Buenos Aires, 1941: c'est l'époque du tango, de la milonga et du couteau. Un poète idéaliste devient le concierge de la mystérieuse Bibliothèque-interdite. À peine entré en fonction, il est enlevé et incarcéré. L'homme découvre que son ravisseur n'est nul autre que le personnage d'un tango séditieux dont il est l'auteur. Peu à peu, réalité et fiction se confondent, conduisant le poète aux bords des ténèbres.

La Bibliothèque-interdite constitue une oeuvre originale où récitatifs et chansons se succèdent et se mélangent dans une atmosphère de réalisme fantastique, poignante et acide, si chère à la culture argentine. Le spectacle rend ainsi hommage aux écrivains et poètes Borgès, Discepolo, Arlt et bien d'autres qui prirent la plume pour condamner la montée du fascisme.

Grand succès de la saison 2016-2017, cet opéra-tango intimiste de Brigitte Haentjens, Sébastien Ricard et Denis Plante est présenté en reprise à la demande générale.

Texte et musique Denis Plante
Mise en scène Brigitte Haentjens et Sébastien Ricard
Avec Sébastien Ricard, Denis Plante (bandonéon), Mathieu Léveillé (guitare) et François Palma (contrebasse)

L’opéra-tango La Bibliothèque-interdite, présentée au théâtre Quat’Sous et mettant en vedette Sébastien Ricard, a été écrit et composé par le bandonéoniste Denis Plante, du groupe Tango Boréal. Le trio musical, aussi composé de David Jacques (guitare) et de Ian Simpson (contrebasse) est présent sur scène durant le spectacle afin d’accompagner les chansons  joliment interprétées par Ricard.

Crédit photo : Jean-François Hétu

C’est sur une scène dénudée que les musiciens et l’acteur prennent place. Des guirlandes d’ampoules lumineuses pendent du plafond et encerclent l’espace de jeu. Les instruments sont au fond. À l’avant, une simple chaise placée sous une lampe suspendue ; on comprend rapidement, avec l’entrée du personnage, que l’on cherche à représenter une salle d’interrogatoire ou une petite cellule. Ricard joue le rôle du concierge-poète de la Bibliothèque-interdite arrêté et mis en interrogatoire par un geôlier invisible, dans une Argentine déstabilisée par la répression qui écrase ses esprits les plus libres et les plus rêveurs.

La force de cette pièce repose dans la poésie des textes habilement déclamés par un Sébastien Ricard à l’accent sud-américain réussi (même si ce même accent nous fait parfois perdre quelques mots). L’érudition du personnage du concierge-poète ainsi que l’autodérision dont il sait faire preuve le rendent attachant et permettent de créer un équilibre sensible entre les tangos dramatiques (dont on aurait parfois raccourci légèrement la durée) et les monologues où s’entremêlent références à la mythologie grecque et mots d’esprit. La performance de Ricard ne déçoit pas : il joue, il chante, il s’essaie même à quelques pas de danse, et offre une performance solide sur laquelle la pièce peut s’appuyer.

Il y a par contre quelques longueurs et l’on sent parfois que l’on s’égare. On assiste aux supplications d’un homme qui, d’abord d’un ton fanfaron, se perd peu à peu dans la douleur de son drame personnelle ; il aurait été intéressant de tisser des liens plus étroits avec le contexte politique dans lequel il évolue. Il aurait été d’ailleurs plus facile de lier la pièce à un contexte actuel, alors que la répression politique est toujours un sujet d’actualité.

Malgré cela, la Bibliothèque-interdite vaut le détour pour une soirée aux tonalités d’un tango poétique.

11-04-2017