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Du 19 au 23 janvier 2016, 20h, samedi 16h
Les bienheureux
Textes Olivier Sylvestre et les interprètes
Mise en scène Michelle Parent
Assistance Olivier Sylvestre
Avec onze personnes recevant les services du Centre de réadaptation en dépendance de Montréal – Institut Universitaire (CRDM-IU), Julie De Lafrenière, Cédric Égain, Xavier Malo, Véronique Pascal et Annie Valin

Chaque semaine, un groupe d’anonymes évoque les promesses infinies du monde des «bienheureux» lors d’une réunion où la fierté à afficher n’est pas le nombre de jours de sobriété mais l’état d’euphorie dans lequel chacun s’est maintenu. Ce portrait de société, aussi déroutant que le monde qui nous entoure, nous renvoie à notre propre dépendance au bonheur, à son étalage comme un trophée et aux succédanés que nous lui trouvons.


Scénographie et accessoires Julie-Ange Breton
Conseillère en mouvement, chorégraphie et interprétation Marie-Eve Archambault
Échantillonnage vidéo et projections Samuel Thériault
Photo Josué Bertolino et Marie-Eve Archambault
Marraine Annie Ranger

Plein tarif : 27 $
30 ans et moins, membre de l’AQAD ou de la FADOQ, détenteur d’une carte Accès Montréal : 24 $
65 ans et plus : 23 $
Travailleur culturel, abonné à JEU, Liberté et TicArtToc : 22 $
Étudiant : 19 $
Groupe (15 personnes et plus) : 19 $
12 ans et moins : 17 $

Une production de Pirata Théâtre


Aux Écuries
7285, rue Chabot
Billetterie : 514 328-7437

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Critique

Aller sur une scène et prendre la parole. Être vu et être entendu, ou plutôt, être regardé et être écouté avec attention, dans un théâtre… Un privilège souvent réservé aux acteurs et aux auteurs. Mais qu’arrive-t-il lorsque l’on y place des personnes vivant en marge de la société ? Ces laissés pour compte, parce que « hors moule », ont forcément un regard différent sur le monde qui les entoure, et une prise de parole de leur part ne peut donc qu’être bénéfique, tant pour eux que pour ceux qui sont prêts à tendre l’oreille, non ? C’est le pari de Pirata Théâtre qui s’est donné une mission « d’inclusion sociale au cœur de ses créations ». Et le résultat ? À la fois renversant et bouleversant !


Crédit photo : Josué Bertolino

Pour bien saisir la portée de ce spectacle, il importe de comprendre la démarche qui y a mené. Pirata Théâtre, sous la direction de Michelle Parent, tend à provoquer une rencontre, sur scène et dans ses locaux de répétitions, entre des acteurs et des non-acteurs issus de différents milieux.  Dans le cas présent, le spectacle Les Bienheureux regroupe cinq acteurs professionnels et dix personnes aux prises avec un problème de dépendance fréquentant le Centre de réadaptation en dépendance de Montréal-Institut universitaire (CRDM-IU). À cela s’ajoute Michelle Parent (à la fois intervenante sociale et comédienne de formation) à la mise en scène, Olivier Sylvestre (auteur dramatique et intervenant au CRDM-IU) au texte ainsi que plusieurs autres personnes ayant fréquenté, ou fréquentant toujours, le CRDM-IU qui ont aidé au processus et à la création de différentes manières.

Sans tomber dans le théâtre moralisateur ou au résultat plutôt amateur, il en ressort une performance éclatée des plus originales. Nous sommes loin du théâtre documentaire auquel nous pourrions nous attendre vu le contexte de création spécifique. Aussi, la thématique devient universelle, reflétant une caractéristique propre à notre époque et notre société, soit la dépendance au bonheur, voire le marketing du bonheur. Ou comment l’image prime-t-elle le réel à une ère caractérisée par les réseaux sociaux ? La pièce met en relief LA recette du bonheur en 12 étapes faciles, glorifiant et accentuant le high des bienheureux à l’aide de sourires figés, de paillettes, de chorégraphies codifiées et de costumes stéréotypés de modèles de réussite.

La forme prend des allures de réunion des A.A. avec ses 14 chaises droites placées en demi-cercle face au public, dans laquelle les performeurs observent directement les spectateurs, échantillon de la société qu’ils critiquent avec amour et humour. Quatorze chaises pour 15 acteurs, provoquant ainsi une sorte de jeu de chaise musicale qui relie de manière ludique les diverses scènes ou étapes de la recette miracle. Quatorze écrans disposés tout autour de la scène présentent également des vidéos YouTube où des pseudo-marchands de bonheur tentent de vendre leurs méthodes autant que leur image.

Les Bienheureux a cette faculté de nous faire éclater de rire en nous présentant une image peu glorieuse de notre société, de susciter une réflexion à travers l’absurde et le grotesque. Les non-acteurs apportent une dimension profondément humaine et théâtrale au spectacle, sans surligner avec excès leur condition de marginaux, condition à laquelle on ne fait d’ailleurs jamais référence durant le spectacle, mais qui est su de manière tacite par le public. Là d’ailleurs réside le génie de l’œuvre : le problème de dépendance des non-acteurs n’est pas le prétexte du spectacle, mais il permet une résonnance tout autre du texte et des images présentés.

23-01-2016