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Ombre Eurydice Parle
Du 11 au 27 avril 2019
mardi et jeudi 20h, mercredi et vendredi 19h, samedi 16h

Avec cette pièce, Elfriede Jelinek poursuit une démarche singulière et radicale qui participe à l’émergence d’un nouveau type de théâtre où se croisent plusieurs arts de la scène. Jelinek offre une réinterprétation du mythe d’Orphée dans une perspective féministe et existentielle. Ici, Eurydice est une auteure qui n’arrive pas à vivre de son art ; elle vit dans l’ombre d’Orphée, ultime rock star. Il est l’astre brûlant, elle se consume à son contact. Elfreide Jelinek démuselle Eurydice, lui donne une voix. Ce faisant, elle nous invite à entendre une parole essentielle — une réflexion sur l’image projetée de la femme, sur l’éphémère, le désir et l’obsession de l’éternelle jeunesse. Elle brosse un portrait sans ménagement d’une société patriarcale et pose la question suivante : « La femme n’est-elle qu’une ombre soumise à des dictats sociaux ? »

Adaptée pour deux actrices, une danseuse contemporaine et un musicien, l’œuvre est une décharge absolument nécessaire, un théâtre audacieux, délivré du drame, qui donne une liberté totale aux créateurs et sollicite tout autant l’inventivité du spectateur.


Texte Elfriede Jelinek
Traduction Sophie Andrée Herr
Mise en scène Louis-Karl Tremblay
Avec Louise Bédard, Stéphanie Cardi, Macha Grenon, Pierre Kwenders


Entrevue

Parle Eurydice : entrevue avec Louis-Karl Tremblay pour Ombre Eurydice parle

Par Olivier Dumas


Crédit photo : Isabel Rancier

Dans Ombre Eurydice parle, Louis-Karl Tremblay se « colletaille » à la plume incendiaire d’Elfriede Jelinek.

« Oui, je suis la femme des décombres. Je suis celle qui ramasse encore et toujours les débris. » Voici une déclaration d’Elfriede Jelinek, écrivaine autrichienne, lauréate du prix Nobel de littérature (2004), à la réputation sulfureuse (traitée même de « communiste en cachemire »), que l’on retrouve dans un long entretien réalisé par Christine Lecerf dans le livre L’Entretien (Seuil, 2007). Une telle écriture qui dissèque l’innommable ne pouvait que plaire au metteur en scène Louis-Karl Tremblay, directeur artistique de la compagnie Théâtre Point d’Orgue. Après, entre autres, Les Troyennes dans un bain public et une relecture abrasive d’Yvonne, Princesse de Bourgognede Witold Gombrowicz, ce dernier a trouvé un défi exaltant avec Ombre Eurydice parle. Elfriede Jelinek y réactualise le couple Eurydice et Orphée. Sous son scalpel, Eurydice ne joue plus à la femme docile, ne se laisse plus envoûter par la lyre de son amant. Dans les diverses réinterprétations du mythe, « elle n’a pas eu son mot à dire dans ses relations affectives », raconte le metteur en scène dans un café près du Métro Beaubien en fin de matinée. Pour se réapproprier un discours qu’il lui est propre, cette nouvelle incarnation « veut écrire, devenir une véritable écrivaine » et se distancier d’un Orphée métamorphosé en chanteur rock.
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Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance à la mise en scène et appui dramaturgique Mathieu Leroux
Scénographie et costumes Karine Galarneau
Lumières et vidéo Robin Kittel-Ouimet

Texte publié chez L'Arche Éditeur

TARIFS
Scène principale - régulier 37$, 65 ans et + 31$, 30 ans et - / professionnels 29$*, Carte Prospero 28$**
Scène intime - régulier 30$, 65 ans et + 28$, 30 ans et - / professionnels 26$*, Carte Prospero 26$**
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
* (UDA, UNEQ, CEAD, SACM, SCAM, AQAD, AQM, ATEQ)
** limite de 2 billets par spectacle, par carte Prospero

Production Théâtre Point d'Orgue


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Critique disponible
            
Critique





Crédit photos : Marie-Noële Pilon

Encadrée de projecteur et truffée d’effets-lumière qui aveuglent l’auditoire sans prévenir, la nouvelle production du Théâtre Point d’Orgue émerveille comme elle agresse et dérange. Présentée en codiffusion avec le Théâtre Prospero, cette version québécoise de la pièce Ombre Eurydice parle, une relecture moderne du mythe d’Orphée de Elfriede Jelinek, se démarque par sa forme singulière. Réunissant sur scène deux comédiennes, une danseuse contemporaine et un chanteur, le metteur en scène Louis-Karl Tremblay paraît parfaitement bien entouré pour épouser le style dramatique peu commun de l’auteure autrichienne à merveille.

À peine éclairée, la danseuse Louise Bédard donne le coup d’envoi à un spectacle qui s’avèrera d’une brillante intelligence, mais dont le travail d’analyse sera de longue haleine pour les spectateurs qui oseront s’y prêter. Séduisantes du regard par la multitude de sens auxquelles elles peuvent renvoyer sans trop s’éparpiller, les chorégraphies de Marilyn Daoust rendent justice à l’expérience certaine de Bédard qui montre une technique impeccable. Sous l’éclairage cadavérique de Robin Kittel-Ouimet, la première scène sans paroles se révèle être une image à caractère mythique pour le moins saisissante. Supportée par la musique de Steve Lalonde, la représentation gagne peu à peu en intensité. Cela permet également de soutenir une certaine tension durant les soixante minutes de spectacle, malgré un rythme qui aurait gagné à être quelque peu allégé pour l’intérêt général de l’auditoire.

Si l’incarnation des trois femmes s’équivaut, c’est leur symbiose qui permet à Tremblay de faire découvrir l’originalité de Jelinek alors que prose et poésie s’entrechoquent pour livrer un discours criant d’authenticité.

En complémentarité avec la futilité davantage présente dans la danse, Macha Grenon s’offre au public dans un état désabusé profond complètement assumé. Même si c’est un retour marqué au théâtre pour la comédienne, celle-ci ne semble pas avoir perdu ses aises. Sa prestance confère une puissance et un contrôle à son personnage qui déstabilise et confirme son talent d’interprète. Pour sa part, Stéphanie Cardi frappe fort. Appuyant sur chaque mot, cette dernière est totalement consciente de la cruelle vérité cachée derrière l’ironie de ses propos et en jouit avec une grande maturité. Si l’incarnation des trois femmes s’équivaut, c’est leur symbiose qui permet à Tremblay de faire découvrir l’originalité de Jelinek alors que prose et poésie s’entrechoquent pour livrer un discours criant d’authenticité. Le trio se risque aussi à quelques harmonies vocales où la voix de chacune est décalée par rapport aux autres et dont l’effet engendré constitue une belle façon de déconstruire les vérités sociales préconçues toujours d'actualité dont l’auteure se moque.

L’entrée de Pierre Kwenders en scène est tout simplement flamboyante. Rappelant les spectacles de musique à gros budget, le travail de Kittel-Ouimet, à ce moment précis, profère à l’artiste, qui semble un peu plus timide que ses collègues féminines, toute l’assurance qui lui manque. L’ingéniosité de la scénographe Karine Galarneau est également à souligner. Grâce à son travail autant rigoureux dans la recherche d’accessoires et de costumes, la conceptrice a réussi à créer trois univers distincts, mais dépourvus de cloisons claires, ce qui met davantage en évidence l’ambiguïté entre l’individu et le collectif et permet une mise en scène assez inusitée.

Si la créativité des concepteurs surprend, la forme impose un rythme qui pèse lourd dans l’appréciation du spectacle. L’audace de l’équipe reste à féliciter étant donné la complexité de l’écriture de Jelinek. Virulente d’actualité, la pièce Ombre Eurydice parle mérite le regard des intrigués qui oseront tenter de dégager la réalité derrière la descente aux enfers d’Orphée.

12-04-2019
 
Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582 - billetterie.theatreprospero.com

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