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Du 15 septembre au 3 octobre 2015, 20h, mercredi à 19 h, samedi 16h
OxygèneOxygène
Texte de Ivan Viripaev
Traduction de Élisa Gravelot, Tania Moguilevskaia et Gilles Morel
Mise en scène Christian Lapointe
Avec Eve Pressault, Éric Robidoux

Un garçon et une fille s’engagent dans une joute verbale : conteurs, rappeurs, danseurs, possédés d’un feu ; ils interpellent l’histoire du monde et son actualité. Dans une cavalcade de tableaux inspirés par les écrits bibliques, Viripaev détourne ce qui est commandé par les Saintes Écritures pour soulever un nombre important de questions propres à notre temps. —— Auteur, comédien, réalisateur, scénariste, Ivan Viripaev est né en 1974 en Russie. Dramaturge de la nouvelle scène russe parmi les plus provocateurs de sa génération, il signe ici une critique sociale chantée et engagée. Oxygène présente une matière dramaturgique d’exception avec la structure inhabituelle de son puissant texte aux accents revendicatifs, la mise en scène et le jeu qui tendent vers la performance, la parole artistique viscérale ; tout pour court-circuiter les rapports théâtraux conventionnels.


Éclairages Martin Sirois
Scénographie et costumes Geneviève Lizotte
Musique Christian Lapointe
Visuel Jean-François Brière

Tarifs
Au guichet : régulier 33 $, aîné 26 $, 30 ans et - et membres 24 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 16 $
Par téléphone et en ligne : régulier 35,50 $, aîné 28,50 $, 30 ans et - et membres 26,50 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 18,50 $
Jeudi 2 pour 1 : Remise des billets en personne au guichet du théâtre de 18 h 30 à 19 h 15. S’applique sur le tarif régulier et aux spectacles présentés sur la scène principale. En quantité limitée.

Les rendez-vous du mercredi : 23 septembre

Production Le Groupe de la Veillée


Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582

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Dates antérieures (entre autres)

Du 19 novembre au 14 décembre 2013 - Prospero
2, 3 et 4 juin 2015 - Carrefour Théâtre

 
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Critique

Une bouffée d'air frais


Crédit photo : Matthew Fournier

On sait d'office que l'on risque d'assister à quelque chose d'éclaté et de non conventionnel lorsque le nom de Christian Lapointe est rattaché à une production. Reconnu pour son désir d'innover et de remettre en cause les fondations du théâtre contemporain, Lapointe a su se forger une solide réputation dans le milieu théâtral au cours des dernières années. Après nous avoir offert Outrage au public de Petr Handke, L'homme atlantique de Marguerite Duras lors du Carrefour international de théâtre 2014 et tout dernièrement, au FTA, le spectacle Tout Artaud?! qui se voulait une lecture complète de l'oeuvre d'Antonin Artaud (voir notre compte rendu), Lapointe présente la pièce Oxygène (Kislorod en version originale), d'un auteur peu connu au Québec, Ivan Viripaev.

On nous accueille sous un immense chapiteau blanc rectangulaire. D'un côté de ce chapiteau, une petite scène avec simplement deux micros et une petite table, sur le côté, munie de quelques accessoires. De l'autre côté, un minibar où sont servis bière, vin et autres rafraîchissements. Le public prend place sur des chaises autour de tables de plastique. Entre alors en scène Éric Robidoux et Ève Presseault, les deux comédiens du spectacle, habillés en futurs mariés, lui en complet et elle en robe blanche. Ensemble, ils récitent les 10 compositions du texte de Viripaev, le tout rédigé un peu comme les dix commandements.

On utilise les thèmes bibliques pour imager les relations de couples, la guerre, le sexe et la politique, avec des questionnements qui témoignent de l'impact du passage de l'avant à l'après 11 septembre. Sur fond de musique techno et de lumières disco, ils se lancent dans de longues tirades ponctuées d'un langage codé signé Lapointe qui ajoute énormément au côté hyper énergique et étrange de la pièce. Certains passages du texte sont chantés par les comédiens et donne l'impression d'assister à des pièces musicales en direct ou à la reproduction d'un album de musique. Lapointe mélange habilement les codes du stand-up avec ceux du théâtre et le rendu final est ingénieux et divertissant à la fois.

Ce n'est certes pas pour rien que cette production a remporté en 2014 le Prix de la meilleure production secteur Montréal décerné par l'Association québécoise des critiques de théâtre. Christian Lapointe prouve une fois de plus son désir de créer un nouveau langage scénique avec ce spectacle hors-norme et déroutant. Oxygène est rafraîchissant et vaut le détour, même si on en sort sans avoir complètement tout saisi, tellement les pistes de lecture proposées y sont nombreuses.

03-06-2015


autre critique, par Sara Fauteux (2013)


Crédit photo : Matthew Fournier

Crée par son auteur il y a dix ans en Sibérie, Oxygène a été présenté une première fois à Montréal en 2008 dans le cadre du Festival TransAmériques, dans une mise en scène du Bulgare Galin Stoev.  Cet automne, c’est au metteur en scène Christian Lapointe que le groupe La Veillée a confié ce texte phare de la dramaturgie contemporaine. Un choix judicieux.

Qu’ont en commun Stoev, Viripaev et Lapointe, si ce n’est la recherche d’un nouveau langage scénique ? Depuis plus d’une décennie, Christian Lapointe s’acharne en effet à développer un nouveau mode de représentation, à écrire une dramaturgie résolument contemporaine et à explorer le jeu de l’acteur, dont il travaille le corps et l’énonciation de manière tout à fait singulière. La rencontre du riche univers dramaturgique d’Ivan Viripaev avec les obsessions formelles de Lapointe s’avère hautement pertinente. Oxygène est en effet une production d’une rare cohérence où chaque élément sert intelligemment la proposition.

Le spectacle se déroule sous une grande tente événementielle, où résonne la musique de boite de nuit de Christian Lapointe et dont la toile blanche est éclaboussée par les éclairages tout aussi dance de Martin Sirois. Assis autour de tables, comme le feraient les invités d’une fête, les spectateurs captifs se sentent rapidement impliqués dans cette installation et, grâce à la brillante scénographie de Genevière Lizotte (et au bar!), s’installe tout naturellement sous la tente une atmosphère particulière, mélange de rave, de fête foraine, de combat de boxe et de mariage… C’est d’ailleurs en robe blanche et en costume noir que se présenteront les comédiens Ève Pressault et Éric Robidoux qui prendront place derrière des micros sur une petite scène érigée à l’avant.

Les interprètes de Lapointe excellent tous deux à l’exercice de jeu atypique que propose Oxygène. C’est en se concentrant sur le récit et son rythme qu’ils installent peu à peu un jeu performatif qui s’éloigne de la fiction. Les allusions au présent de la représentation sont aussi fines dans le texte que dans la mise et scène et on constate qu’il y a d’autres moyens qu’une paire de jeans pour échapper au personnage de fiction. Le duo navigue avec une grande aisance dans cet univers, maitrisant à fond l’énonciation particulière et la distanciation nécessaire, faisant ainsi apparaître clairement la pertinence de la recherche du metteur en scène sur le jeu de l’acteur.

Le texte d’Ivan Viripaev est à l’image du monde dans lequel nous vivons : pluriel, insaisissable, abondant… En reprenant les dix commandements, le dramaturge russe revoit les thèmes bibliques à travers le monde moderne. Il aborde ainsi une myriade de thèmes dans un déferlement de mots, une partition polysémique désespérante et ludique. Le sexe, la démocratie, la guerre, la création, la religion, rien n’est fixe, rien n’est certain, tout se présente ici sous un mode binaire où l’on aborde les oppositions, les culs de sacs et les questions.

Devant la complexité et la saturation, du texte ou de l’existence, il semble encore une fois impossible pour l’individu contemporain de trouver un sens. La mise en scène de Lapointe tente de multiplier les pistes de lecture pour le spectateur avec, entre autres, un système de signes assez complexes, un paralangage des mains pour les interprètes. Si ces codes fournissent aux spectateurs quelques repères supplémentaires pour éclairer le texte, ils le confondent également en ajoutant une autre couche de sens à déchiffrer. Au final, ces signes ont surtout comme fonction d’annuler toute lecture réaliste en créant une distance additionnelle dans le jeu des comédiens.

De toute façon, on le devine rapidement, il ne s’agit pas de tout comprendre. Comme dans la vie, il n’est pas question ici d’appréhender l’ensemble du système afin d’y évoluer, mais plutôt de s’abandonner à l’expérience, de s’abreuver à l’oxygène qui se dégage de ce chaos existentiel.

25-11-2013