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Du 9 au 18 mars 2016 - supplémentaire 19 mars 15h
Contes d'enfants réels
pour les 8 à 12 ans
Texte : Suzanne Lebeau
Mise en scène : Gervais Gaudreault
Avec Sophie Vajda et Benoît Vermeulen

Oh oui, ces enfants sont bel et bien réels, et irrésistibles, dans leur quête d’affirmation de soi, leur curiosité insatiable et leur volonté de décider de ce qu’ils veulent faire… ou pas ! Ces six contes se déploient avec finesse, humour, diablerie, tendresse et front de boeuf, comme les différents mouvements d’une même partition tout en nuances. On y découvre un éventail coloré de caractères d’enfants, incarnés par deux comédiens qui jonglent avec les mots et nous font pénétrer au coeur des préoccupations, petites et grandes, de ces jeunes.

Du non de la tête de cochon au non à la leçon de violon, des questions pertinentes – C’est quoi l’ozone ? – aux questions insolubles – Pourquoi j’ai mal ? – ces enfants nous convient à les écouter, à les deviner et à les aimer avec toutes leurs humeurs, leurs questions, leurs craintes et leurs désirs… bien réels.

La compagnie

Le Carrousel, compagnie de théâtre

Le Carrousel met au cœur de sa démarche de création la question du « Quoi dire aux enfants ? » et poursuit une profonde réflexion sur l’autocensure de l’artiste face au jeune public. Les directeurs artistiques Suzanne Lebeau et Gervais Gaudreault déploient leur passion à la mise en place d’un répertoire d’œuvres originales, considérées, au Québec et à l’étranger, comme des repères majeurs dans l’histoire du théâtre jeune public. Depuis 40 ans, le Carrousel cherche à décloisonner les publics et les pratiques, avec la conviction qu’un théâtre qui s’adresse aux enfants se doit d’interpeller et d’ébranler aussi les adultes.

Contes d’enfants réels, créé au FTA en 1993, a remporté de nombreux prix dont le Masque de la meilleure production jeunes publics en 1994. Ce spectacle a parcouru le Québec, la France, l’Espagne et l’Amérique du Sud (en version espagnole).


Section vidéo


Assistance à la mise en scène : Marie-Eve Huot
Scénographie : Richard Morin
Costumes : Lise Bédard
Accessoires : Richard Morin et Francine Martin
Lumière : Dominique Gagnon
Environnement sonore : Diane Leboeuf
Assistée de : Chantal Benoît
Maquillages : Pierre Lafontaine
Direction de production : Dominique Gagnon

Durée du spectacle : 60 minutes

Production Le Carrousel, compagnie de théâtre


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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Critique

Près de 25 ans depuis sa création en mai 1993 au FTA, la pièce Contes d’enfants réels de Suzanne Lebeau conserve sa magie, sa force et sa pertinence. Avec un duo d’acteurs allumés et une rigoureuse mise en scène de Gervais Gaudreault, le temps file en très agréable compagnie.

Durant l'heure de la représentation, nous faisons la connaissance de protagonistes de différents âges ; les situations bien réelles s'accompagnent parfois d'aspects plus fantaisistes. Construites comme des vignettes, les histoires se suivent, mais ne se ressemblent pas, essentiellement dans la pluralité des tons. Nous croisons, notamment, une maman grande fumeuse qui donne naissance à un «beau gros bébé en santé», une petite fille qui fait manger une chenille «noire et poilue», à son papa-lecteur de journaux papiers (représenté ici par une grande toile et deux longues tiges de bois), ou encore un petit garçon qui trouve des moyens astucieux pour éviter les contraignantes leçons de violon imposées par ses parents.


Crédit photo : François-Xavier Gaudreault

Dans tout le corpus de l’écrivaine pionnière du théâtre jeunesse au Québec, une production comme Les Contes occupe une place singulière, autant par sa structure dramatique que la multiplicité des situations abordées. Comme L’Ogrelet et Salvador, elle s’inscrit parmi ses meilleures et ses plus percutantes réalisations. Souvent directe, mais jamais blessante, l’écriture ne craint pas la rectitude pour aborder de front, comme pris sur le vif, des instants de vie. L’œuvre approfondit également des enjeux plus complexes, comme dans le segment intitulé Celui qui aimait trop la science. Le personnage masculin regarde en direction du public avec une loupe géante et se permet de lancer des propos plutôt graves et des données mathématiques. La seule déception se situe dans la conclusion du spectacle, dans L’enfant blond qui ne voulait pas jouer du violon. Les mots tombent inutilement dans une vulgarité et une facilité qui tranche, étonnement, avec la poésie efficace et imaginative de l’ensemble.  

L’exécution scénique du fidèle complice de Suzanne Lebeau, Gervais Gaudreault, comporte bien des trouvailles ingénieuses que les éclairages de Dominique Gagnon accompagnent efficacement.  Du début à la fin, sa mise en scène suscite des réactions de surprise et d’amusement auprès de l’auditoire. Par exemple, lors du passage où la mère, aimant griller cigarette sur cigarette, accouche de son nouveau-né, son compagnon dénoue alors un long drap, en synchronisme avec les cris de douleur. Pour symboliser l’étape suivante, l’homme enroule le tissu qu’il berce alors dans ses bras. La simplicité du moment confère une grande beauté à la production. Par ailleurs vers la fin, une autre séquence témoigne différemment de la créativité du traitement scénique. L’apparition successive de cordes, desquelles le petit garçon cherche à se déprendre, illustre ce sentiment d’enfermement et d’impuissance qui l’incitera à larguer l’apprentissage de son instrument, devenu peu à peu une prison. La scénographie de Richard Morin traduit ainsi les mille et une sensations qui émergent tout au long de ces Contes d’enfants réels.

Par ailleurs, le vocabulaire de la dramaturge comprend des trouvailles cocasses et allitérations poétiques singulières («Papa lit, dit Julie. Papa lit et je m’ennuie. Papa lit une revue épaisse, ennuyeuse…», ou encore en parlant de l’auteur du Cid, «un oiseau de malheur qui n’a jamais eu d’enfants que cette corneille…). Mordant dans les mots sans chercher les effets faciles, sa plume extrait à la fois un humour et une réflexion parfois grave sur l’existence humaine. Son regard ne manque pas non plus d’un sens raffiné de l’observation quand il expose des détails banals en apparence, mais significatifs dans cette approche quasi documentaire.

Les interprètes portent très bien, dans leurs voix et leurs corps, les nombreuses émotions du texte. Tour à tour enfants et adultes, Benoit Vermeulen et Sophie Vajda jouent autant la surprise, la rébellion, la déclamation pédagogique que la complicité attendrissante. Les spectatrices et spectateurs ne s’ennuient pas, grâce à leur présence allumée.

«Les contes (…) disent simplement que nous sommes tous humains, que nous vivons dans un monde qui l’est encore plus que nous, parce que nous l’avons fait ainsi», écrit avec justesse Suzanne Lebeau dans le programme des Contes d’enfants réels. Grâce à sa sensibilité et celles de ses collaborateurs, petits et grands rigolent et s’interrogent devant une proposition théâtrale aussi mémorable que frissonnante.                              

10-03-2016