9 auteurs 6 monologues 12 interprètes

Douze (12) du Théâtre du Désordre est de retour sur les planches de la Petite Licorne, les dimanches et lundis du 15 février au 8 mars 2004 à 20h.

Ce spectacle, présenté la saison dernière, nous revient avec la même équipe qu’à sa création enrichi de nouveaux auteurs, Évelyne de la Chenelière et Francis Monty. La compagnie a renouvelé et peaufiné le spectacle toujours aussi vif, caustique, poétique et absurde. 6 comédiens y incarnent les personnages de (12) monologues éclectiques issus de la verve de 9 auteurs. Une imagination débridée, une insolence propre à la relève et surtout une violence tapie en chacun des personnages font surface au fil des mots.

(12) personnages hétéroclites et autant de visions du monde, de langages colorés qui nous happent dans le tourbillon d’un quotidien dont l’équilibre ne tient qu’à un fil. De l’enfant désillusionné par Noël à l’obèse revendicateur, du meurtre d’un enfant de trois ans à celui d’une marionnette, en passant par le cliché revisité de l’actrice hystérique, le spectacle navigue sur des eaux agitées. (12) consciences révélatrices de notre temps se livrent tour à tour. (12) âmes disparates qui, acculées dans leurs derniers retranchements, trouveront dans la violence – qu’elle soit physique, verbale ou psychologique – une échappatoire à cette société qui les étreint, au carcan de l’ordre établi, aux chaînes si pesantes de la normalité institutionnelle. (12) personnages qui s’extirpent de la masse en nous offrant autant de drames morbides que de toniques déraisons.

Les textes de Douze(12) ont été composés par Christian Brisson Dargis, Olivier Choinière, Évelyne de la Chenelière, Émilie Gauvin, Maia Loinaz, Francis Monty, François-Étienne Paré, Mélanie Roy et Lord Royal Bâton. Ils sont interprétés par Christian Brisson Dargis, Élisa Compagnon, Éliane Fontaine, Christian Laporte, Catherine Paré et Yann Tanguay, qui assure aussi la mise en scène.

Du 15 février au 8 mars 2004 puis en tournée dans onze Maisons de la Culture!
20h à La Petite Licorne
4559 Papineau
Info : 514-523-2246

Photos : Steve Couture


Éliane Fontaine dans Mon fils était une toast de Émilie Gauvin

Christian Brisson Dargis dans Noël 1-2-3 de François-Étienne Paré

Élisa Compagnon dans V.V. Épisode 1 et 2 de François-Étienne Paré
     

Élisa Compagnon dans V.V. Épisode 1 et 2 de François-Étienne Paré

Catherine Paré dans Long way down de Maia Loinaz

Yann Tanguay dans Sommes-nous saumon de Lord Royal Bâton
     


Yann Tanguay dans Fantasmagorie de François-Étienne Paré


Christian Laporte dans L’Homme-panier
de Christian Brisson Dargis

Notre journaliste David Lefebvre a pu s'entretenir avec le comédien et metteur en scène de la pièce Douze (12), Yann Tanguay.

MTh - Comment votre passion pour le théâtre s’est manifestée chez vous?

YT - J’ai enseigné à des enfants pendant 5 ans à Thetford Mines en fondant une école de théâtre, nommée Frisou le loup. J’ai arrêté de travailler comme serveur pour vivre de mon futur métier...

MTh - Est-ce que de travailler avec les enfants vous a aidé?

YT - Oui, de créer avec des enfants m’a aidé à comprendre ce que je faisais comme acteur. Les enfants n’ont aucune censure, ils ne se questionnent pas et font ce que tu leur demandes. Ce n’est pas le cas de la plupart des acteurs, avec le temps on dirait qu’on a peur de s’abandonner : nous sommes toujours en requestionnement, par exemple on se demande si le personnage était le genre à faire ce genre de déplacement… Bref j’ai pu mettre des mots à des états, ce qui m’aide dans la mise en scène.

MTh - Quel a été votre cheminement?

YT - J’ai fait un dec en exploration théâtrale à St-Hyacinthe puis deux ans à Ste-Thérèse. J’ai ensuite déménagé à Montréal et je voulais que ma petite compagnie existe ici aussi. À la base, j’étais seul puis un petit comité s’est créé en 2002.

MTh - Et quel est le but ou le mandat du Théâtre du Désordre?

YT - Le but de la compagnie est de promouvoir la relève, non pas seulement les jeunes du milieu mais les personnes qui commencent dans le métier. De faire du théâtre de création, des pièces québécoises contemporaines, mais aucune traduction.

MTh - Comment est né le projet Douze (12)?

YT - Petite anecdote : en pleine nuit, je me suis levé et j’ai écrit l’appel du projet : soit la recherche de textes et de monologues de pas plus de 15 minutes avec une date butoir. J’ai ensuite présenté ça au comité disant que c’était le prochain projet et que ça s’appellerait Douze (12). Nous avons reçu 34 textes de monde connu et inconnu, et pour les séparer, j’ai biffé les noms des auteurs et je les ai fait lire au comité. Personne ne savait donc d’où venait les textes : ils ont donc choisi que pour la qualité de ceux-ci. Puis il y a eu le choix des acteurs.

Pour la création de l’an passé nous avions 9 auteurs. Puis cette année, on a mis de côté deux textes qui marchaient un peu moins bien. Avec le recul et le public, en visionnant des vidéos, on a pu voir ce qui clochait… Et nous avons demandé deux autres textes à des auteurs. Evelyne de la Chenelière nous a tout de suite dit oui, et Francis Monty a pondu le deuxième. Nous avons aussi demandé à trois auteurs de réécrire leurs textes, dont François-Étienne Paré. Il a gardé le même personnage, la même situation plus compréhensible, donc un peu moins absurde. Sauf que c’est toujours du François-Étienne Paré!!! Émilie Gauvin a de son côté raccourci le texte qu’elle avait écrit.

MTh - Comment c'est de retrouver ces personnages un an plus tard?

YT - Avec le temps, les personnages prennent de la maturité, ils grandissent en dedans des acteurs. On redécouvre les textes et des petites subtilités qu’on n’avait pas pu voir avant. Donc on a précisé des choses, on a changé un peu le rythme, et les acteurs sont plus à l’aise, ce qui a fait grimpé la qualité du spectacle.

MTh - Y a-t-il eu des intervention ou une interaction avec les auteurs?

YT - Il n’y a pas eu d’interaction avec les auteurs avant ou pendant la création. Ils ont tout vu à la première. Nous avons eu beaucoup de réaction… et des discussions. Certains disaient qu’ils n’avaient pas la même vision mais que c’était intéressant. D’autres disaient qu’on avait monté le sketch tel qu’ils le voyaient…

MTh - Est-ce que le retour à la minuscule salle de La Petite Licorne était important?

YT - Oui, c’est petit et on a l’impression d’être chez nous, de parler directement avec le public. La relation est privilégiée. Et on a pas beaucoup de décor... Mais on part bientôt en tournée à travers les Maisons de la culture de Montréal, et c’est angoissant : est ce que la pièce peut être joué dans une plus grande salle? Est-ce qu’on va être capable d’aller chercher les 600 spectateurs de certaines salles? On a engagé un éclairagiste pour la tournée et une costumière, donc on a un éclairage sur mesure et de nouveaux costumes…

par David Lefebvre

Cette critique n'en sera pas une en bonne et due forme. Vous pouvez consulter celle qui est dans nos archives en cliquant ici.

Ce sera donc un petit résumé de la soirée, qui fut fort agréable, comme la première fois. Même mise en scène, mais plus serrée. Mêmes textes, avec quelques changements, sauf pour deux de ceux-ci. Le premier ajout survient à la deuxième scène, et s'appelle "Demande d'emploi", écrite par la très talentueuse jeune auteure Évelyne de la Chenelière. Une jeune femme fait éruption dans un bureau d'une tour pour décrocher une entrevue dans le but d'avoir un emploi. Mais est-ce vraiment ce qu'elle veut? Un texte fort intelligent, moins drôle que les autres mais qui fonctionne à merveille. Elle (Catherine Paré) parlera même en anglais pour impressioner le patron et se demandera si elle est plus belle quand elle parle la langue de Shakespeare. Elle veut se faire regarder, pour une fois, en face, pour ce qu'elle est. Le travail c'est l'identité. Le travail c'est exister. Ce que tu fais dans la vie te définit : tu ne fais rien? Tu n'es rien...

Le deuxième ajout est "Compartiments" (écrit par Francis Monty et interprété par Éliane Fontaine). Une jeune femme, vendeuse de chaussures, veut partir en Europe pour pousser plus loin ses connaissances. Mais le chum trouve ça ridicule, elle se fait engueuler par les clients... Bref, on a droit à un condensé explosif de la vie de la jeune femme, mais tout en même temps. Comme si des bouts de sa vie, qui devraient être séparés, se retrouvent justement dans le même soulier, ou compartiment. Par chance elle trouvera godasse à son pied... Le jeu d'Éliane Fontaine est, pour cette nouvelle scène, vraiment excellent.

Pour le reste, les textes sont reserrés et le dernier (Fantasmagorie) est réécrit; je dirais qu'il est même plus mordant. Mais ceux qui m'auront fait le plus rire restent Le Vol des Ablations (d'un humour absurde incroyable) et Long Way Down, une Hermione qui souffre de rage au volant. Catherine Paré est tout à fait hilarante dans cette scène à regarder ses jointures devenir blanches quand elle serre le volant de sa voiture...

Une "pièce" qui dure un peu plus de deux heures mais qui passe en douze clins d'oeil. Des petits moments toujours drôles et résolument absurdes, une excellente distribution (ils sont tous et toutes de retour, à notre grand plaisir)... Une belle équipe à surveiller.