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Du 1er au 26 mars 2016, 19h30, mardi 22 mars 13h
Feydeau
Texte : Georges Feydeau
Mise en scène : Jacques Leblanc
Avec Bertrand Alain, Sophie Dion, Chantal Dupuis, Olivier Normand, Patrick Ouellet, Monika Pilon

Spectacle éclaté et interactif autour de courtes comédies de l’auteur Georges Feydeau. Soirée cabaret où chansons et numéros comiques du temps alternent avec les textes de l’auteur. Le public aura son mot à dire, puisque c’est lui qui décidera du déroulement de la soirée! Le maître du vaudeville fait son apparition pour la première fois à La Bordée… Il était caché dans le placard… Ciel, mon mari!

Au menu : Par la fenêtre, Amour et piano, Dormez, je le veux!, Un bain de ménage, C'est une femme du monde et Hortense a dit: «je m'en fous!»


Assistance à la mise en scène : Jocelyn Paré
Décor : Ariane Sauvé
Costumes : Sébastien Dionne
Lumières : Félix Bernier Guimond
Musique : Fabrice Tremblay

Tarif : régulier : 35 $ ; 60 ans et plus : 30 $ ; 30 ans et moins : 25 $
Le premier samedi de chaque production, la paire de billets est au coût de 35 $ pour les 30 ans et moins

Production La Bordée


Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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Critique

Ciel! Mon Feydeau!

Ah, Feydeau… Monsieur chasse, Un fil à la patte, Le dindon, La dame de chez Maxim, La puce à l’oreille… Ce maître incontesté – et incontestable! – de la comédie de mœurs et de situation sait toujours faire rire, à condition de bien maîtriser son œuvre. Sa mécanique, très précise, peut être impitoyable si elle est mal jouée ou mal dirigée. Heureusement, entre les mains expertes d’un metteur en scène tel que Jacques Leblanc, les pièces présentées au public dans le collage « interactif » Feydeau s’avèrent tout aussi rafraîchissantes que réussies. Bienvenue dans la comédie de ruelle… euh, de boulevard !


C'est une femme du monde - crédit photo : Nicola-Frank Vachon

Des six pièces que la production propose, quatre seront retenues par autant de spectateurs choisis au hasard dans la salle. Coïncidence étrange, lors de la première, la toute première et la toute dernière pièce écrites par l’auteur seront écartées du programme, soit Par la fenêtre et Hortense à dit : « Je m’en fous! ». Restent ainsi, dans l’ordre, quatre textes où se mêlent quiproquos, mal et sous-entendus et autres supercheries :  Amour et piano (un jeune provincial, nouveau à Paris, veut se « dégourdir »; alors qu’il entre chez une comédienne qu’on dit de mœurs légères, il se trompe et fait la connaissance d’une jeune femme qui attend son nouveau professeur de piano) ; C’est une femme du monde (un homme loue une petite salle pour recevoir sa nouvelle maîtresse, une femme du monde ; survient un vieil ami, qui lui aussi trompe sa femme. Ce ménage à quatre se rencontrera et fera face à de belles surprises) ; Un bain de ménage (alors que la maîtresse de maison s’installe pour prendre son bain, un malaise la prend ; la servante, qui ne veut pas perdre cette eau chaude, décide d’en profiter, mais voilà que retentit le mari, que sa maîtresse a laissé en plan, qui lui aussi voudrait bien, dans cette antichambre sombre, profiter du bain. Situation délicate!) et Dormez, je le veux! (un serviteur se sert de l’hypnose pour faire faire à son patron toutes les besognes de la maison ; arrive le futur beau-père de l’homme, un expert en la matière, qui découvrira la supercherie, après bien des malaises).

Réinventer Feydeau serait difficile : les situations sont si ancrées dans leur époque que de les en sortir aurait possiblement des effets néfastes. La mise en scène de Jacques Leblanc, qui colle parfaitement au concept du vaudeville, s’avère donc conventionnelle, voire convenue, mais d’une efficacité exemplaire. Rigide, précise, elle s’éclate pourtant dans les petits détails : des déplacements, des inflexions de voix, des regards. La troupe, composée de Bertrand Alain, Sophie Dion, Chantal Dupuis, Patrick Ouellet, Olivier Normand et Monika Pilon, s’en donne d’ailleurs à cœur joie, incarnant une vingtaine de personnages durant la soirée, allant de la plus naïve au plus fourbe, avec ce brin d’innocence et de malice qui font d’eux de jolis spécimens. Pour rendre la soirée encore plus festive, des chansons sont ajoutées au programme, dont Amusez-vous de Sacha Guitry, Les nuits d’une demoiselle de Colette Renard et Les amis de Monsieur de Barbara. Et lors des transitions, quelques citations cultes de films d'époque viennent titiller notre ouïe, dont le fameux « Atmosphère ! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ? » dit par Arletty dans Hôtel du Nord, les démangeaisons de Yves Deniaud racontées au docteur Louis Jouvet dans Knock, ou encore le verre à quatre tiers dans Marius de Pagnol.


Crédit photo : Nicola-Frank Vachon

Pour quatre pièces, aussi courtes soient-elles, il faut quatre décors. Le problème a été résolu d’une manière ingénieuse par Ariane Sauvé : si les murs restent en place, on leur ajoute des portes ou des armoires, à la manière d’un immense puzzle. Le fond de la scène, que l’on peut entrevoir, est rempli des accessoires indispensables au spectacle : bain sur patte, tables, chaises, fauteuils, fenêtre, miroir, âtre… Tout est identifié et prêt à être installé en moins de deux. Mention spéciale à la conception de costumes de Sébastien Dionne, qui est tout aussi chic chez certains que colorée et éclatée chez d'autres.

Aller voir Feydeau, c’est s’amuser, rire un bon coup et ne pas se prendre la tête durant deux petites heures de sa journée. Pour ceci, La Bordée réussit son pari, grâce à un spectacle hautement divertissant et brillamment joué. Si une réprimande devait être faite à ce Feydeau, c’est à l’aspect interactif de la chose qu’il faudrait s’attarder. Mis à part le choix fait rapidement par les quatre spectateurs désignés, à aucun autre moment de la soirée le public n’est mis à contribution ; l’interactivité s’avère assez limitée. Peut-être aurait-il été plaisant de jouer davantage avec le concept, ou de proposer un vote en deux parties (avant et après l’entracte) pour consolider le lien qui se crée en début de représentation entre le public et la troupe.

03-03-2016