Du 23 septembre au 4 octobre 2008, mardi au sam., 20h15, merc. 19h15
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Trois histoires de mer

Texte de Mariana de Althaus
Traduction Francesca Gosselin
Mise en scène Miguel Doucet
Avec Sounia Balha, Francesca Gosselin et Talia Hallmona

Si on vous annonçait l’existence d’une soeur ou même de deux, quelle serait votre réaction? Suite à la demande de sa mère, morte d’un cancer, Ananu, artiste en arts visuels, contacte ses deux demies soeurs aînées pour la première fois. Cette rencontre se fait dans une maison au bord de la mer, où chacune des jeunes femmes y ont vécu à tour de rôle une partie de leur enfance. Ananu propose à ses soeurs de vivre avec elle, mais ne pouvant réparer le lien familial qui s’est brisé, elle se heurte au sarcasme de Vania, à la rigidité de Joséfina et à ses propres démons intérieurs.

Trois histoires de mer dépeint la dure réalité de trois jeunes femmes abandonnées par leur mère et qui tentent, tant bien que mal, de se reconstruire dans cette maison, héritage du passé.

Création du Théâtre Tress

Prospero (salle intime)
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

par Mélanie Viau

La vocation première du jeune théâtre TRESSS de faire vibrer des voix pluriethniques sur les scènes de notre Montréal cosmopolite fait preuve d’un réel engagement social méritant l’intérêt. L’inscription artistique d’appartenances multiples, l’exploration d’un imaginaire diasporique et le questionnement sur la perte des repères fondamentaux s’inscrivent dans une démarche visant le rassemblement et l’acceptation de l’altérité, démarche qu’ils ont tentée en présentant, pour la toute première fois en français, la pièce Trois histoires de mer de la Péruvienne Mariana de Althaus. De la prise de contact avec cette auteure méconnue en Amérique jusqu’à la matérialisation scénique de son univers, le voyage fut long et significatif. En effet, en 2007, la comédienne Francesca Gosselin (d’origine péruvienne, on lui doit également la traduction de l’oeuvre) signa la mise en lecture du texte, célébrant du même coup le baptême de la compagnie. Jeune compagnie, redisons-le, mais travaillante et dévouée comme le sont les compagnies roulant depuis longtemps. Jeune, avec encore un million de choses à découvrir sur la route.

C’est une histoire presque banale de trois sœurs dans un huis clos rappelant les fantômes endormis comme on en a vu bien d’autres au théâtre, mais ici, l’exotisme du lieu labyrinthique en bordure de la mer suffit à en assurer la couleur singulière. Le travail du duo de concepteur-créateur formé par Xavier Charbonneau Gravel (scénographie) et Catherine Fasquelle (éclairages et ambiance sonore) installe le récit dans une atmosphère à la fois réaliste et symbolique, dans laquelle la nature environnante et l’intérieur de la maison deviennent à la fois menaces et rêves, traces indélébiles de la mémoire maternelle. Et dans ce décor, les comédiennes sont maîtres. La confiance accrue que Miguel Doucet porte en l’espace scénique, lui qui en est à sa première mise en scène professionnelle, lui permet de s’effacer avec humilité, laissant les personnages se révéler selon la lecture qu’il a faite du texte. Mais malgré sa très forte cohérence, on demeure beaucoup dans l’illustration, et on peine à sentir une prise de parole personnelle se dégager de l’ensemble. Au service du texte, il faut savoir ne pas perdre sa propre voix.

Cette voix du texte, c’est la voix qui modèle la composition très soignée des comédiennes, mais aussi celle qui les enferme dans une lecture assez unique des personnages. Leader du rythme et des dynamismes de conflit, Talia Hallmona marque, par sa présence très forte et sa rigueur technique, les grandes lignes directrices du récit avec une Vania tout en sarcasmes et en humour désopilant, une Vania croulante dans l’alcool pour favoriser l’évasion. Sounia Balha, pour sa part, fait preuve d’une souplesse remarquable, laissant voir les variations sensibles et les modulations caractérielles d’Ananu, la sage, la douce, l’artiste, pour en faire un personnage central d’une candeur ultra charmante. Le personnage de Josefina, campé par Francesca Gosselin, rigide et placide, soulève davantage le questionnement quant à ses motivations et sa position au cœur du trio. Son manque de texture et son effacement seraient-ils un gage du texte dramatique ? Et ces passages où la magie de l’incarnation maternelle devient matière à de véritables moments de création pour des interprètes, on en aurait voulu plus, pour leur transcendance et leur potentiel théâtral. Des moments où l’on a envie que cet exotisme péruvien se manifeste dans toute sa splendeur, sa chaleur, où l’on a envie de sentir le vent du large autrement que par un regard traversant vaguement la bay-window.

Souhaitons que TRESSS reste fidèle à son mandat et qu’il poursuive son voyage vers de nouveaux horizons en restant ouvert à l’enchantement, ouvert à nous faire connaître cet Autre qui nous ressemble.

03-10-2008

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