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Bienveillance
Du 12 septembre au 7 octobre 2017

Gilles Jean est avocat. Il doit défendre une compagnie d’ambulances. Elle aurait mis trop de temps à répondre à une urgence, et un petit garçon est dans le coma. Le plaignant est Bruno Green : le meilleur ami d’enfance de Gilles Jean. Entre une cause qui servira ses ambitions et une ancienne amitié, que choisira-t-il?

Fanny Britt, l’auteure des Maisons, des Tranchées et de Jane, le renard et moi, nous propose une réflexion tout en sensibilité, comme à son habitude, sur nos contradictions et les lâchetés ordinaires.


Texte Fanny Britt
Mise en scène Marie-Hélène Gendreau
Interprétation Emmanuel Bédard, Lorraine Côté, Nadia Girard Eddahia, Eliot Laprise et Éric Leblanc


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance à la mise en scène : Émile Beauchemin
Décor : Marie-Renée Bourget Harvey
Costumes : Sébastien Dionne
Éclairage : Sonoyo Nishikawa
Musique : Josué Beaucage

Mardi au samedi 19h30, sauf deux dernier samedis 16h

19 septembre - mardi-rencontre

TARIFS
Régulier : 38 $
60 ans et plus* : 33 $
30 ans et moins* : 28 $

* Une pièce d’identité sera demandée lors de l’achat et/ou lors de l’entrée en salle.
Les tarifs incluent les frais de service et les taxes.
Possibilité de changer de date jusqu’à 24h d’avis à la billetterie. Des frais de 3 $ par billet s’appliquent.
Aucun remboursement sur les billets.

Production La Bordée


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Critique disponible
            
Critique

Avec des pièces acclamées comme Couche avec moi (c’est l’hiver), plusieurs traductions, des romans (Les maisons) et des bandes dessinées primés (Jane, le renard et moi et Louis parmi les spectres), le nom de Fanny Britt n’est plus à faire. Auteure à succès, elle se démarque par une plume touchante, drôle, sincère et tendre. Sa pièce Bienveillance fut créée en octobre 2012 à l’Espace GO sous la gouverne de Claude Poissant. Depuis, elle s’est promenée ; des lectures ont été présentées aux États-Unis et en Allemagne. Son texte renait ces jours-ci à la Bordée sous la direction de Marie-Hélène Gendreau (Tom à la ferme, Sur la montagne, nue, Trainspotting).






Crédit photos : Nicola-Frank Vachon

Bienveillance : selon le Petit Robert, ce mot désigne un « sentiment par lequel on veut du bien à quelqu’un ». En plus d’être le thème très général de la pièce, ce mot s’avère aussi être le nom du petit village natal de Gilles Jean, avocat à Montréal pour le réputé cabinet Raymond Raymond Black. Il y remet les pieds 17 ans après son départ, pour renouer avec son meilleur ami d’enfance, Bruno, et sa copine Isabelle, lors de tristes circonstances. L’enfant d’Isabelle est dans le coma, après être tombé de sa cabane ; l’ambulance aura mis trop de temps à arriver. Les parents poursuivent les services d’urgences, mais sont sans le sou. Et le cabinet qui représente la partie adverse est nul autre que celui pour lequel Gilles travaille.

Gilles est un homme qui ne connaît pas la joie ou l’amour, qu’il fuit. Son amant, qu’il tient secret, est retourné en Angleterre il y a six ans, et il n’a pu se résoudre à le suivre. Ses frères sont morts très jeunes, son père s’est suicidé, sa mère, syndicaliste, porte ces fantômes avec elle, peu importe où elle va. Gilles hallucine parfois son père, dans les moments où il devient le plus ignoble, et prend conseil. Il est désarmé devant les sentiments d’autrui, spécialement l’amour, pour lequel il a trois phrases : j’ai quelque chose sur le feu ; j’ai une autre ligne je te rappelle ; je devrais y aller.  

Bienveillance : il vient annoncer à Bruno et Isabelle qu’il a demandé à son patron d’être retiré du dossier, mais plus de 30 jours après le début des procédures. Est-ce que ce sera suffisant pour renouer avec son ami depuis toujours ? Son seul ami ? Avec cette rencontre des plus troublantes, Gilles questionnera son intégrité, sa propre humanité et sa bonté , qu’il n’arrive jamais à atteindre. « Entre la bonté et moi, il y a une autoroute de campagne devant un verger. Vouloir être bon, c’est vouloir atteindre un pommier pour cueillir une pomme alors que je suis de l’autre côté de l’autoroute. »

Fanny Britt propose, grâce aux subterfuges du théâtre, d’assister à cette rencontre tout en ayant accès aux pensées de Gilles, grâce à des apartés riches en détails sur sa famille, son enfance, sa mère, ses sentiments, ses déchirements. Les éclairages changeants de Sonoyo Nishikawa viennent aider à identifier ces moments intérieurs. Les personnages, bien que tourmentés, tendent vers une bonté qui semble impossible à atteindre. Les bonnes intentions ne suffisent pas, et ils le savent tous. Jusqu’à ce que Gilles écoute enfin son paternel lui souffler la voie ; grâce aux mots d’un poème de Blaise Cendrars (« quand tu aimes il faut partir ») et un revirement de situation exceptionnel, il aidera réellement le couple tout en se délivrant enfin de son mal-être ; une décision qui sera par contre lourde de conséquences.  

Marie-Hélène Gendreau place l’action en milieu rural, sans définir exactement le lieu : une cour, une plage, un champ. Un amas de roche trône en fond de scène, sur lequel vient s’asseoir le spectre paternel — désignant peut-être, de manière métaphorique, tout le poids de cette tragédie, de ce que chacun traîne avec lui. Avec, entre autres, sa table improvisée, faite d'une porte et de chevalets, la scénographie de Marie-Renée Bourget Harvey fonctionne, mais elle aurait pu davantage démontrer ou représenter l'état dans lequel se trouve le couple.

Le drame et l’humour s’entremêlent plutôt bien, mais la direction de Marie-Hélène Gendreau, précise et remplie de tendresse, semble davantage prendre parti pour le côté tragique de l’histoire. Josué Beaucage, qui signe la musique originale, mélange chant choral et sirènes pour créer une mélodie chargée d’émotion, mais qui parait parfois artificielle.

La distribution s’avère pour ainsi dire à la hauteur de cette partition. Emmanuel Bédard — servi par sa voix unique — incarne avec brio cet avocat à la croisée des chemins. Lorraine Côté, dans le rôle de la mère, est tout aussi sympathique qu’elle prend de la place. Eliot Laprise, en homme bon, aimant et doux, surprend lorsqu’il fait enfin sortir sa rage, sa colère, lors d’une scène qui se révèle poignante. Nadia Girard Eddahia joue avec justesse une Isabelle perdue, affligée, qui peine à reprendre contact avec la réalité depuis que son Zachary est à l’hôpital. Éric Leblanc démontre tout son talent en interprétant des rôles diamétralement opposés, soit le père de Gilles Jean et l’avocat Marc Raymond, incarnation masculine du cynisme, de l'opportunisme et de la grossièreté.

« Même si on veut faire du bien il y a toujours quelqu’un qui paie » dira, dans des mots un peu différents, Isabelle, à la fin de la pièce. Dans le lobby du théâtre, un petit panier trône sur une table avec des bouts de papier jaune. On nous demande d’écrire quelque chose de bienveillant à un autre spectateur, anonymement. Un geste altruiste qu’il fait bon de donner, et de recevoir. Parce que parfois, la bonté n’est pas si difficile à atteindre.

16-09-2017


 
La Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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