Du 2 au 27 mars 2010, supplémentaires 11 et 18 mars 2010
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La robeLa Robe de Gulnara

Texte de Isabelle Hubert
Mise en scène : Jean-Sébastien Ouellette
Interprètes : Véronique Côté, Jean-René Moisan, Anne-Marie Olivier, Marilyn Perreault, Annie Ranger, Sébastien René, Sasha Amar

Mika est une jeune réfugiée azérie de 13 ans. Suite au conflit opposant l’Arménie et l’Azerbaïdjan, Mika, les siens et 10 000 autres compatriotes ont dû abandonner leur maison et n’ont trouvé, pour tout refuge, qu’une enfilade de wagons désaffectés. Sur ce lopin de terre oublié du reste du monde, la vie continue, avec ses joies et ses turpitudes. Puisqu’Arif veut l’épouser, Gulnara – la sœur ainée de Mika – a dépensé toutes ses économies pour s’acheter une robe qui donnera à tous l’illusion que le bonheur peut encore fleurir au milieu des roches. Mais – malheur! – Mika enfile la robe de mariée, trébuche et tache la robe avec du goudron. Commence alors, pour Mika, une quête qui l’amènera à côtoyer le meilleur et le pire de ce dont les humains sont capables.

Une fable pour tous les âges, pleine de rebondissements, sur l’entraide, l’humanité et la débrouillardise où Jean-Sébastien Ouellette met finement en lumière les jaillissements inespérés de la beauté.

La robe de Gulnara a gagné le concours La scène aux ados en Belgique et le prix Coup de cœur des Lycéens au 21e Printemps théâtral de Guérande, en plus d’avoir été finaliste pour le Prix Sony Labou Tansi des lycéens 2009, l’un des deux prix littéraires décernés durant le Festival des francophonies.

En novembre dernier, au Théâtre Aux Écuries à Montréal, une première lecture publique de la pièce donnait lieu à une conférence sur le conflit du Haut-Karabagh avec la participation d’un conseiller juridique du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU, de l’ex-doyen de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, et de l’auteure.

La robe

Décor : Janie Lavoie
Accessoires : Geneviève Tremblay
Costumes : Jennifer Tremblay
Éclairages : Martin Gagné
Musique : Andrée Bilodeau et Patrick Ouellet
Mouvements : Harold Rhéaume

Une coproduction du Théâtre de la Bordée, de la Compagnie dramatique du Québec et du Théâtre I.N.K.

Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

par Yohan Marcotte

Gulnara va épouser Arif et, pour l'occasion, la jeune femme déballe les économies qu'elle a amassées depuis plusieurs années pour s'acheter une superbe robe de mariage. Il s'agit du seul luxe qu'elle peut s'offrir en raison de sa condition modeste. En effet, elle vit avec ses parents et sa jeune sœur Mika dans un wagon de train désaffecté avec un voisinage de réfugiés, comme la famille de Gulnara, qui a fui un conflit opposant l'Arménie et l’Azerbaïdjan.

Voilà la trame de fond de cette histoire qui n'aura rien d'un conte de fée, malgré la robe de princesse que Gulnara réussit à s'offrir. De plus, son futur époux la sermonne, car il aurait préféré conserver cet argent pour les imprévus. Cependant, l'imprévu viendra de la robe elle-même, ou plus précisément de la petite Mika qui, voulant goûter elle aussi à ce bonheur du mariage, de la vie nouvelle et de la perspective d'habiter en ville, essaie la robe et se laisse emporter par ses jeux et ses rêveries. Elle s'y laisse aller à un tel point qu'elle perd l'équilibre, chute et tache la robe de goudron. Nous la suivrons, comme des wagons, en quête d'une personne de son voisinage pour l'aider à nettoyer le vêtement. Mika suivra le modèle d'abnégation que représente sa sœur et trouvera une solution, mais au bout de quel sacrifice parviendra-t-elle à ce résultat ?

Cette pièce d'Isabelle Hubert se situe aux antipodes de son domaine d'inspiration habituel, soit le quotidien. Ici, à des milliers de kilomètres de nos paysages, elle peint des personnages très colorés et contrastés, interprétés par Anne-Marie Olivier et Véronique Côté, toutes deux très énergiques et justes dans la composition de leurs différents personnages de soutien. Sébastien René, qui en avait bouleversé plus d'un dans Terre océane en 2008, est des plus convaincants dans la peau de Mubaris, un enfant attachant et espiègle qui mettra son ardeur et sa vivacité au service de Mika avec autant de brio que de bêtise. On trouvera, porté à la scène, l'univers de ces démunis qui, avec l'allégresse d'une folie en clair-obscur, traversent les aléas de la vie. De cette manière, il y a dans cette production des thématiques, mais aussi une âme, qui rappelle étrangement les thèmes chers au réalisateur Émir Kustorica (Le temps des gitans, 1988).

Cette âme se trouve aussi dans la présence de la musique, conçue par Andrée Bilodeau et Patrick Ouellet, qui vient donner un souffle particulier à cette fable où le merveilleux se cherche... en vain. Les musiques du duo nous font voyager sans jamais nous égarer par des mélodies simples et quelque peu répétitives, pour ainsi créer une dimension musicale renvoyant parfaitement à l'obsession des personnages qui se démènent pour rendre la robe immaculée.

Jean-Sébastien Ouellette signe une mise en scène habile au niveau des ruptures de rythme et des changements de scène qu'on ne peut prévoir. Pour cela, il se sert avec astuce du fait que les comédiens principaux interprètent d'autres personnages secondaires et, qu'en laissant tomber un élément de costume, ils se métamorphosent sans s'embarrasser de toute la mécanique des entrées et sorties. Ceci donne, en quelque sorte, un effet de montage cinématographique très serré. Cependant, on est loin du septième art. Les décors laissent place au pouvoir évocateur des acteurs et des accessoires, telles les valises. Les personnages utilisent les possibilités de celles-ci dans leur jeu corporel pour faire surgir des images par la suggestion, donnant au travail de mise en scène une touche de poésie et peut-être, oui, un semblant de merveilleux.

La robe de Gulnara est un spectacle à la fois déchirant et sublime. Il ne nous laisse pas en bouche l'écœurement d'un succédané d'une vie rose bonbon, mais plutôt un vertige à même de nous montrer sur quelle terre nous posons chaque jour les pieds.

09-03-10

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