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9 février 2011, 20h
Une musique inquiétante
Texte de Jon Marans
Traduction de Maryse Warda
Mise en scène de Martin Faucher
Avec Jean Marchand et Émile Proulx-Cloutier.

Derrière ses valses et ses gâteaux, la somptueuse Vienne dissimule mal son passé intolérant et trouble. Dans cette capitale de la musique, débarque le jeune pianiste prodige Stephen Hoffman venu vivre son rêve d'étudier avec le grand professeur Schiller. Il aura plutôt droit au déclinant professeur Mashkan qui, de surcroit, enseigne le chant! C'est ici qu'entre en scène le troisième personnage crucial de cette pièce, le Dichterliebe de Schumann, un bouleversant cycle de chansons tirées des poèmes d'Heinrich Heine. Peu à peu, l’oeuvre immisce son lyrisme dans l’histoire précaire de ces deux hommes que tout oppose, l'un avec un passé et l'autre à la découverte du sien

Prix: de 20$ à 42$

Une production du Rideau Vert

Salle Albert-Rousseau
2410, chemin Ste-Foy
Billetterie : 418-659-6710 - 1-877-659-6710

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Dates antérieures, entre autres

Du 26 janvier au 27 février 2010, Rideau Vert

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 Critique
Critique
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par Olivier Dumas

Présenté pour la première en français au Québec, le théâtre de l’auteur américain Jon Marans nous révèle une écriture sensible et habile, à mille lieux du manichéisme, souvent tentant pour un sujet semblable. Dans une mise en scène du brillant Martin Faucher (Une maison propre, L’asile de la pureté), Une musique inquiétante constitue peut-être un spectacle conventionnel à prime abord, mais réalisé avec émotions par des artistes prodigieux.

L’histoire se déroule en Autriche en 1986 sur fond de rumeurs d’élection d’un président au passé trouble. Musicien doué, le pianiste Stephen Hoffman (Émile Proulx-Cloutier) se trouve incapable de jouer un seul morceau depuis un an. Pour réanimer sa flamme et son amour pour la musique, il quitte les États-Unis pour le continent européen afin d’étudier à Vienne avec l’illustre professeur Schiller. Or, le fringant musicien aura plutôt droit au déclinant professeur Mashkan (un méconnaissable Jean Marchand avec lunettes et perruque peu attrayante) qui, comble de malheur, enseigne le chant. Entre en scène un troisième personnage, le Dichterliebe de Schumann, un bouleversant cycle de lieder tirées des poèmes d’Heinrich Heine. À partir de là, la musique servira de fil conducteur entre deux hommes que tout oppose, l’un âgé avec un obscur passé et l’autre dans la vingtaine en quête de son identité.

Dès les premières minutes du spectacle d’une durée de près de deux heures, le duel d’acteurs fait des étincelles. Émile Proulx-Cloutier se révèle d’une incroyable justesse en Stephan Hoffmann qui passe d’un orgueilleux musicien borné à un artiste empreint de compassion et d’humanité. Avec quelques gestes comme desserrer une cravate, il fait passer toute une panoplie d’émotions, en plus de jouer du piano avec aisance. Mais c’est Jean Marchand qui suscite les plus grands frissons de la soirée. Impétueux et touchant, son  professeur Mashkan dissimule un douloureux secret. L’acteur se surpasse dans ses moments où il évoque la solitude et le désespoir d’un pays qui porte encore aujourd’hui les stigmates du nazisme.

Martin Faucher démontre son habileté à créer une atmosphère toute en délicatesse qui n’alourdit jamais le drame. Des jeux de lumières pour montrer le passage du temps ou l’ouverture de la fenêtre pour souligner l’étouffement de la ville, rien n’est cacophonique ou trop bruyant devant l’harmonie de cette œuvre de fine dentelle.

Les mélomanes auront le bonheur d’entendre de magnifiques pièces musicales de grands génies de la musique. Le public se sustente les oreilles avec du Robert Schumann, Tchaïkovski, Franz Liszt, Beethoven, Jean-Sébastien Bach, Strauss et Leoncavallo. Rarement le théâtre et la musique ont donné un mariage aussi enchanteur.

Pièce de théâtre qui nous apprend combien l’art nous aide à mieux vivre, Une musique inquiétante nous fait découvrir la sensibilité et la justesse d’un auteur, Jon Marans, dont nous aurons, j’espère, le plaisir de voir ses autres œuvres au Québec dans un avenir rapproché. Sous la gouverne de Martin Faucher, Jean Marchand et Émile Proulx-Cloutier nous entraîne dans un voyage mémorable, où l’amitié et la tendresse transgressent les idéologies sanglantes et les antagonismes irréconciliables.

28-01-2010

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