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Du 9 octobre au 3 novembre 2012, 20h, mercredi à 19 h
CoopérativeLa coopérative du cochon
Texte de Ascanio Celestini
Traduction de Luce Pelletier
Mise en scène de Luce Pelletier
Avec Luc Bourgeois, Louise Cardinal, Martin Héroux, Olivier Morin et France Parent

Rome, 4 juin 1944. Nino, 8 ans, et son père parcourent la ville à pied avec un seul projet: réunir la somme qui leur permettra d’acheter un cochon vivant dérobé aux Allemands. L’argent se fait rare et l’union fait la force: un à un, des personnages étranges se joignent à la « coopérative du cochon ». Chemin faisant, ils partagent leurs histoires de guerre.

Sordides, comiques et poignantes, celles-ci s’enchevêtrent et se recoupent dans un récit fabuleux à cinq voix. Dans cette épopée moderne, entre les bombardements, les actes de résistance et les débrouillardises du marché noir, chacun devient un héros malgré lui. Les petits garçons deviennent vieux en une nuit, les mouches disent l’avenir et les barbiers ressuscitent les morts. Plus personne ne sait qui est en guerre avec qui; seuls comptent la survie, l’entraide, et l’art de raconter.

Comme plusieurs auteurs italiens contemporains, Ascanio Celestini s’intéresse à la mémoire collective transmise par la parole. Son oeuvre s’inscrit dans le courant du teatro-narrazione, dit « théâtre-récit », et se réclame de la même mission civique qui consiste à engager les citoyens à se réapproprier leur Histoire. Mais contrairement à des auteurs comme Marco Paolini qui créent un théâtre près du documentaire, Celestini laisse une place aux éléments fabuleux. Parmi les faits historiques rapportés avec rigueur s’immiscent des fragments fantastiques, des incursions de l’étrange. La parole qu’il crée est profondément humaine, car elle porte la trace de ce besoin irrépressible propre à celui qui raconte de tordre un peu la réalité pour se l’approprier.

Un spectacle intime, humain, puissant comme la voix de mille hommes qui haussent le ton à l’unisson pour dire la guerre, leur guerre.


Scénographie Olivier Landreville
Bande son Catherine Gadouas
Costumes Caroline Poirier
Lumières Jocelyn Proulx
Assistance à la mise en scène Claire L'Heureux
Crédit photo Marie-Claude Hamel

Une production du Théâtre de l'Opsis


Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Marie-Claude Hamel

Le Théâtre de l’Opsis amorce sa troisième et dernière année du cycle italien avec La coopérative du cochon, d'Ascanio Celestini. Si le résultat de cette nouvelle production ne convainc pas totalement, des moments cocasses s’avèrent savoureusement exquis.

Rarement (ou probablement jamais) pourrait-on accuser la metteure en scène Luce Pelletier de privilégier les avenues faciles ou les chemins maintes fois explorés. La brillante femme de théâtre s’est donnée comme mission de faire découvrir au public québécois les auteurs italiens contemporains qui apportent une signature singulière dans leur pays. Ses recherches l’amènent à poser sa griffe sur des écritures qui ne sont pas toujours faciles. Si le récit de la famille incestueuse des Enfants de la pleine lune d’Emmanuelle Delle Pianen’avait pas marqué les esprits, l’humour absurde de Bar de Spiro Scimone et l’humaniste véhiculé dans Frères de Francesco Silvestri ont donné de très heureux résultats.

Le texte de cette création est tiré du livre Récit de guerre bien frappé, que Luce Pelletier a transposé et adapté en partition pour cinq acteurs. Pendant près de deux heures, la pièce se déroule dans une salle adjacente d’un salon funéraire où cinq frères et sœurs se retrouvent pour un dernier hommage à leur père récemment décédé. Pour chasser le chagrin, ils se souviennent d’une histoire au développement abracadabrant et aux ramifications infinies, racontée à maintes reprises par le défunt. À Rome le 4 juin 1944, le jour où la ville fut libérée par les Américains, leur paternel et leur grand-père se font offrir un cochon vivant pour 1000 lires. Dans leur aventure inusitée, ils ont cherché des personnes volontaires pour payer l’animal avec eux, un prétexte pour un enchevêtrement d’histoires sur la guerre.


Crédit photo : Marie-Claude Hamel

Comme dans son travail sur le collectif Les États-Unis vus par...,la metteure en scène a préféré un décor dépouillé. À l’exception d’un rideau gris sur trois côtés pour délimiter l’espace scénique et lieu des actions narrées par les personnages, les comédiens, vêtus en habits de deuil, utilisent plusieurs accessoires à portée, dont des manteaux et des chapeaux, pour reproduire l’atmosphère des récits qui alternent entre l’humour et la tragédie. Par des extraits musicaux, le jeu corporel très expressif et les allusions comiques pour dissimuler la douleur de vivre en territoire assiégé, La coopérative du cochon fait indirectement écho au populaire film La vie est belle de Roberto Benigni. Beaucoup de l’intérêt du spectacle vient des prestations énergiques et remarquables de Luc Bourgeois, Louise Cardinal, Martin Héroux, Olivier Morin et France Parent. Fidèles collaborateurs de l’Opsis, les membres du quintette offrent à plusieurs moments des numéros dignes du meilleur esprit du burlesque.

La fabuleuse chanteuse française Juliette aime bien raconter que Tout est bon… dans le cochon. Mais dans la proposition que l’on voit sur les planches du Prospero, l’ennui côtoie les passages réjouissants. Ainsi, la magie opère très peu durant la première heure de représentation, encore à la recherche de son rythme de croisière lors de la première médiatique. La mosaïque d’histoires amarrées à la trame principale entraîne parfois à une certaine confusion en raison des relations quelques fois peu claires entre elles. La pertinence de chacune des péripéties demeure inégale. Heureusement, les éléments s’harmonisent davantage en cours de route. Légèrement écourtée, la pièce gagnerait en intensité.

C’est lorsque l’imagination domine par son utilisation ludique, surtout au cours de la dernière demi-heure, que la production crée ces instants magiques dans une parfaite connivence avec l’auditoire. Par exemple, des manteaux qui symbolisent des cadavres, un casque de fourrure qui se transforme en chien, ou encore une table qui devient une brouette pour transporter les nombreux morts à enterrer. Les répliques des figures de la mouche, de la Vierge Marie ou des amantes polonaises se démarquent par leur truculence.

Pour clore leur présent cycle, Luce Pelletier et ses acolytes présenteront deux derniers spectacles qui entremêleront créateurs québécois et italiens d’ici quelques mois. Inégale, la présente Coopérative du cochon parvient parfois à brillamment nous divertir par la générosité de ses acteurs.  

12-10-2012