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24 avril 2016, 11h et 15h (rencontre avec les artistes), 1er et 8 mai 2016, 15h
Matinées scolaires : du 20 avril au 6 mai
La nuit de la patate
Dès 4 ans
Texte Joël da Silva
Mise en scène Martin Boisjoli
Avec Francis Colpron et Joël da Silva

C’est les vacances. Un écrivain cherche une histoire qui ne vient pas. Un restaurateur vend ses frites sur la plage. Entre les deux, le lac Bellevue et le mystère insondable de ses eaux. Une nuit, l’écrivain lance un bateau de papier sur les flots. Une histoire émerge alors des fonds lacustres, emportant dans sa vague le «roi de la patate» qui échoue sur une île invisible, gouvernée par un roi de papier. Les deux rois y bricolent un paradis d’un soir où les patates révèlent bien des secrets. Une histoire de vacances, tenace comme l’enfance, légère comme une chanson d’été.

Les spectateurs seront emportés dans l’imaginaire loufoque de Joël da Silva qui a conquis des milliers de personnes avec son Temps des Muffins.

La nuit de la patate réserve bien des surprises, un imaginaire foisonnant de petites trouvailles. Cette nouvelle création nous promet un hymne à l’enfance et au plaisir tout simple de jouer et de s’amuser. Hallucinant !


Scénographie : Martin Boisjoly et Joël da Silva
Lumières : Nancy Bussières
Costumes : Marianne Thériault
Conception sonore : Joël da Silva
Direction musicale : Francis Colpron
Photo : Erwan Leseul

Durée environ 50 minutes

Coproduction Théâtre Magasin (Montréal) et Les Boréades (Montréal)


Les Gros Becs
1143, rue Saint-Jean
Billetterie : 418-522-7880 poste 1

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Critique

Crédit photo : Mathieu Dupuis

C’est le retour de l’été : le roi de la patate (Joël Da Silva), en habit jaune, brun et blanc typique de sa fonction, attend, tout près de son chariot mobile avec radio et parasol, son premier client. Il fait beau et chaud, sur la plage de ce lac que le vendeur aime d’amour. Chaque soir, d'ailleurs, il y jette un caillou, en signe d’affection. Oh ! Mais voilà le fameux client ! Un peu pâle, un peu étrange, le nouveau venu intrigue le roi, qui lui offre une liqueur. L’homme (Francis Colpron) s’émerveille devant les flots et les mots, prenant des notes dans son tout petit calepin. Qui est cet homme ? Un hurluberlu ? Un écrivain en mal d’inspiration qui vient se ressourcer? Peu importe : ce sera une belle rencontre, de celles qui voient naître des aventures, des histoires rocambolesques et de la poésie toute juvénile.

Joël Da Silva a toujours les deux pieds trempés dans l’enfance : avec cette nouvelle création du Théâtre Magasin en coproduction avec l’ensemble de musique baroque Les Boréades, il en fait encore l’éloquente démonstration. La nuit de la patate est un conte qui respire la nostalgie : non pas celle qui déprime, mais celle qui ragaillardit, qui fait sourire rêveusement. Da Silva s’est largement inspiré de ses souvenirs d’enfance - le lac de ses étés, la frite et la liqueur – pour rendre un véritable hommage aux vacances, aux jeux de l’enfance et à la rêverie. Son texte est parsemé de jeux de mots simples, mais rigolos, pigeant allègrement dans le champ lexical de la patate : de la poche (c’est poche d’être dans une poche) au champ (ou au chant), et patati et patata. La rencontre des deux hommes, d’abord cordiale, se transforme en aventure : l’écrivain imagine une île au milieu du lac, l’île Était une fois, sur laquelle il invite le restaurateur. Le temps d’une nuit, ils redeviennent des gamins, jouant et mourant comme des rois, couronnes en prime (de crayons pour le premier, de cuillers et de fourchettes pour l’autre) ; trahison, poison, mayonnaise, ketchup, c’est presque shakespearien. Puis, on s’invente un film d’action, et on part à la guerre!

La pièce est présentée en format intime : les petits et grands spectateurs se réunissent en cercle autour d’une scène ronde – conception de Martin Boisjoly et de Joël Da Silva –, où flotte à sa surface un drap diaphane bleu, imitant l’eau du lac. Celui-ci se soulève doucement, mû par un souffle sortant du milieu de la petite scène. De la fumée viendra donner, à quelques reprises lors de la représentation, un élément de mystère et de fantastique au lac. Deux quais, aux planchers qui s’ouvrent pour permettre aux comédiens de récupérer quelques accessoires, sont construits de chaque côté de la scène. Avec une telle conception, le public est alors invité à faire partie du récit, avec les deux amis ; le spectateur se sent de connivence avec eux, interpellé par la joie de vivre de ces garnements devenus adultes peut-être trop rapidement.


Crédit photo : Mathieu Dupuis

Martin Boisjoly, homme de théâtre touche-à-tout et collaborateur de la première heure de Joël Da Silva, signe ici sa première mise en scène. Colorée, vivante, elle sied parfaitement au texte ludique de Da Silva. Les éclairages de Nancy Bussières rappellent, par leurs teintes bleutées, jaunes ou orangées, le soleil et les nuits d’été. Le jeu des comédiens s’inspire du clown et des enfants, où l’exagération est de mise, donnant un côté très sympathique aux personnages.

Qu’elle soit interprétée en direct ou non, la musique occupe une place de choix au cœur de La nuit de la patate. Composée par Joël Da Silva (Colpron en signe la direction), elle agit comme bande-son, imitant les grenouilles et les insectes, tout en supportant l’histoire et les émotions ; on pousse la chansonnette à l’accordéon, presque à la Française, ou, encore, on jazze en prenant comme instrument de percussion le chariot à patate frite. Francis Colpron, virtuose de la flûte, en jouera à quelques reprises, exécutant au passage un superbe solo.

«Au fond du lac, il y a…» se demande l’écrivain à la recherche d’une histoire. Insolite, délurée, pleine de vie, La nuit de la patate donne envie de sentir ses pieds s’enfoncer dans le sable chaud et de glisser une paille dans notre bouteille de liqueur, bouteille qui renfermera ensuite, peut-être, un petit message invitant un inconnu au «plus beau des voyages», comme le chantait si bien Mike Brant.

25-04-2016