8 est l’histoire d’une fête. Le party où se retrouvent 8 amis qui pensent dépasser leurs doutes et leurs petites angoisses quotidiennes en se projetant, pour un soir, dans quelque chose de plus grand qu’eux. Mais comment échappe-t-on à ce que l’on est ? La fuite en avant n’est-elle pas toujours vaine ?… Non, ce n’est pas vraiment ça. Dit comme ça, c’est trop kétaine.
8 est l’histoire d’un spectacle. Un spectacle où 8 interprètes font le choix de se livrer au public sans retenue et sans personnage. Mais sans leurs masques de théâtre, ils peinent à créer à l’unisson. Leurs points de vue divergent tant et si bien que plus personne ne s’entend sur l’histoire qu’ils veulent raconter… Non, ce n’est pas tout à fait ça non plus.
8 est l’histoire d’une gang. Une troupe d’artistes où chacun cherche à lier son histoire personnelle à la plus grande Histoire qui est en train de se jouer ce soir-là. Une gang qui, pour bâtir un spectacle où la frontière entre la réalité et la fiction est trouble, va aller jusqu’à réécrire le cours des évènements de cette soirée qui les changera à jamais… Ouais, c’est à peu près ça.
Après les spectacles UN, DEUX et TROIS salués par le public et la critique, 8 clôt un nouveau cycle de création pour Mani Soleymanlou et sa compagnie Orange Noyée. Les deux premiers opus ILS ÉTAIENT QUATRE et CINQ À SEPT ont été joués à guichet fermé à la Petite Licorne et à la 2e salle de l’Espace GO ; deux spectacles créés avec la même équipe de concepteurs et d’interprètes que celle de 8.
Assistance mise en scène et régie Jean Gaudreau
Lumière Erwann Bernard
Scénographie Max-Otto Fauteux
Musique Philippe Brault
Directeur technique Simon Cloutier
Directrice de production Catherine La Frenière
Secrétaire général Xavier Inchauspé
Tarif : 38,25$
Une création de Orange Noyée en coproduction avec la Place des Arts et le Théâtre français du CNA
Les comédiens Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Kathleen Fortin, Julie Le Breton, Jean-Moïse Martin, Geneviève Schmidt, Emmanuel Schwartz et Mani Soleymanlou se tiennent face au public sur la scène de la Cinquième salle de la Place des Arts. La scène est dépouillée ; on y retrouve simplement un petit podium avec un micro. La pièce 8, écrite par Mani Soleymanlou, peut débuter.
Pendant trente minutes, on assiste aux questionnements des acteurs-créateurs. Pour cette troisième pièce du deuxième cycle de création entamé par Soleymanlou avec les pièces Ils étaient quatre et Cinq à sept, les comédiens se demandent ce qu’ils auront à dire. Quelle est l’intention de la pièce? Quels sujets seront abordés? Et sous quelle forme? Pourquoi faire du théâtre alors que le monde est secoué de drames innommables? N’est-ce pas futile? Le ton est donné.
Soleymanlou a impliqué chacun de ses acteurs au processus de création de la pièce. Pour rédiger des dialogues hyper réalistes, il a organisé des sessions de travail où il a enregistré les conversations qu’il a ensuite retranscrites, remaniées, réorganisées afin d’en arriver à un résultat où chaque « personnage » (puisqu’on nous mentionne que les comédiens jouent leur propre rôle) est plus vrai que nature.
Les comédiens font toujours face au public et s'y adressent continuellement, comme pour l'inclure dans la conversation, tout en interagissant entre eux, une fois mis en évidence par le spot lumineux : c'est ainsi qu'on assiste aux questionnements intimes de Julie LeBreton ou à la conversation entre Guillaume Cyr et Mani Soleymanlou. Des bribes de conversation entrecoupées de musique pop et de périodes de danse, comme dans un vrai party.
Et quand ce party annoncé commence enfin, sous fond de soirée électorale américaine, on s’y reconnaît. Les dialogues font rire, permettent d’exprimer les angoisses d’une génération inquiète face à l’avenir. Questionnements sur la religion, sur l’identité, sur le futur ; plusieurs s’y retrouveront. La montée dramatique, permise par les gains électoraux inattendus de Donald Trump et vus comme une catastrophe, ajoute au réalisme : il y a aura un avant et un après 8 novembre 2016. Le tout porté par des acteurs à l’aise et qui ont du plaisir sur scène, ça se sent.
On peut se permettre de demander si les interrogations abordées ne rejoindront pas qu’un seul public : on a parfois l’impression qu’on discute entre convaincus. Il aurait pu être intéressant d'assister à un plus grand choc d'opinions, ce qui aurait permis un débat d'idées. Mais comme il s’agit avant tout d’amis qui se rassemblent, il peut être normal de penser que leurs valeurs se rejoignent.