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Du 13 novembre au 8 décembre 2007

La métamorphose

Texte de Franz Kafka
Adaptation et mise en scène de Oleg Kisseliov
Avec Jean-François Casabonne, Caroline Binet, Ginette Chevalier, Claude Lemieux, Claire Gagnon et Gaétan Nadeau

Pilier de sa famille, Gregor vit avec ses parents et sa sœur Greta ; il  se voit un jour brutalement métamorphosé en insecte. Après la métamorphose de Gregor et son licenciement, la famille Samsa se retrouve sans ressources et, pour survivre, vit de petits boulots et héberge des locataires. Les liens entre le fils et ses parents se détériorent de plus en plus. Isolé par son anormalité, Gregor finit par se laisser dépérir.

Une création du Groupe La Veillée

Théâtre Prospero
1371, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

 

par Marie-Julie Desrochers

L'adjointe au directeur du Groupe de la Veillée, Carmen Jolin, sourire en coin, a tenu a prévenir le spectateur, juste avant que ne s'ouvre le spectacle : sous la lecture et la mise en scène d'Oleg Kisseliov, La métamorphose, de Kafka, a été... métamorphosée. Rapidement, le sens de la mise en garde se révèle. En cette période historique – la nôtre – où les mutations (génétiques), les transformations (esthétiques) et les changements d'orientations (sexuels) font régulièrement les manchettes, Oleg Kisseliov a osé, parmi les nombreuses lectures possibles du texte de Kafka, explorer l'idée de la métamorphose en elle-même, de la transformation de l'individu et de l'impact de cette transformation sur son environnement; physique, psychique et humain.

Ainsi, la première scène dévoile au spectateur, comme il se doit, un Gregor Samsa monstrueux et difforme, interprété avec force et talent par Jean-François Casabonne, emprisonné dans une carapace circulaire – de laquelle il parviendra ultérieurement à se libérer - , interdit devant son nouvel état; celui d'un insecte qui se voit forcé de quitter sa vie rangée de commis-voyageur. Mais très vite, la mise en scène oriente le texte dans une toute autre direction. Les personnages drabes composant la famille et l'entourage de Gregor, vêtus de façon classique et morne, se transforment eux aussi en êtres étranges aux tendances tantôt animales, tantôt primitives, voire sauvages. Ils se trouvent en certains moments même littéralement dépourvus de leur usage du langage, se voyant restraints au cri, à l'onomatopée, au bruit. Certaines scènes, encore, les transforment en musiciens ensorcelés, en danseurs hypnotisés, en raveurs déjantés. Le message de Kisseliov est clair : Gregor, devenu autre, autre insaisissable et de plus en plus dérangeant et repoussant, influence, à la façon de l'homme au pousse d'or, tout ce qu'il touche.

La scène, en constante mutation, suit leurs transformations et devient, au fil du temps, un espace véritablement désordonné, parfois surchargé, pour, la minute suivante, retrouver ses airs proprets et banals. Les éclairages, conçus par Mathieu Marcil, sont très présents et contribuent à cet effet, parfois dérangeant, souvent hypnotique. Mais c'est sans contredit la musique, bande sonore éclectique au possible et qui constitue pratiquement à elle seule un personnage à part entière, qui contribue le plus à amplifier cette impression. Oscillant constamment entre des mélodies de violon féériques, des blues tout en rupture et encore, des chansons électroniques brutes, elle rythme la pièce (entrecoupée de plusieurs noirs qui parfois, menancent le spectateur de perdre définitivement le fil de cette histoire devenue complètement folle), les mouvements des personnages, les changements de tempéramment qu'ils vivent, tant collectivement qu'individuellement.

L'ensemble est donc absurde, disjoncté, éclaté et certes, extrêmement déstabilisant. L'audace d'Oleg Kisseliov est pourtant efficace, et ce, en grande partie grâce à la performance, très physique, des acteurs, qui semblent avoir accepté entièrement le défi. Casabonne, bien entendu, porte une bonne part de la responsabilité de cette réussite, mais il importe de souligner le travail de tous ceux qui le supportent, qui livrent aussi une performance relevée.

Le spectateur ressort abassourdi, presque assommé devant tant de mouvement et de trangression. Et pour cela même, sans doute, il semble que le pari de Kisseliov soit gagné : cette Métamorphose étrange, absurde et complètement moderne de Kafka devient, dans la salle du Prospero, le lieu d'une exploration collective de la folie qui se trouve en chacun.

15-11-2007