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18 au 29 avril 2017, du mardi au vendredi 20h, samedi 16h, sauf 27 avril 19h*
Non Finito
Conception, idéation et direction artistique Anne-Marie Guilmaine et Claudine Robillard
Texte et mise en scène Anne-Marie Guilmaine à partir de la biographie de Claudine Robillard et de l'ensemble de la distribution
Avec Claudine Robillard, Jonathan Morier et 4 « témoins », non-acteurs issus de la population montréailaise

Combien de projets échafaudés s’empoussièrent-ils sur nos tablettes? Certains sont périmés ou inaccessibles. D’autres continuent de nous hanter. Non Finito s’articule autour de la biographie de la performeuse Claudine Robillard qui raconte sa vie par la négative en exposant tous les projets qu’elle n’a pas pu ou su concrétiser. Quatre non-acteurs issus de la communauté montréalaise l’accompagnent et témoignent aussi des projets inachevés qui les hantent. Ensemble, Claudine et eux se servent des moyens du théâtre pour expérimenter un réel passage à l’acte, soit en concrétisant leurs projets, soit en décidant de s’en délivrer.


Dramaturgie Mélanie Dumont
Scénographie Julie Vallée-Léger
Photo Anne-Marie Guilmaine

*La représentation du 27 avril aura exceptionnellement lieu à 19 h et sera suivie de la rencontre-débat La course à la perfomance.

Plein tarif : 27 $
30 ans et moins, membre de la Fadoq, détenteur d’une carte Accès Montréal : 24 $
65 ans et plus : 24 $
Travailleur culturel, membre de la RAIQ, la FADOQ ou l’AQAD: 22 $
Étudiant : 21 $
Groupe (15 personnes et plus) : 19 $
12 ans et moins : 17 $
Les vendredis soir de représentation, tu dis ton prix!

Production Système Kangourou


Section vidéo


Aux Écuries
7285, rue Chabot
Billetterie : 514 328-7437

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Critique

Qui n’a jamais abandonné un projet avant de l’avoir mené à son terme ? Laissé de grands rêves au stade d’idées, d’envies, d’ébauches ? Autoproclamée championne de l’inachèvement, Claudine Robillard, cofondatrice de la compagnie Système Kangourou, analyse avec quatre non-acteurs ce mal moderne dans Non Finito, une pièce touchée par la grâce à découvrir jusqu’au 29 avril Aux Ecuries.


Crédit photo : Jonathan Lorange-Millette

La performeuse aurait eu tort de ne pas exploiter son propre parcours. De fait, c’est seule en scène, et en faisant défiler sur un écran des photos personnelles, qu’elle démarre la pièce. « Ça, c’est moi, quand j’ai décidé que j’allais devenir une grande gymnaste. Cela a duré 10 mois. » « Ici, c’est mon premier grand amour, que j’ai longtemps voulu reconquérir. J’ai arrêté à la naissance de son premier enfant. » Les clichés défilent dans une atmosphère intimiste, portés par la voix enveloppante de Claudine Robillard, qui maîtrise les pauses pour susciter les rires de son public. De petits renoncements en changements de vie abandonnés, vient l’inachèvement ultime, LE projet avorté qui a motivé l’écriture de Non Finito : une pièce avec le comédien Jonathan Morier, que Claudine Robillard fait jaillir de derrière un rideau en fond de scène pour mieux nous faire revivre son échec. C’est l’une des nombreuses surprises de la mise en scène d’Anne-Marie Guilmaine, la codirectrice artistique de la compagnie Système Kangourou, qu’on ne détaillera pas ici pour ne pas en altérer la saveur.

Dans une société qui valorise l’accomplissement de soi, Claudine Robillard n’a pas le monopole des projets non terminés. Niloufar les consigne même soigneusement dans un carnet, et les classe en fonction de leur date de péremption. Son mari Abolfaz, qui se voyait en architecte célèbre, s’oriente vers la création de jeux vidéo depuis qu’il a immigré. Evangelos a dû redémarrer sa jeune vie à zéro après une commotion cérébrale, et Richard ne sera sans doute jamais une rock star. Tout ce petit monde, rencontré au fil de ses recherches, la rejoint peu à peu sur scène. Pourquoi à un moment a-t-il fallu changer de trajectoire ? Et surtout, ces projets non terminés qui nous hantent, ne méritent-ils pas une deuxième chance ?

Il y a une dimension éminemment poétique dans l’entreprise de Non Finito, visant à revaloriser les tentatives et les échecs, à mettre en lumière l’audace même quand elle n’aboutit à aucun résultat concret. Il y a tout autant de poésie dans les choix de mise en scène d’Anne-Marie Guilmaine, qui se met au service des rêves et projets de chacun : de simples rouleaux adhésifs pour bâtir la maison qui a fait la renommée d’Abolfaz, une paire de talons hauts pour que Niloufar nous la fasse visiter, en riche courtière qu’elle serait un jour devenue, ou encore un père de substitution choisi parmi les spectateurs pour apprendre à Evangelos les « gestes primaires de la masculinité », dans ce qui est l’un des sommets émotionnels du spectacle.

D’une justesse épatante et portée par la performance désarmante de naturel des interprètes, Non Finito est un petit bijou où l’on rit et où l’on pleure, qui parle de l’importance de continuer à espérer. Cela valait le coup d’abandonner autant de projets pour finalement nous livrer une aussi belle réussite.

23-04-2017