis, la dernière pièce du cycle de la disparition de Christian Lapointe, un plus grand aboutissement de la forme et du fond. Les procédés scéniques mis de l’avant par le créateur dans ces derniers spectacles semblaient parfois plaqués et conceptuels et ne résonnaient pas toujours de manière éloquente sur la scène. Ici, le décor aseptisé de Jean-François Labbé, le texte et les procédés de mise en scène trouvent une cohérence porteuse de sens qui réussit peut-être enfin à véritablement transporter le spectateur dans les zones que Lapointe explorait avec ce cycle.

21-01-2012

 

par Odré Simard


Crédit photo : Yan Turcotte

Metteur en scène iconoclaste, Christian Lapointe vient clore son cycle de la disparition, entamé avec C.H.S. en 2007, avec Sepsis, présenté à la coopérative Méduse du 10 au 14 janvier 2012, puis à Montréal, à La Chapelle.  Du premier au dernier opus,  il poursuit sa voie et approfondit toujours ses thèmes de la transformation, de l'oubli et du vide dans un discours morcelé, proféré de façon désincarnée par les interprètes. Sa mise en scène archiépurée présente le corps comme un véhicule de la parole qui ne se meut presque jamais. Le théâtre Péril se distingue par un traitement scénique unique et dérangeant, qui vient ébranler toute certitude ou convention.

Sepsis vient donner la parole aux oubliés, aux disparus qui témoignent de leur vie par fragments épars. Par une machine scénographique à couper le souffle imaginée par Jean-François Labbé, nous sommes transportés dans une morgue à ciel ouvert, où nous sommes face au plancher du lieu et que les murs garnis de petites portes renfermant les corps des défunts sont alors, pour nous, plancher et plafond de la scène. La pièce séparée en trois parties nous présente une première séquence où chaque trépassé se dresse devant nous, cloué sur sa civière, et nous livre des bribes d'histoire. Ensuite, par une vision qui deviendra plus intime, la vidéo projetée sur le plancher de la morgue nous offre les visages ombragés des défunts dans un gros plan où la lumière en cohésion avec la musique fera vaciller les discours qui se reconstruisent en une voix à travers laquelle se répondront les six monologues afin d'éclairer les mots d'un sens nouveau.  Finalement, les six êtres fantomatiques scelleront leur voix à l'unisson dans une dernière tirade où leur mémoire devient unique. Lapointe partage sa vision de ce qu'il tente de reconstruire dans Sepsis en ces termes; « la mort de quelqu’un est bien plus que la disparition d’un individu. C’est un trou qui se crée dans le fil narratif d’une collectivité, histoire gigantesque qui échappe même à ceux et celles qui la composent par l’enchevêtrement de leurs petits récits individuels de vie. »

Le tissage des mots et des métaphores donné par les personnages font surgir parfois du vide, du désespoir, de la critique sociale et même quelques pointes d'humour... Cette même parole, dont le ton qui la porte, est d'une neutralité exagérée et se libère des possibles affects que l'on pourrait lier aux personnages. Bien que l'on apprécie grandement le tableau, une installation vivante et multimédia dont la  plasticité est d'une réussite époustouflante, cette parole post-moderne à des lieux du théâtre psychologique atteint difficilement le cœur du spectateur. Les autres sens sont bouleversés, nos oreilles par l'ambiance sonore en fréquences modulées admirablement travaillée par Lapointe lui-même, nos yeux et notre tête sont également ravis... mais à trop vouloir déconstruire la narrativité et les émotions, il vient à manquer un petit je-ne-sais-quoi qui permet de s'identifier aux personnages qui sont devant nous et qui nous permettent de s'abandonner réellement.

15-01-2012