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Du 18 mars au 12 avril 2008

Richard Trois

D’après la tragédie Richard III de Shakespeare
Mise en scène : Marie-Josée Bastien
Interprètes : Lorraine Côté et Jacques Leblanc

Jusqu’où un homme peut-il aller pour atteindre son but? Nous sommes en Angleterre. Une guerre sanglante oppose depuis plusieurs années les York et les Lancastre qui se réclament chacun de la couronne britannique. Richard de Gloucester, le plus jeune des frères de la famille d’York, est un être difforme et laid. Ambitieux et retors, il éliminera famille et ennemis pour monter sur le trône et étendre son hégémonie. Inspirée de la tragédie en cinq actes de Shakespeare, la mouture que nous vous présentons sous le nom de Richard trois est un véritable tour de force, un exercice de voltige théâtrale où plus de quarante personnages sont interprétés par Lorraine Côté et Jacques Leblanc.

Concepteurs : Christian Fontaine, Catherine Higgins, Sonoyo Nishikawa, Stéphane Caron et Philippe Lessard-Drolet.

La Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie :418-694-9721

 

 

par Yohan Marcotte

Richard Trois revisite librement la pièce Richard III de Shakespeare en l’ancrant dans un univers qui n’est pas éloigné du nôtre. La scène est jonchée d’objets de télécommunications, comme des caméras et des moniteurs, diffusant tour à tour des images captées en direct et d’autres qui sont préenregistrées. Par l’entremise des caméras, le public découvre également les détails de ce qui est étalé sur une table : des circuits électroniques qui, filmés en plans rapprochés, ressemblent vertigineusement à des reliefs urbains.

L’action se déroule principalement dans la chambre de Richard qui, grâce aux moyens technologiques décrits plus haut, s’ouvre sur le monde. Richard complote contre les siens pour s’approprier le trône d’Angleterre que détient son frère. Il use de ruses hypocrites pour mettre à mort tous ceux qui pourraient compromettre ses machinations et lui mettre des bâtons dans les roues. Pour cela, tous les moyens lui semblent appropriés. Le faux-semblant et la trahison en seront du nombre. En cela, l’adaptation que fait Marie-Josée Bastien de la sanglante pièce de Shakespeare met en relief le caractère « théâtral » du personnage de Richard qui se complait dans la composition d’émotions qu’il utilise pour berner les siens et se mettre à l’abri des soupçons qu’on pourrait entretenir à son égard… car – ce n’est pas un secret – il parviendra au pouvoir. La question est de savoir à quel prix parvient-il à cette position et surtout pour combien de temps !

La mise en scène de Marie-Josée Bastien dépeint une société décadente et malade où rien n’est désormais sacré, même plus les liens familiaux. Les personnages sont tous attifés d’appareils orthopédiques pour les soutenir et leur permettre de vivre malgré leurs corps déficients ou malades. Richard est l’emblème de ce cortège qui va vers la mort, lui-même bossu et boiteux. L’intérêt de ce caractère de lente agonie, sur lequel la mise en scène insiste, est que Richard, malgré un handicap important, peut accéder au trône grâce au soutien des technologies et, qu’en même temps, il soit si seul et isolé.

La finale, sans en dévoiler les détails, laisse croire que l’œuvre de Richard est peut-être la chimère entretenue par un schizophrène. Démuni dans sa chambre, le personnage interprété avec finesse par Jacques Leblanc ne communique véritablement qu’avec lui-même, sinon par une ribambelle de personnages incarnés par une Lorraine Côté qui relève avec fougue le défi de donner à chacun un caractère propre. Ce choix de mise en scène donne à la pièce un effet dérangeant et dérangé qui passe bien auprès du public. On a aussi choisi d’illustrer certain personnage par certains objets qui sont manipulés par le duo Leblanc-Côté, comme des lampes sur pied pour ce qui est de donner figures aux princes dont Richard veut se débarrasser et une paire de gants que ce dernier enfile lorsqu’il a recours à ses « hommes de main ». Encore une fois, cet exemple laisse croire au penchant schizophrénique de Richard qui fait parler ses gants et qui, en définitive, agit sous leur couvert. D’un autre point de vue, cette image des « hommes de main gantés » est une belle allusion aux personnes puissantes qui opèrent via la hiérarchisation sociale afin de conserver leurs paumes immaculées.

Richard Trois est une pièce qui est riche par le sens de ses images et du texte de Shakespeare qui n’est en rien handicapé malgré la présente adaptation. Le propos est sombre, vous en conviendrez, mais des touches d’humour, bienvenues pour la plupart, viennent ponctuer la trame tortueuse de cette histoire.

26-03-2008