Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
La nuit // La vigie
De 14 à 17 ans
Du 17 au 21 janvier 2018
Comment devient-on adulte ? Voilà LA grande question que se pose un groupe de jeunes vivant dans un « tapon » d’appartements en carton où l’on entend tout à travers les murs. Dans ce milieu, la pauvreté teinte aussi la façon de dire les choses. Pourtant, même si ces jeunes peinent à s’exprimer, ils savent très bien veiller les uns sur les autres. Et c’est en mettant ensemble leurs mots qu’ils réussissent à dire leurs rêves. La parole devient alors rassembleuse et porteuse d’espoir.

L'URGENCE DE DIRE

Dans une langue imagée et rugueuse, rythmée comme un slam et amplifiée par un chœur, La nuit // La vigie nous fait voir et comprendre un milieu difficile et des ados souvent laissés à eux-mêmes. Les personnages portent leurs blessures, leur vulnérabilité, le poids de leur vie étriquée en même temps qu’un grand souffle de vie et d’énergie nous faisant nous attacher à eux. Ils sont bouleversants de vérité et viennent nous toucher par leur urgence d’exprimer ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent devenir.

Des rencontres avec des jeunes issus d’un milieu difficile, et les questionnements qui en ont surgi, sont à l’origine du spectacle. Il a été nourri par des réflexions sur ce qu’on propose aux jeunes comme modèles masculins et féminins, des gars de plus en plus musclés et des filles de plus en plus minces et aguichantes. Mais est-ce que les jeunes se reconnaissent dans ces stéréotypes ?


Texte Véronique Pascal
Mise en scène Jean-François Guilbault
Interprétation Kathleen Aubert, Benjamin Bienvenue-Déziel, Solo Fugère, Audrey Guériguian et Véronique Pascal


Crédits supplémentaires et autres informations

Décors : Kevin Pinvidic
Costumes : Marie-Audrey Jacques
Lumières : Cédric Delorme-Bouchard
Son : Nicolas Letarte-Bersianik
Conseils à la dramaturgie : Mathieu Leroux
Régie : Dominic Dubé
Assistance à la mise en scène : William Durbau
Direction technique : Mélissa Perron
Mouvement : Claudia Chan Tak
Couturière : Jasmina Marinova
Coupeuse : Viktoria Valkova
Administration : Andrée-Anne Pellerin

TARIFS

Spectacles
réguliers

Spectacles intimes*

À LA CARTE (à partir du 5 juin 2017) 17,00 $ 20,00 $
Abonnement 2 spectacles 15,00 $ 18,00 $
Abonnement 3 spectacles et + 13,00 $ 18,00 $

Tarif par personne par spectacle. Taxes en sus.
Frais d’administration inclus. Frais de 2 $ pour envoi des billets par la poste.

*Les spectacles intimes, parce qu’ils sont présentés devant un petit nombre de spectateurs installés sur la scène, vous font vivre une expérience de proximité avec les artistes. Places limitées.

Durée 80 minutes

Production Samsara Théâtre


______________________________________
Critique disponible
            
Critique

Quelques jours après La Forêt des possibles d’Andréanne Joubert où une bande d’enfants tentait de sauver leur école et leur amie femme-arbre, un quintette d’adolescents délaissés par leurs parents fait entendre à son tour sa voix à la Maison Théâtre. Sous la direction de Jean-François Guilbault, La nuit // La vigie de Véronique Pascal dépeint habilement les douleurs, rages et tumultes d’une certaine jeunesse en marge du système.






Crédit photos : Samsara Théâtre

La production de la Compagnie Samsara Théâtre s’inscrit dans la continuité d’une autre réalisation présentée l’an dernier au même endroit, soit Noyade(S), coécrite par le metteur en scène et Andréanne Joubert (sur les frontières poreuses entre les réalités humaines et virtuelles). Par contre dans La nuit, le propos devient encore plus dur tout en ne tombant pas dans le mélo. Pendant une heure et vingt minutes, la pièce raconte les vies rudes de jeunes entre onze et quatorze ans en quête de bonheur et de sens. Nous rencontrons Van (Audrey Guériguian), une fille attachante qui souhaite partir et fuir sa mère qui ne rêve qu’à Las Vegas, Djou (Kathleen Aubert) qui veut être grande pour séduire les garçons, Beef (Benjamin Bienvenue-Déziel), un être un peu douchebag qui cherche à affirmer sa masculinité, Steven (Solo Fugère) bègue et timide, mais doté d’un grand cœur, sans oublier Mylane Vachon (Véronique Pascal, l’auteure elle-même), une allumeuse qui possède tous les traits d’un mannequin de luxe.

Sous les éclairages souvent ténébreux et évocateurs de Cédric Delorme-Bouchard, les personnages amorcent (avec des micros dans les mains et une gestuelle dynamique), le spectacle avec un rap décrivant leur état d’esprit: «ce qui se passe en moi/ce qui se brasse en moi/ce qui se/ce qui se/ce qui meut en moi(…) ne peut être décrit…» Djou se sent «comme un panini de luxe dans un mauvais restaurant», tandis que Steven cherche les mots justes pour exprimer sa pensée. Mais toutes et tous ensemble, leur parole devient plus forte. Leurs espoirs en un avenir plus harmonieux semblent alors plus tangibles.

Le décor de Kevin Pinvidic illustre très bien ce monde désespéré, et parfois désespérant, avec cet amoncellement d’espaces restreints (les maisons très modestes décrites comme des boîtes de carton). Avec ses structures métalliques et ses portes de volets gris ressemblant à des entrées d’entrepôts, il renforce les sensations d’isolement ou de solitude rencontrées tout au long du récit. Or, la scénographie se transforme durant la représentation, notamment en gradins où Van laisse échapper des pans de sa colère (avec en accompagnement un extrait de musique techno). Par ailleurs, les lumières aux allures artificielles et fluorescentes présentes dans de nombreuses scènes nous rapprochent de certains lieux glauques de sexualité commerciale (bars de danseuses ou de danseurs nus, cabines de cinéma porno) accentuant la dimension voyeuriste voulue par le metteur en scène.

L’écriture de Véronique Pascal se révèle percutante autant par ses répliques acides que par ses personnages aux personnalités singulières. Elle résonne par son absence de pudeur. Mylane ressemble à une femme-objet, tel un miroir du phénomène de l’hypersexualisation et de la marchandisation du corps de la femme. Van et Djou se lancent des invectives par la tête («T’as l’air d’une torche»), tout en demeurant solidaires l’une de l’autre. Beef parle de ses désirs érotiques sans inhibition, surtout lors de ses nombreux messages laissés sur la boîte vocale de Mylane. Mais les répliques les plus émouvantes nous viennent de la bouche de Steven. Avec cet antihéros écorché, mais résilient, l’auteure traite avec pertinence de la violence et de l’intimidation vécue par les jeunes. Ses portraits d’individus de «l’âge ingrat» demeurent ainsi crédibles, ni trop désabusés, ni trop enjolivés, mais plutôt complexes. La déresponsabilisation des adultes, de manière plus globale ou systémique de la société, en prend pour son rhume.

La partition frappe les esprits beaucoup grâce au travail de Jean-François Guilbault. Celui-ci avait, dans un tout autre registre, transposé toute la douceur, la tendresse et la féérie du conte de Jasmine Dubé Ma petite boule d’amour durant le temps des Fêtes à la Maison Théâtre. Les sens sont sollicités du début à la fin, le rythme ne flanche jamais ou très peu. La distribution constitue une surprise agréable par son aisance à creuser les zones ténébreuses des personnages et son sens très allumé de la répartie.   

La nuit // La vigie décrit une société dure et parfois sans pitié, mais son exécution scénique suscite la réflexion et nous incite à plus de vigilance à l’égard d’autrui.

20-01-2018
 

Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

Facebook Twitter