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Du 28 octobre au 20 novembre 2007

Août, un repas à la campagne

Texte de Jean Marc Dalpé
Mise en scène de Fernand Rainville
Avec Henri Chassé, Sophie Clément, Pierre Collin, Catherine De Léan, Dominique Leduc, Jacques L'Heureux, Janine Sutto, Marie Tifo

En cette fin d’après-midi caniculaire, un repas se prépare à la vieille maison de ferme familiale qui abrite le sort de quatre générations. On fête les fiançailles de Monique et André, citadins, fin cinquantaine. Malgré l’atmosphère en apparence joyeuse, les conversations s’enlisent et quelque chose gronde, sournoisement. Chacun en perçoit l’issue : le silence et le déni n’en seront que plus éloquents.

Avec Août - Un repas à la campagne, Jean Marc Dalpé fait se rencontrer les rêves déçus et les espoirs, l’ancien et le nouveau monde, la ville et la campagne, la jeunesse et la vieillesse. Présentée à guichets fermés lors de sa création au printemps 2006, la pièce a valu à son auteur le Masque du texte original en 2006.

Assistance à la mise en scène : Allain Roy
Décor : Patricia Ruel
Costumes : Mireille Vachon
Éclairages : André Rioux
Environnement sonore : Larsen Lupin
Accessoires : Marie-Ève Lemieux
Maquillages : Suzanne Trépanier

Une production du Théâtre de La Manufacture en codiffusion avec le Théâtre du Rideau Vert

Théâtre du Rideau Vert
4664, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-844-1793

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Dates antérieures

La Licorne
Du 11 avril au 27 mai 2006
Supplémentaires : 13, 20, 27 mai et du 30 mai au 10 juin 2006

 

par David Lefebvre (2006)

Pour clore la saison 2005-2006, La Licorne nous offre un petit cadeau : Août – un repas à la campagne, une pièce de Jean Marc Dalpé (qui s’était concentré durant les dernières années sur l’excellente série Temps durs), mise en scène par Fernand Rainville. La dernière création de ce duo de choc remonte en 1999, avec Trick or Treat. Ils nous proposent cette fois-ci une pièce au ton familial, plus féminin qu'à l'habitude, qui réunit pas moins de quatre générations.

En pleine campagne, en ce mois d'août de canicule, une famille prépare un repas en honneur du mariage prochain de Monique (Marie Tifo) et d'André Mathieu (Jacques L'Heureux). On y trouve le couple qui s’occupe maintenant de la maison et de la terre, Louise (Annick Bergeron) et Gabriel (Henri Chassé), la soeur de Monique et la mère de Louise, Jeanne (Louise Laprade) qui s'occupe de son mari Simon (Pierre Curzi), remis d’un ACV et de la malcommode et doyenne du foyer, Pauline (Janine Sutto), et la fille de Gabriel et Louise, Josée (Catherine de Léan), qui tente de faire sa place malgré tout. Simon parle de repartir l'érablière, Monique tente de faire prendre un congé à sa soeur Jeanne qui en fait trop, et un orage éclate finalement au sein du couple de Gabriel et Louise. La chaleur est accablante, les discussions s'enlisent, la tension monte...

Jean Marc Dalpé signe un texte fort, captivant, terriblement humain, à l'intensité graduelle rappelant les grands maîtres grecs ou Tchekhov mais imprégné totalement d'une réalité nord-américaine (Dalpé le dit lui-même, il a lu et relu La Cerisaie pour comprendre le fonctionnement de la montée dramatique, et prouve qu’il le maîtrise sans contredit). Le non-dit, dans des paroles qui peuvent sembler banales ou dans certaines situations, est lourd de signification, comme lors de la scène du choix de la nappe pour la table (une mère et une fille en désaccord sur les agissements de la dernière) ou quand Josée chiale contre le driveway qui n’est toujours pas assez large pour deux voitures (allusion à la peur du changement). Les différents liens familiaux sont fissurés et la peur du changement fait mentir et agir d'une manière dépassée. Chacun a ses "petits" problèmes, on reporte tout et personne ne s'intéresse aux rêves et projets de Josée, à qui, pourtant, le futur appartient.

Fernand Rainville rend justice à cette tragédie familiale avec une mise en scène respectant les différentes contraintes que le récit impose : un seul lieu, un seul espace-temps, un rythme soigné en pente douce vers l'inévitable gouffre dramatique. La distribution est irréprochable, en commençant par Madame Janine Sutto, alerte, malcommode (comme elle le répète souvent), aux répliques hilarantes, Jacques L'Heureux, Henri Chassé, Louise Laprade et Pierre Curzi, fidèles au talent fou qu'ils ont et Marie Tifo, attachante et candide. Catherine de Léan, malgré le peu d'expérience qu’elle possède, arrive à s'en tirer quand même bien, en jeune femme de 19 ans qui essaie de survivre dans ce petit monde reculé.


Crédit photos : Yanick Macdonald

Le décor de Patricia Ruel est impressionnant : c'est une façade d'une vieille maison en bardeaux de cèdre, avec une porte moustiquaire antique, deux fenêtres, une galerie, une balançoire et même de la gravelle ; comme elle prend toute la place, on s'y croirait. Pour permettre un jeu de lumière remarquable (de André Rioux), des arbres stylisés mais réalistes sont découpés dans les murs, comme des gravures : en pleine lumière ce sont des ombres, rétro-illuminés, cela donne un spectacle magnifique.

Août – un repas à la campagne parle de la vie, de points de rupture, de la dévotion, des conventions qui se brisent, des transmissions filiales et des dépendances que cela crée, des silences qui se fracassent comme du verre sur un plancher, de l’espoir de la jeunesse et de la fragilité d’être, comme une vieille balançoire aux chaînes rouillées. À voir.

12-04-06