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Du 13 au 24 janvier 2015, 20h
BananeEt moi pourquoi j'ai pas une banane?
multidisciplinaire
Adaptation scénique d'après les bandes dessinées de Copi
Idée originale et mise en scène Steeve Dumais, Lucas Jolly
Avec Elinor Fueter, Nicolas Grard, Steeve Dumais, Lucas Jolly et la voix de Corinne Masiero

Elle est assise. C’est une femme. C’est la femme assise. Elle semble idiote, obtuse. Les personnages de Copi le sont tous à leur manière. Et ils nous font bien voir que nous sommes aussi cons qu’eux. C’est peut-être un début de solution: s’apercevoir avec humour de notre degré de connerie pour s’en départir un peu.

Après avoir présenté le Duras Show il y a deux ans, la compagnie Mobile Home s’associe à la compagnie française Détournoyment et transpose sur scène un choix de bandes dessinées de l’auteur Copi. L’histoire récente a retenu principalement l’œuvre théâtrale de Copi. Les créateurs de Mobile Home ont pourtant été interpelés par ses dessins et les thèmes de liberté, du mépris, du totalitarisme et de la répression qui s’en dégagent. Sa langue est singulière et contemporaine, son humour incisif. Le Carnaval, le travestissement et la satire comme seules voix réelles pour hurler sur la mort.

Fondé par Steeve Dumais et Lucas Jolly en 1999, la compagnie Mobile Home élabore des spectacles multidisciplinaires tant dans l’espace urbain qu’en salle, selon la teneur des projets. La compagnie Mobile Home développe des structures de spectacles hybrides et non conventionnels se rapprochant de l’installation et de la performance, autant que du théâtre de rue ou du cabaret surréaliste. Elle tente d’y révéler l’ambiguïté des apparences, l’animalité non assumée, le travestissement du réel, la nécessité du jeu et de la folie. 


Section vidéo


Technique Michel Fordin
Création sonore Steeve Dumais
Création masques et costumes Lucas Jolly
Costumes Marcelo Pereira

Une présentation et une production Mobile Home.
Les bandes dessinées de Copi sont publiées chez Stock (La Femme Assise, 2002) et chez Olivus (Les filles n’ont pas de banane, Vol. 1, 2013 ; Vol. 2 à paraître en 2014).
Créée en résidence à La Chapelle
La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Gabrielle Brassard

Copi, Charlie et les autres


Crédit photo : Lulu Vanréchem

Drôle de hasard, compte tenu des événements récents, que La Chapelle présente jusqu’au 24 janvier prochain Et moi, pourquoi jai pas une banane?, un spectacle éclectique inspiré des œuvres du bédéiste argentin Copi.

Sur la première page du programme, on peut lire cette déclaration-choc : « Copi, engagé par Kolinski dans Charlie Hebdo, y publie ses dessins dans les années 70. Nous dédions ce spectacle à Charlie Hebdo. Nous dédions ce spectacle à l’humour caustique, à la satire et à tous ceux qui défendent la liberté d’expression ».

Dessinateur argentin francophone, très impliqué dans la communauté gaie, Copi collabore, tout au long de sa carrière, à plusieurs journaux, comme Hara-Kiri, Charlie Hebdo et Libération, où il se démarque par ses personnages absurdes dans un univers épuré. « La dame assise sur une chaise » est l’un des personnages emblématiques de son œuvre. Cette dernière, caractérisée par son gros nez, ses cheveux raides et son immobilité autant dans son allure que dans ses propos, est également au cœur de la pièce de la troupe Mobile Home. Malgré les extraits choisis qui ne sont pas toujours reliés entre eux, le personnage de la dame assise sur sa chaise est présent dans presque chaque saynète. C’est à travers ces dernières que l’on découvre les thèmes de prédilection du bédéiste, mort en 1987 du SIDA. Parmi ceux-ci, un certain cynisme par rapport à la vie, traduit par la dame assise, des questionnements sur le genre (d’où le titre de la pièce), et les rapports hommes-femmes.

Cachés sous des masques qui représentent des visages aux yeux vides, sans bouche et avec un immense nez, les comédiens se promènent d’un phylactère (bulle de BD) à l’autre, incarnés par de grandes feuilles blanches suspendues. Un peu simpliste ; on aurait aimé un peu plus de créativité dans la mise en scène,  mais ce choix traduit néanmoins bien la transposition des planches de BD à celles du théâtre. On prend un certain temps à comprendre que les saynètes n’ont pas nécessairement de liens entre elles, malgré le retour récurrent de certains personnages. Tous les dialogues sont interprétés en voix hors champ, enregistrés par Corinne Masiero. Selon les tons, certaines paroles sont plus difficiles à comprendre que d’autres. Problème technique ou d’interprétation, difficile à dire, mais il est certainement dommage d’avoir parfois l’impression d’en manquer littéralement des bouts.

Les comédiens derrière les mascottes, également à l’origine de l’idée du spectacle, de la mise en scène, de la scénographie, de la création sonore et des costumes, sont admirables, notamment par le fait de passer une heure dans les costumes inspirés des personnages de Copi, fabriqués entre autres de papier mâché. Steeve Dumais, Lucas Jolly, Nicolas Girard et Elinor Fueter incarnent une myriade de personnages qui sont nés sous les coups de crayon de Copi au fil des années. La petite troupe réussit, malgré les faiblesses de la mise en scène, à nous faire plonger dans l’univers du créateur, alors qu’il n’est souvent pas facile de traduire un genre à l’autre.

Le spectacle de Mobile Home plaira à ceux et celles qui connaissent l’œuvre de Copi, y reconnaissant des personnages et même des histoires complètes, et pour les autres, la troupe leur donnera assurément le goût de connaitre les œuvres du dessinateur et de découvrir son univers absurde, drôle et engagé. En ce temps où la liberté d’expression est au coeur des débats médiatiques sur toute la surface du globe, ce spectacle ne saurait être plus d’actualité.

19-01-2015