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Du 4 au 15 avril 2017
Far Away
Texte Caryl Churchill
Mise en scène Édith Patenaude
Avec Ludger Beaulieu, Lise Castonguay, Noémie O’Farrell

Fable énigmatique et hallucinée, Far Away donne à voir une société mue à outrance par les mécanismes du spectaculaire, en proie à une ultime guerre mondiale dévastatrice. Le futur est ici d’une lucidité foudroyante, d’autant plus qu’il est si proche. Chacun peut être allié ou ennemi, mais rien n’existe entre ces deux postures extrêmes. L’obscurantisme se nourrit de l’incompréhension de l’autre et devient tout-puissant devant l’effacement des règles distinguant ce qui est juste de ce qui ne l’est pas. Tout a été recruté pour combattre, et tout est maintenant une menace. Catégorisé sans raison, chacun peut passer d’un camp à l’autre sans logique aucune, terrifié, contraint à une anxiogène suspicion. Grandissant au contact de sourdes violences, Joan incarne les derniers soubresauts de la pensée libre, écrasée lentement par le poids insoutenable d’un monde où l’idée même de nuance a disparu, broyée par le manichéisme.

Qui est Caryl Churchill ? L’auteure de Top Girls, est née en Angleterre en 1938 ; elle a passé la plus grande part de ses années d’enfance entre Londres et Montréal. Les œuvres de Churchill ont eu un effet durable sur des pratiques théâtrales, des traditions, des stéréotypes de genre et des idéaux sociaux- économiques pendant les deux dernières décennies.


Section vidéo


Scénographie et lumières Jean Hazel
Costumes Marie-Êve Cormier
Musique Jean-François Mallet
Direction technique Mateo Thébaudeau
Assistance à la mise en scène et régie de création Adèle Saint-Amand
Direction artistique Marcia Babineau, Jean Hazel et Christian Lapointe
Photo Ulysse Del Drago

Sera aussi joué à Québec, au Musée national des beaux-arts du Québec, Pavillon Pierre Lassonde, du 21 février au 4 mars 2017 et à Moncton les 23 et 24 mars 2017

Tarif Scène principale
Régulier : 35 $
Senior (65 ans et +) : 28 $
30 ans et - :  26 $
Dans la solitude des champs de coton 38 $

Tarif Salle intime
Régulier : 28 $
Senior (65 ans et +) : 25 $
30 ans et - :  23 $

Tous les prix incluent les taxes.
Aucun frais de service pour l’achat de billets au guichet
Commande en ligne et téléphonique : 3$ de frais de service par billet.

Horaire scène principale :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h
Mercredi à 19h
Samedi à 16h

Horaire salle intime :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h15
Mercredi à 19h15
Samedi à 16h15


LES RENDEZ-VOUS DU MERCREDI

Tous les 2es mercredis de chaque série de représentations des spectacles donnés sur la Scène principale, le Prospero vous convie à une rencontre/réflexion. En plus des artistes de la production, des personnalités choisies en fonction du regard singulier qu’ils auront sur la pièce et son contexte, prendront part à ces échanges riches et souvent percutants.

Du nouveau ! Cette année, la journaliste Alexandra Szacka sera invitée à animer plusieurs de ces rendez-vous. Une occasion pour cette dernière de renouer avec un art qu’elle a bien fréquenté avant de s’investir avec succès dans son travail journalistique notamment de correspondante à l’étranger. Elle qui a parcouru ces nombreux territoires de l’ailleurs offrira un élan nouveau aux débats de nos rendez-vous.

Dans la solitude des champs de coton > 14 septembre
La campagne > 12 octobre
Les ossements du Connemara > 16 novembre
Act of god > 1er février
Don juan revient de la guerre > 8 mars
Far Away > 12 avril

Coproduction Théâtre Blanc et Théâtre l’Escaouette


Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582

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Critique

Écrite en 2000, la pièce Far Away de la captivante auteure anglaise Caryl Churchill (Top Girls, Blue Heart et Bliss, des pièces qui ont déjà pris l’affiche à Montréal ou à Québec) est un morceau, avouons-le, plutôt singulier.






Crédit photos : Idra Labrie - MNBAQ

Courte pièce en trois actes, la pièce porte sur la notion de la peur que l’on impose, celle inculquée par l’autorité, au travers de trois moments de la vie d’une jeune femme. On peut aussi y voir les conséquences psychologiques d’actes immondes vécus lors de l’enfance qui peuvent faire sombrer l’esprit dans un déséquilibre mental étrange.

À l’acte 1, Joan est hébergée chez son oncle et sa tante, Harper. Elle se confie lentement à celle-ci : en voulant voir les étoiles, elle a surpris son oncle dans la cabane du jardin en train de frapper sur des adultes et des enfants. Mensonge après mensonge, prétextant que son mari a battu un traitre parmi des gens qu’il tentait de sauver, sa tante l’initie doucement aux horreurs de son entourage – sans pour autant que nous sachions si les actions de l’homme étaient justifiables ou non. Acte 2, Joan est une jeune femme qui débute en tant que chapelière. Un travail qu’elle idolâtre déjà, tant la boîte où elle travaille est réputée. Elle rencontre Todd, qui lui fera découvrir l’interrogation (de la hiérarchie), la révolte, les inégalités, mais aussi la création et la beauté éphémère. Car ses chapeaux seront portés par des condamnés à mort, juste avant leur exécution, pour qu’ils soient jugés – un défilé de mode grotesque, absurde, sur une musique électronique tonitruante et des rafales de mitraillettes. Le chapeau gagnant ira au musée, les autres seront brûlés avec les corps. L’acte 3, le plus absurde, voit Todd et Harper dialoguer sur la guerre qui fait rage, où tout a été mobilisé, recruté : des hommes aux animaux, des végétaux aux bruits, en passant par la gravité et le temps. Les pays se déchirent, et on remet en cause l’engagement de l’autre. Si Todd, enrôlé, a combattu des ours, il a aussi travaillé dans un abattoir où il a tué cochons et musiciens. Le monologue de Joan qui clôt la pièce permet de mieux comprendre l’état d’esprit dérangé de la jeune femme, qui se dit terrifiée. Elle décrit son périple vers la maison, ne pouvant affirmer de quel bord est le fleuve à traverser, le gazon, les oiseaux, les mouches. C’est une fois le pied dans l’eau glaciale que l’on sait : «quand on vient juste de mettre le pied, on ne sait pas ce qui va suivre. Et l’eau vous entoure les chevilles de toute manière».

Far Away évolue doucement vers un récit type de dystopie, entre Orwell (sans Big Brother) et Ionesco (sans l’humour qui s’y rattache). Après 1984, il était peu étonnant de voir à la barre de cette nouvelle création du Théâtre Blanc et du Théâtre de l’Escaouette la metteure en scène Édith Patenaude. Elle crée ici un environnement circonspect, refermé, meublé de secrets ; les trois comédiens, Ludger Beaulieu, Lise Castonguay et Noémie O’Farrell, chuchoteront dans leurs micros respectifs tout au long de la représentation. Grâce à la scénographie et aux lumières de Jean Hazel – où dominent le rouge et le bleu –, elle dirige notre regard, enferme les personnages entre rideaux et colonnes translucides, sous des corps enveloppés à la façon Dexter, suspendus au plafond. L’utilisation des basses fréquences dans la trame sonore de Jean-François Mallet, spécialement lors des discussions, est terriblement efficace ; par contre, la musique électronique diffusée lors du défilé de ces bêtes de foire attriquées vient briser le sentiment d’horreur qui aurait pu monter doucement en nous, et nous mordre sournoisement lors du bruit des balles qui déchirent les peaux, dans le plus pur anonymat visuel d’ailleurs : pas de sang, pas de corps, ni vu ni connu.

Far Away ne donne que très peu de clés pour décoder ses propos. Pas d’unité de temps ou de lieu, aucune référence, aucune continuité dans la logique de la narration. Un texte qui peut laisser froid ; pour l’apprécier, il faut alors plonger avec Joan (joliment interprétée par une charmante Noémie O’Farrell, en pleine possession de ses moyens) dans les turbulences métaphoriques de ce nouveau millénaire, qui, selon ce que l'on peut deviner derrière les mots de l'auteure, ne projetait rien de bon. Un texte véritablement confucéen.

22-02-2017