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Du 9 au 27 octobre 2012, mardi au samedi à 20h15, mercredi 19h15, samedi 20 octobre 16h15
GuerreGuerre
Texte de Lars Norén
Traduction Katrin Ahlgren et René Zahnd (L'Arche Éditeur)
Mise en scène de Priscilla Amsler
Avec Jean Belzil-Gascon, Isabelle Montpetit, Catherine Rochefort, Marie-Josée Samson et Manuel Sinor

Un soldat, devenu aveugle dans un camp, revient chez lui après la guerre. Mais rien n'est comme avant : sa femme dort avec un homme qui n’est autre que son frère, et ses filles n’ont pas les jeux de leur âge. Ce père est devenu un étranger dans sa propre maison. Cinq personnages, cinq solitudes condamnées à supporter l’insoutenable, alors que quelques pas seulement suffiraient à franchir le seuil.

La pièce est un récit froid ou l'absurdité de la guerre est dévoilée dans un cadre intime, celui de l'homme aux prises avec ses contradictions, ses désirs, son instinct. Sans détour ni sentiment, l'auteur nous invite à observer la violence du monde et à se questionner sur le sens de la survie après l’horreur. Le Théâtre de l'Embrasure conçoit le texte dans son rapport immédiat à l’espace.

Le Théâtre de l’Embrasure a été fondé en novembre 2011 par quatre finissantes de l’Ecole Supérieure de Théâtre de l’UQAM. Guerre est la première production de la compagnie.


Assistance à la mise en scène Milena Buziak
Scénographie : Hugo Dalphond
Éclairages : Janie Cloutier
Costumes et accessoires : Estelle Charron
Son : Isabelle Montpetit

Carte Prem1ères
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 9 au 13 octobre
Régulier : 24$
Carte premières : 12$

Une production du Théâtre de l'Embrasure


Prospero, salle intime
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge

La faute à la guerre.


Crédit photo : Aurore Paulin

C'est une guerre anonyme, sans époque, ni lieu. On devinerait presque l'Europe de l'Est au début du siècle dernier, mais des détails nous trompent et nous font accepter que, peu importe où et quand, une guerre est la guerre, elle laisse ses traces, peu importe où elle passe.

La petite scène du Prospero est pratiquement vide, mise à nu devant nous. Que quelques couvertures et de rares objets rescapés, biens précieux d'une famille brisée. Trois femmes, une mère et ses deux jeunes filles, tentent de survivre après la disparition du père et le manque de tout. Trois femmes terrorisées et traumatisées par les sévices sexuels desquels elles ont été les victimes, à la merci des soldats ennemis. C'est alors que le père revient, avec ses blessures physiques (il est désormais aveugle) et intérieures aussi. Lui qui désire trop retrouver sa famille, est raide, touche un peu trop ses enfants, est trop dur avec sa femme qui, le croyant mort, avait refait sa vie avec son frère. Cette nouvelle relation entre la femme et le frère du mari est morne, étant orientée ainsi par la direction d'acteurs, et tient davantage de la survie que de la passion.

« C'est pas de ma faute, c'est la guerre. » Voilà ce qui ressort de ce texte perturbant de Lars Noren et fort bien défendu par la distribution. L'absurdité de la guerre après qu'elle ait brisé une cellule familiale,  maintenant que tous les êtres concernés sont sensibles à chaque bruit, à chaque geste. Priscille Amsler joue sur cette sensibilité dans une mise en scène précise et recherchée. Chaque détail compte dans cette scénographie épurée, notamment le silence dans lequel on tente de se faufiler qui contraste aussitôt avec un bruit éclatant, rappelant instantanément les horreurs de la guerre pour tous, mais aussi le ton de la voix des hommes, meurtris à leur façon par la guerre, l'un étant témoin et victime, l'autre actant et aussi blessé. Quelques choix nous convainquent  moins pourtant, tel l'usage de lumière stroboscopique plaqué contre des portraits représentant l'état du noyau familial, comme transitions entre deux scènes. Bien que le portrait soit juste, il ne nous apprend rien et ce son et cette lumière sauvage, bien que liés aux traumatismes vécus par ses personnages, brise le rythme bien réglé du reste de la pièce.

La distribution nous fait découvrir de nouveaux talents, les comédiennes sont toutes de récentes diplômées de l'UQÀM, dont plus particulièrement Isabelle Montpetit. Celle-ci nous offre une désarmante performance de cette petite soeur de douze ans, complètement traumatisée et désemparée, dont l'enfance l'a complètement abandonnée. Depuis la guerre, elle est celle dont les blessures encore vives sont les plus visibles. Manuel Sinor nous offre une performance sans faute du père désormais aveugle qui nous paraît d'abord comme le héros de guerre, mais qu'on se surprend à détester de minute en minute bien malgré lui.

C'est un héros de guerre qui nous fait pitié, une famille qui porte à elle seule tous les maux possibles que la guerre a pu engendrer et surtout, aucun de ses membres n'arrive à passer à autre chose, bien que ce soit tous leur désir. Chaque geste des personnages porte sa part de violence et de cruauté, chaque parole est un souvenir douloureux. Les mots sont trop durs et la mise en scène ne fait rien pour les adoucir. Pour le public également, il n'y a aucune porte de sortie de cette violence qu'on nous raconte au passé tout autant qu'au présent. Partir semble être le seul retour possible à la normale, puisqu'ici tout semble pour eux impossible depuis la guerre. La guerre explique tout, de façon complètement absurde et surtout, elle devrait excuser tous les comportements de chacun des personnages. Pourtant, ces comportements sont humains et dormaient au fond de chacun. Il est de leur responsabilité de le laisser enfoui ou non maintenant que c'est passé, malgré les forts traumatismes.

Malgré l'atmosphère lourde qui pèse tout au long du récit, le public reste captivé par ces personnages forts et bien campés. On se questionne : « La guerre peut-elle tout excuser? » Leur comportement de survie nous étonne et nous bouleverse. On se demande tout comme eux s'il est possible de reconstruire et de passer à autre chose sur le territoire encore blessé lui-même. Une première création qui dessine un avenir prometteur pour cette nouvelle compagnie, à voir sans faute.

15-10-2012