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Du 1er au 26 novembre 2016, 19h30, 22 novembre 13h
Les marches du pouvoir (Farragut North)
Texte Beau Willimon
Traduction David Laurin
Mise en scène Marie-Hélène Gendreau
Avec Charles-Étienne Beaulne, Maxime Beauregard-Martin, Sophie Dion, Hugues Frenette, Israël Gamache, Jean-Sébastien Ouellette et Nathalie Séguin

Jeune loup ambitieux, et charismatique, David Bellamy est relationniste et conseiller de campagne pour le gouverneur Morris, candidat à l’investiture démocrate en vue des élections présidentielles américaines. À quelques jours d’un vote crucial en Iowa, Bellamy accepte de rencontrer l’organisateur de campagne du candidat rival. Dans l’univers impitoyable de la politique américaine, cette erreur risque de mener le jeune loup à sa perte.

Peinture formidable des coulisses du pouvoir américain par le célèbre auteur de la série House of Cards.


Assistance à la mise en scène  : Samuel Corbeil
Décor : Véronique Bertrand
Costumes : Julie Morel
Lumières : Keven Dubois
Musique : Josué Beaucage

Tarif : régulier : 38 $ ; 60 ans et plus : 33 $ ; 30 ans et moins : 28 $
Le premier samedi de chaque production, la paire de billets est au coût de 28 $ pour les 30 ans et moins

Soiréee bordéliques
Dans le but d’appuyer les compagnies de théâtre émergentes de Québec, La Bordée organisera, pour une deuxième saison, des soirées de financement qui leur seront dédiées : les Soirées Bordéliques. Tous les profits de ces soirées seront remis aux compagnies théâtrales et contribueront au financement de l’un de leurs spectacles qui aura lieu au cours de l’année.
 Samedi 24 septembre 2016 – Théâtre Kata (Olivier Arteau-Gauthier)
 Samedi 5 novembre 2016 – Le chien sourd (Gabriel Fournier)
 Vendredi 13 janvier 2017 – La brute qui pleure (David Bouchard)
 Samedi 25 février 2017 – Les Gorgones (Marie-Ève Chabot Lortie)
 Samedi 15 avril 2017 – La Camerata de Bardy (Nicolas Jobin), en association avec la compagnie La Mauderne

Production La Bordée


Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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Critique





Crédit photos : Pierre-Marc Laliberté

Pour inaugurer le 40e anniversaire de la Bordée (et indirectement sa dernière année à la direction artistique du lieu), Jacques Leblanc désirait marquer le coup. Le théâtre a d’abord présenté Gloucester, grande aventure (et savoureux pastiche) shakespearienne. Voulant créer une certaine continuité narrative à la Shakespeare et devinant possiblement que le mois de novembre 2016 marquerait l’histoire de la politique américaine, Monsieur Leblanc a accepté le projet déposé par Charles-Étienne Beaulne, soit la création de la version française de Farragut North, le premier texte de l’auteur maintenant mondialement connu pour sa série House of Cards, Beau Willimon (d’ailleurs présent dans la salle lors de la première médiatique).

Année 2008. À peine âgé de 25 ans, David Bellamy (Charles-Étienne Beaulne) est pourtant une tête d’affiche dans l’entourage du gouverneur Morris, qui se présente à la tête des démocrates. Avec assurance, le jeune stratège vedette fait son chemin vers la seule destination possible, la Maison-Blanche. Quelques états encore à gagner contre le rival Pullman, dont l’Iowa, et l’investiture est dans la poche. Pourtant, il acceptera de rencontrer secrètement le directeur de campagne de l’équipe adverse, Tom Duffy (Hugues Frenette) ; une décision qui aura des conséquences désastreuses.

Saisissant thriller politique, Les marches du pouvoir (adapté aussi au cinéma sous le titre Ides of March avec George Clooney et Ryan Gosling) aborde l’attrait tout aussi séduisant que tordu du pouvoir, les choix éthiques d’un individu dans l’engrenage de la politique et l’influence extraordinaire que l’entourage d’un candidat peut avoir, non seulement sur celui-ci, mais sur tout ce qui gravite autour. L’écriture de Willimon, malgré qu’il s’agisse ici d’un premier texte théâtral, est brillante et d’une déconcertante rapidité : il faut rester bien concentré pour apprécier à sa juste valeur le jeu d'échecs, la joute excessivement serrée qui se dispute entre les différents protagonistes. Cette célérité peut, par contre, jouer quelques tours ; certaines discussions téléphoniques sonnent totalement faux tant la discussion est précipitée.  

Marie-Hélène Gendreau (Trainspotting) fait un remarquable travail de mise en scène. Sa direction d’acteur s’avère d’une grande efficacité. Lors de la conférence de presse en amont de la première médiatique, elle révélait d’ailleurs vouloir faire ressortir l’humain derrière ce cirque politique et médiatique. Un pari somme toute réussi. Visuellement, la scénographie de Véronique Bertrand utilise la totalité de l’espace de la scène tout en proposant une aire de jeu dégagée. Un second niveau est même construit, un corridor étroit en hauteur, mais malheureusement sous-utilisé. De petits écrans, comme des confettis de pixels, sont disséminés ici et là, en plus d’un écran géant qui s’abaisse au-dessus du lit lorsqu’on se retrouve à l’hôtel – un autre élément qui semble davantage meubler l’espace que de s’avérer réellement utile. Le plancher, qu’on a voulu faire ressembler à du verre, miroitant l’idée symbolique de la position précaire des protagonistes, ressemble plutôt, malheureusement, à des dalles de béton, du moins du fond de la salle.

La traduction de David Laurin (Extrémités, L’absence de guerre) use d’un langage très québécois (tournures de phrases, sacres, etc.) pour que les personnages résonnent chez les spectateurs. Elle fonctionne plutôt bien, tant que l’on accepte cette convention. La trame sonore concoctée par Josué Beaucage confère au fil de la pièce une saveur mi-2000 très appropriée, mais sans l’ancrer définitivement à une année précise. Par contre, lors de deux scènes particulièrement intenses, une pulsion vient rythmer la tension du moment, poussant le spectateur au bout de son siège.  

Charles-Étienne Beaulne incarne un David Bellamy inspiré, mais qui pourrait exploiter davantage le côté prétentieux de son personnage. Il ne manque que peu de choses au jeu de Jean-Sébastien Ouellette et Hugues Frenette pour incarner à leur juste mesure les deux directeurs de campagne – on échangerait bien quelques éléments plus comiques contre une certaine méchanceté, une certaine froideur ou un côté plus calculateur, plus « mean » ; des traits de caractère dont ont « besoin » ces hommes de carrière pour durer dans ce milieu infesté de requins. Maxime Beauregard-Martin (Benjamin, jeune loup qui pourrait mordre davantage) et Israël Gamache (qui joue le rôle de Frank et d’un serveur) complètent le boys club. Car il faut l’admettre, les personnages d’envergure sont surtout masculins. Gravitent autour d’eux la journaliste d’expérience du Times, Hélène Horowicz (Sophie Dion, à la hauteur), et la jeune stagiaire de 19 ans Emilie Pearson (magnifique Nathalie Séguin). Heureusement, celle-ci joue un plus grand rôle qu’il n’y paraît, en incarnant implicitement l’attrait singulier du pouvoir.

À quelques jours des élections présidentielles américaines (au moment d’écrire ces lignes), la présente production de La Bordée ne peut être plus brûlante d’actualité. D’une grande efficacité – malgré que certains adeptes de séries politiques à la House of Cards devineront sans effort certains punchs –, cette production des Marches du pouvoir ravira un public autant averti que néophyte.

03-11-2016