Du 16 septembre au 11 octobre 2008
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La gloire des filles de Magloire

Texte d'André Ricard
Mise en scène : Martin Genest assisté de Jean Bélanger
Avec Marie-Hélène Gendreau, Éva Daigle, Marjorie Vaillancourt, Jean-René Moisan, Jean-Michel Déry

Un bordel, quelque part dans un rang éloigné d’un village du Québec, en 1948. Les filles de Magloire Prémont, obligées de se prostituer pour gagner leur vie, sont devenues les parias de leur communauté. Elles décident de se venger de tout le tort que le village leur a fait et détournent la parade de la Saint-Jean Baptiste pour que tous ses participants, curé, sœurs, maire, notaire, passent devant leur maison.

Avec ses répliques cinglantes, André Ricard nous livre un portrait drôle et bouleversant du Québec d’après-guerre sous la férule de Duplessis. Un prélude, une porte ouverte sur l’épanouissement des mentalités, sur l’évolution d’un Québec en devenir.

Concepteurs : Élise Dubé, Caroline Ross, Sylvia Beaudry.

Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

par Yohan Marcotte

« Je vais vous raconter ce soir cette histoire tel un documentaire inspiré du cinema direct […] » Martin Genest

Semblables à des personnages sortis d’une photo d’archives, les filles à Magloire sont pourtant loin d’être sages comme des images. En effet, la scène de la Bordée se fait avare de couleur pour offrir à l’œil des spectateurs des décors où, telle une photographie sépia, seuls le beige et le brun sont visibles. La scénographie signée par Élise Dubé pour La Gloire des filles à Magloire représente l’orée d’une forêt derrière la maison de la marginale famille Prémont en retrait d’un village situé le long du chemin du Roi, dans le Québec de l’après-guerre, soit en 1948.

Inspirée de faits divers de l’époque, la pièce d’André Ricard présente l’histoire des quatre filles de Magloire Prémont qui vivent en marge de la société bien pensante dominée par le conservatisme, le catholicisme et leurs jugements manichéens. Les filles, sans père pourvoyeur, se suffiront à elles-mêmes par le biais de la prostitution, transformant leur maison en un lieu de vices, maudite par ceux qui croient n’avoir rien à se reprocher.

Nous découvrons que ces demoiselles, interprétées par un trio de comédiennes talentueuses (Éva Daigle, Marie-Hélène Gendreau et Marjorie Vaillancourt), ont la couenne bien endurcie et la parole affirmée. Ayant vécues les infâmes heures où l’alcool désinhibe, elles se sont forgé un caractère auprès des bûcherons, leurs clients, entre deux séjours au chantier et des Anglais venus courir la galipette de « l’autre bord » de la rivière où leurs familles ne vont jamais.

C’est ce Québec que La Gloire des filles à Magloire dépeint. À peine soixante années nous séparent de l’époque de cette histoire. Il est pourtant étonnant de constater qu’un fossé gigantesque, creusé lors des années de la Révolution tranquille, nous place à distance de cette réalité où l’isolement et l’ignorance dominaient. Martin Genest qui met en scène cette pièce, dans un contexte historique qu’il n’a pas connu lui-même en raison de son âge, déclare : « c’est avec mes yeux d’aujourd’hui que j’ai découvert cette histoire et son époque, en réalisant comment l’évolution avait transformé notre quotidien ». Le visuel de la pièce et les situations offrent au public un aspect pittoresque aujourd’hui révolu. Et pourtant, plusieurs libertés dans la reconstitution de cet univers nous font reconnaître la touche du metteur en scène qui a souvent le parti pris du fantastique. Cet aspect s’exacerbe dans la langue recréée par l’auteur, parsemée d’erreurs de structure, mais combien débordante d’imagination. Dans la bouche de la plus jeune des sœurs, la Zarzaise, qui parle aux insectes en plus de les comprendre, cela s’exprime par ce qu’elle ressent être le point de vue de ces êtres négligeables, qu’on foule du pied sans avoir conscience qu’ils sont aussi détenteurs de cette réalité complexe qu’est la vie.

Par delà toutes ces différences entre passé et présent, cette pièce rejoint les gens qui vivent à l’heure actuelle. Car l’intolérance, n’est pas une réalité révolue. La prostitution, comme tous les autres comportements marginaux, n’a pas fini de déranger. Encore et toujours, elles sont rares les personnes qui font l’exercice de la compassion et s’intéressent aux raisons qui amènent des êtres, qui leur sont semblables, à se tourner vers ces choix.

Une pièce qui remue de vieux problèmes qui n’ont pas d’âge.

22-09-2008

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