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Du 7 au 25 février 2012, supplémentaire 25 février 15h
La liste
Texte : Jennifer Tremblay
Mise en scène : Marie-Thérèse Fortin
Avec : Sylvie Drapeau

Une femme nous accueille dans sa cuisine. D’entrée de jeu, avec franchise et courage, elle avoue être responsable de la mort de Caroline, sa voisine. Elle n’a pas posé le petit geste qui aurait pu sauver la vie de cette femme si différente d’elle, une femme qui avait su la rejoindre dans sa solitude. Au fil de l’énumération de sa liste de tâches à accomplir, elle raconte son quotidien et sa culpabilité. Une histoire sur l’amitié et la responsabilité, où la mort de l’une offre une chance à l’autre de se reconstruire.

Avec La liste, récipiendaire du Prix du Gouverneur général 2008 (théâtre), du prix Michel-Tremblay 2010 et du Prix auteur dramatique Banque Laurentienne 2009-2010, Jennifer Tremblay livre un solide plaidoyer humaniste et pose une question cruciale : négligeons-nous l’essentiel ? Un texte puissant porté avec force et sensibilité par la comédienne Sylvie Drapeau.


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Aux membres de la Salle Albert-Rousseau, le Périscope offre un tarif exceptionnel pour assister à une représentation de La liste (tarif billet supplémentaire)*.

*Ne se jumelle à aucune autre promotion. En billetterie seulement. Sur présentation de la carte de membre.

Équipe de création : Angelo Barsetti, Stéphanie Capistran-Lalonde, Jasmine Catudal, Claude Cournoyer, Charlotte Farcet, Isabelle Larivière, Julie Measroch et Nancy Tobin

Une production signée Théatre d'Aujourd'hui


Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

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Dates antérieures (entre autres)

Créée au Théâtre d'Aujourd'hui du 12 janvier au 6 février 2010 - suppl. 7 fév. 15h, 9 fév. 19h et 10 au 13 fév. 20h

 
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 Critique
Critique

par Odré Simard

La liste est une œuvre simple et poignante, signée par trois femmes à la sensibilité débordante, soit  Jennifer Tremblay au texte, Marie-Thérèse Fortin à la mise en scène et Sylvie Drapeau à l'interprétation. De prime abord, l'histoire semblait quelque peu banale pour parvenir à nous transporter  plus d'une heure durant par le biais d'un monologue, même avec le talent incontestable que l'on reconnaît à Mme Drapeau. Une femme confine sa vie dans une multitude de listes dont certaines tâches se reportent inlassablement, tel que trouver le numéro de son médecin pour sa voisine enceinte qui s'inquiète de son état. Finalement, la tâche ne sera jamais effectuée et ladite voisine décédera suite à un accouchement difficile. Survient alors la culpabilité ; celle d'une femme perdue dans une campagne qui lui est hostile, hypnotisée par la valse incessante de ses listes qui structurent sa vie et mécanisent ainsi chacun de ses mouvements, chacun de ses souffles.

Le ton choisi est d’abord était difficile d'approche, puisque mécanique, froid ; chaque mot est bien détaché les uns des autres, et ce, sur une lancée toujours monotone. Finalement, on comprend, dans cette esthétique choisie, le détachement que le personnage tente de prendre face à cette douloureuse histoire qui nous est relatée. Comme si l'émotion et les paroles, jaillissant au bord des lèvres, devaient se distancier pour prendre leur envol, sans quoi elles ne sortiraient tout simplement pas. Un ton qui peut donc être rebutant au départ, mais qui nous gagne petit à petit. La force de la pièce opère : les mots nous happent, nous projettent à toute vitesse dans cette chute libre vers l'angoisse et la douleur d'un être symptomatique de notre époque, un être qui tente d'avoir le contrôle sur tout, mais dont l'essentiel lui glisse entre les mains.

La mise en scène est sobre, mais ponctuée de symboles frappants, tel que les pommes épluchées répondant au nombre d'enfants maintenant orphelins de mère, les dizaines de petits bas rouges qui éclaboussent la pièce comme autant de gouttes de sang ou encore les malaxeurs hurlants venant représenter la souffrance inextinguible du personnage. Marie-Thérèse Fortin a su laisser place aux mots, aux images, ainsi qu'aux émotions que véhicule le jeu saisissant de Sylvie Drapeau. Cette dernière sait manier les nuances avec une précision quasi chirurgicale, en alternant deux voix qui représentent comment elle agit en surface et ce que sa douleur lui crie au plus profond d'elle même.

La liste est une œuvre émouvante et profonde, sans fioriture inutile.

10-02-2012


par Olivier Dumas


Crédit photo : Valérie Remise

L’affiche de La liste présageait une soirée mémorable. Le texte de Jennifer Tremblay, une jeune auteure prometteuse, a remporté en 2008 le Prix du Gouverneur général en théâtre. Comédienne intense, Sylvie Drapeau parvient à chacune de ses prestations à émouvoir même les spectateurs les plus récalcitrants. Les attentes étaient-elles trop grandes, voire démesurées, avant d’entrer au Théâtre d’Aujourd’hui? Malgré une mise en scène un tantinet décevante et un certain ennui devant un récit figé, La Liste s’écoute et se regarde avec recueillement et intérêt.

Tragédie de la cruauté qui se déroule dans un milieu ordinaire, l’histoire de 75 minutes se situe uniquement dans une banale cuisine de campagne. Dès le lever du rideau, le drame est installé. Une femme, mère au foyer, se trouve sous le choc de la mort d’une amie. Aucune autre action, et peu de déplacements ne viennent déranger l’attention du texte qui tient autant du journal intime, du monologue théâtral que de la « liste d'épicerie ».

Jennifer Tremblay se distingue des autres dramaturges québécois par son habileté à suggérer plusieurs sentiments à l’aide d’un vocabulaire très simple, presque scolaire. Un seul personnage issu d’un milieu rural, sans envolées lyriques ou de catharsis, mais une écriture qui réussit à faire remuer des peurs et des angoisses souterraines, effroyables par moment.

Interprète du solo, Sylvie Drapeau s’avère l’actrice parfaite pour un rôle aussi exigeant. Pourtant, il faut un certain temps à adhérer à sa proposition, mélange de froideur, de déchirure, avec un ton plus près de l’incantation que du réalisme implacable de la situation. Pourtant, au fil de la représentation, elle parvient à se réchauffer pour véritablement embarquer le public. Après avoir incarné la Blanche Dubois d’Un tramway nommé désir dans la relecture d’Alexandre Marine l’automne dernier, elle atteint ici de nouveaux sommets. Fait rare, chaque mot et chaque silence sont d’une remarquable clarté, sans fioriture, sans excès ou maniérisme souvent tentant dans ce genre d’exercice.


Crédit photo : Valérie Remise

De production en production, Marie-Thérèse Fortin démontre une réelle habileté dans la direction d’acteurs. Ici, elle a su mettre en valeur le climat d’une angoisse en sourdine avec doigté, grâce à la présence de Sylvie Drapeau. Par contre, le bât blesse dans les choix scénographiques à priori évocateurs, mais qui se révèlent à la longue être plutôt distrayants et souvent discutables. Des pommes pour représenter la maternité, broyées pour symboliser la mort, une voiture verte pour le départ du mari pour le travail ; tant de détails et de représentations graphiques qui n’ajoutent que bien peu de choses à la compréhension du propos. Le désir de rendre plus concrète la tension aurait mérité plus de retenue que de surenchère. Peut-être qu’une présence musicale (peu exploité par la mise en scène) aurait mieux traduit cet effet d’aliénation par des compositeurs de musique répétitive comme Steve Reich ou Arvo Pärt.

La liste s’adresse surtout à un public averti. En effet, le ton peut rebuter plusieurs néophytes par son dépouillement et sa monotonie. Pour les autres, la lenteur d’une histoire sans véritable progression dramatique (voulue par les créateurs du spectacle) entraîne quelques élans de fatigue, surtout dans le dernier quart d’heure de la soirée. On sort du Théâtre d’Aujourd’hui avec l’impression que le texte, si valable soit-il, est probablement davantage un plaisir de lecture qu’une expérience théâtrale transcendante.

18-10-2009