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Du 25 janvier au 19 février 2016, lundi (25 janvier) au jeudi 20h, vendredi 19h, samedi 16h et dimanche 7 février 15h
Dénommé Gospodin
Texte Philipp Löhle
Traduction Anissa Lahyane et Jean-Philippe Lehoux
Mise en scène Charles Dauphinais
Avec Steve Laplante, Bruno Marcil et Marie-Ève Pelletier

Est-ce qu’une autre vie, en retrait de notre société capitaliste, est possible? Gospodin, un idéaliste marginal, tente de fuir l’Homme moderne, celui qui fonde bêtement ses valeurs sur celles de la majorité. La quête de Gospodin le place en porte-à-faux de ses proches, qui souhaitent le ramener dans ce qu'ils croient être le droit chemin. Mais plus son dessein se précise, plus le mouvement s’accélère…

Dans cette course effrénée, l’auteur allemand Philipp Löhle aborde la déroute de notre inconscient collectif et notre rapport vicieux à l’argent. Son texte frondeur témoigne de la diversité dramaturgique que l’on retrouve au Quat’Sous depuis 60 ans. Une fable libre, drôle, étrange, dont le fil d’arrivée remet en cause la définition même de ce que devrait être la lucidité.


Assistance à la mise en scène et régie Audrey Lamontagne
Décor Loic Lacroix-Hoy
Costumes Cynthia St-Gelais
Lumière Martin Sirois
Musique LE FUTUR

Avant la première 23$
En prévente jusqu’au soir de la première représentation de chacun des spectacles.
À compter de la première 36$
2 pour 1 36$
Les samedis et dimanches, selon les disponibilités, le soir même au guichet.
Groupe (10 et +) 21$
* Ajoutez 3$ pour les achats au téléphone et en ligne

Les noctambules
Discussion animée par la journaliste Marie-Louise Arsenault, l’activité est un moment d’échange et de complicité entre les artistes, les spectateurs et certains invités spéciaux, sur les différents thèmes abordés dans le spectacle.
4 février 2015
Activité gratuite

L'heure du conte
Pour une septième année, le Quat’Sous contribue à la vie culturelle des familles! Le dimanche après-midi, pendant que parents ou grands-parents sont à la représentation dans la grande salle, les enfants de 5 à 9 ans assistent à un spectacle de contes, donné par des artistes professionnels, dans la salle de répétition. Dimanche 7 février 2016
Guillaume Cyr
Activité gratuite pour les enfants des spectateurs
Réservation requise: 514 845-7277

Une production du Théâtre de Quat’Sous


Quat'Sous
100, ave. des Pins Est
Billetterie : 514-845-7277

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Critique

Crédit photo : Yanick Macdonald

Pour amorcer sa saison hivernale, le Théâtre de Quat’Sous concilie l’humour absurde et la grinçante réflexion sociale dans Dénommé Gospodin.

Pendant une heure et demie, nous suivons les aventures, et surtout les mésaventures, de Gospodin, le prototype du parfait antihéros. Sans le prévoir, sa vie, en apparence exemplaire avec sa conjointe et son lama, va basculer. Greenpeace lui retire d’abord son animal de compagnie. Sa copine le quitte en ne laissant presque rien dans l’appartement. Un ami surgit pour lui emprunter un amplificateur pour une fête qu’il organise, fête à laquelle notre sympathique malchanceux n’est par ailleurs pas invité. Un tel dépouillement matériel et affectif entraîne chez lui un questionnement sur le sens de la vie et de ses valeurs mercantilistes. Dans sa petite cuisine à l’éclairage lugubre, il connaît les rudiments d’une forme de «simplicité volontaire». Celle-ci est vécue difficilement pour ce marginal qui désire «prendre le capitalisme par les couilles». 

Le long-métrage Masculin féminin, réalisé par Jean-Luc Godard dans les années 1960, se penchait sur les «enfants de Marx et de Coca-Cola», une expression qui traduisait la dichotomie entre un certain désir d’émancipation et un monde imprégné de symboles marchands. Dans la pièce conçue par l’auteur allemand Philipp Löhle en 2007, ce capitalisme «à visage humain» des décennies précédentes (ou «le capitalisme de la séduction», pour reprendre le titre d’un essai du sociologue Michel Clouscard) devient ici plutôt un microcosme où les liens affectifs s’esquivent devant un individualisme forcené. Le Gospodin du titre subit revers par-dessus revers, sans qu’aucun espoir ne se pointe le bout du nez dans sa «descente aux enfers». Par contre, les drames ne teintent pas le texte uniquement de noirceur. De nombreuses pointes d’humour émergent tout au long de cette dissection acidulée des rapports interpersonnels et institutionnels. Par ailleurs, la traduction d’Anissa Lahyane et de Jean-Philippe Lehoux comprend quelques jolies métaphores poétiques («comme une neige en été») qui ajoutent des couleurs touchantes à une langue autrement très acerbe.

Malgré quelques flottements, le récit est mené rondement. La disposition du plateau en différentes aires distinctes crée facilement une distanciation qui accentue l’étrangeté du propos. La présence d’un musicien du côté jardin de la scène apporte aussi une dimension dynamique à la proposition. Parfois atmosphérique, parfois plus rude par le jeu de batterie, la conception sonore puise dans les sonorités du jazz. Par ailleurs, les comédiens Bruno Marcil et Marie-Ève Pelletier interviennent en nous adressant au micro des commentaires sur l’action en cours, tout au long de la représentation. Cette approche rappelle sans aucun doute le traitement des dernières réalisations artistiques de Christian Lapointe, dont le Pelléas et Mélisande en ce moment au Théâtre du Nouveau Monde. Au centre, légèrement surélevé, le lieu de résidence de Gospodin donne l’apparence d’une île déserte coupée du monde extérieur. La scénographie expose ainsi la solitude humaine et l’aliénation d’un individu qui refuse les chemins de ladite «normalité».  

Charles Dauphinais témoigne encore de sa sensibilité pour les écritures éloignées des repères de la logique cartésienne. Le metteur en scène s’est précédemment attaqué à Christian Lollike (La vie normale) et à Simon Lacroix (Tout ce qui n’est pas sec, également au Quat’Sous le printemps dernier). Malgré une atmosphère beaucoup moins sombre dans l’imaginaire drôlement farfelu de Lacroix, de nombreuses similitudes existent entre l’exécution scénique de celle-ci et Dénommé Gospodin. Par exemple, des objets tombent du plafond ou surgissent fortuitement, comme ces bandelettes de papier symbolisant la litière du lama que l’on a évincé du quotidien de son propriétaire. Peu de temps avant la finale, le loyer du personnage se transforme en une cellule de prison. La sensation d’emprisonnement est alors saisissante de vérité. De plus en plus perceptible, la signature de Dauphinais s’affirme alors brillamment dans l’exploration des méandres de situations aussi cocasses qu’impitoyables.       

Les thèmes évoqués par le dramaturge européen s’inscrivent dans cette mouvance contemporaine critique du libéralisme économique. Ce type de discours a été souvent entendu sur les scènes et dans les médias, sans régler véritablement le problème. Pourtant, en faisant abstraction de ses aspects sociopolitiques récurrents ailleurs, l’œuvre surprend, surtout dans sa dernière demi-heure par son renversement dans la psyché du protagoniste. Sans tomber dans le manichéisme, l’histoire s’amuse à brouiller les pistes entre le bien et le mal, et même entre la gauche et la droite. Durant l’ultime scène, savoureuse par ses pointes ironiques, l’antihéros aux prétentions anarchiques du début fait l’éloge des avantages du système carcéral, en plus de reconnaître les mérites de Greenpeace, l’ONGI qui a ironiquement amorcé sa chute en le privant de son lama.

Le succès de l’entreprise repose en grande partie sur la distribution très convaincante et solidement dirigée. Dans la peau de ce Gospodin à la personnalité complexe et débonnaire, Steve Laplante livre une prestation sans fausse note, tout comme ses deux partenaires. Marie-Ève Pelletier demeure très solide dans chacune de ses diverses interprétations épisodiques. Bruno Marcil se démarque particulièrement, quant à lui, dans les interventions de l’ami profiteur et du caïd mal intentionné.   

Avec son équipe inspirée, le percutant Dénommé Gospodin ne risque pas d’éradiquer nos difficultés actuelles, mais permet, grâce à son rire discordant, d’en souligner avec éclat les ambiguïtés. 

01-02-2016