Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 27 novembre au 8 décembre 2012, mardi au samedi 20h, sauf mercredis 19h, dimanche 2 décembre 15h
BiggerBigger Than Jesus
Conception et texte : Rick Miller et Daniel Brook
Traduction : Marie Gignac, Rick Miller
Mise en scène : Daniel Brooks
Avec Rick Miller

Même les catholiques pratiquants l'admettront : la messe peut être ennuyante. Mais quand le prêtre qui l'officie troque la sacristie pour la scène, le calice pour la caméra et les paraboles pour les marionnettes, faisant d'un même souffle rire et réfléchir, même les athées les plus endurcis se convertissent.

Hybride du one-man-show, de la pièce à sketches et du spectacle multimédia, Bigger Than Jesus revisite le déroulement de la messe catholique avec une légèreté de ton n'ayant d'égal que le sérieux de la réflexion. Jamais irrévérencieux, Rick Miller et Daniel Brooks passent tout le credo au crible de leur humour frondeur. Ainsi dépouillée de son caractère sacré et intouchable, l'histoire du Christ nous apparaît dans ce qu'elle a de touchant et de véritablement universel.

Acclamé par le public lors de son passage au Carrefour international de théâtre en 2007, attirant les foules aux États-Unis, en Europe comme en Australie et encensé partout où il passe, Bigger Than Jesus a notamment remporté le très convoité Dora Award de la meilleure production canadienne.


Section vidéo
une vidéo disponible


Équipe de création : Beth Kates, Ben Chaisson

Une production de WYRD Productions 
et Necessary Angel présentée par le TDP

www.biggerthanj.com


Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

Facebook Twitter

Dates antérieures

Créé en novembre 2004 au Factory Theatre (Toronto)

 
______________________________________
 Critique
Critique

par Chloé Legault

Dans le cadre du Carrefour international de théâtre, Rick Miller était venu nous présenter Vendu, et c’est avec un pur bonheur qu’on le retrouve au programme de la saison 2012-2013 du Périscope avec Bigger than Jesus, spectacle hybride, mêlant habilement le one-man-show à la pièce de théâtre, qu’il a coécrit avec Daniel Brooks, qui en est également le metteur en scène.

Miller le dit dès le début, il n’est pas croyant : « Je ne crois pas que Jésus-Christ soit littéralement le fils de Dieu. Je ne crois pas que le christianisme soit la seule et unique voie du salut. En fait, je ne crois pas au concept du salut; je ne crois ni au ciel, ni à l’enfer. » Pourtant, sans être moralisateur ou irrévérencieux, il réussit à raconter, en la vulgarisant, plus de 2000 ans d’histoire chrétienne, et ce, en campant le rôle de nul autre que Jésus Christ. En amalgamant les références bibliques à d’autres de la culture populaire, Miller conquiert un large public. Car, en effet, il est sacrément drôle de voir surgir des icônes comme les Beatles, ou encore des personnages tirés de Star Wars, des Simpson, ou du Magicien d’Oz, dans un spectacle qui s'interroge sur le christianisme à partir de faits historiques. Plutôt un assemblage de plusieurs sketches qu’un spectacle linéaire, Bigger than Jesus prend tantôt la forme d’une conférence, puis celle d’une messe, et, plus tard, on y joue des scènes de la vie du Christ, notamment son dernier repas en compagnie de ses apôtres (lors duquel Miller fait un clin d’œil à la comédie musicale Jesus Christ Superstar) et sa crucifixion, moment fort et hautement esthétique du spectacle. Les transitions entre les diverses parties sont toujours très habiles, généralement faites avec une prière.

Polyvalent et dynamique, Miller est un acteur brillant; son jeu s’apparente peut-être davantage à celui que l’on associe aux performances, voire même à l’improvisation, qu’à celui du théâtre ; malgré le fait que Bigger than Jesus ait été présenté de nombreuses fois depuis 2004, il demeure vif et spontané. Si la mise en scène fait appel au multimédia, elle ne tombe toutefois pas dans le suremploi des nouvelles technologies ; au contraire, l’usage de la caméra et des projections est d’une efficacité exemplaire. De la même manière, la manipulation d’objets est ludique et créative, on s’en sert pour illustrer des symboles fortement connotés, notamment la Bible, mais aussi des personnages comme les apôtres et Marie Madeleine.

Que vous soyez croyants ou athées, chrétiens ou juifs, cette création vaut le détour. Récipiendaire de plusieurs prix prestigieux, dont le DORA pour la meilleure pièce de théâtre, Bigger than Jesus est une messe ironique et drôle qui pousse à la réflexion.

29-11-2012



par Olivier Dumas


Crédit photo : Beth Kates

Après de nombreux passages dans la métropole québécoise, le comédien et chanteur torontois Rick Miller reprend son solo Bigger than Jesus à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Comme dans une critique précédente écrite lors des représentations au Quat’Sous, le même bonheur contagieux se perpétue.

Créé en 2004 avec le sensible et doué metteur en scène Daniel Brooks, le solo de soixante-quinze minutes s’est trimbalé un peu partout à travers le monde d’abord en anglais. Il s’est transformé en une version bilingue, majoritairement en français avec quelques scènes dans la langue originale. Le titre évoque une célèbre déclaration de John Lennon lors d’une entrevue en 1966. Bien que le texte ait été publié, le comédien a pris certaines libertés pour mieux tremper son propos dans le feu brûlant de l’actualité avec, entre autres, une allusion à la mouvementée grève étudiante.

La pièce Bigger than Jesus demeure une œuvre étonnamment bien documentée sur la religion chrétienne dans ses fondements, engagements et dérives idéologiques depuis la naissance du Chris jusqu’à ses multiples résonnances dans la culture populaire occidentale. Elle fait référence à deux comédies musicales de Broadway, dont le fameux Jesus Christ Superstar d’Andrew Lord Webber. Dans une société québécoise d’accommodements raisonnables où toute référence explicitement judéo-chrétienne confine souvent au tabou ou au mépris, il est probable que la liberté du ton de Miller ait touché une corde sensible chez plusieurs spectateurs. À preuve, les réactions et rires fusaient à de nombreuses reprises lors de la première médiatique.

Contrairement à d’autres expériences artistiques aux prétentions similaires, le contenant écrase peu le contenu. La production fait une utilisation ingénieuse de la technologie avec ses deux caméras et ses projections, toujours en harmonie avec le monologue. Elle se permet des ruptures dans les atmosphères, tout en conférant dans les passages les plus intéressants une dimension enfantine. Parmi les moments les plus mémorables, mentionnons les comparaisons réjouissantes entre les quatre apôtres de Jésus crayonnés sur papier et les membres des Beatles. Le comédien a recours à des figurines pour symboliser la Dernière Cène: se retrouvent réunis autour du banquet des personnages aussi éclectiques que Darth Vader et Luke Skywalker de La guerre des étoiles, Gandhi, Martin Luther King, Dorothée et son homme en fer blanc du Magicien d’Oz ainsi qu’Homer Simpson dans le rôle de Judas. Pour ceux et celles qui ont eu la chance de voir Half life de John Mighton du même metteur en scène au FTA en 2005, il s’agit d’une autre occasion de suivre le parcours de l’un des hommes de théâtre les plus appréciés du Canada anglais. Une traduction française de sa pièce Insomnie avait été présentée à la Cinquième salle de la Place des Arts par le Théâtre Niveau Parking de Québec.

Par contre, quelques réserves nous empêchent de crier au chef-d’œuvre. Dans une parodie du prêcheur états-unien survolté, Rick Miller filme le public qui tape joyeusement dans ses mains et qui se voit projeté sur l’écran en fond de scène. Cette partie du spectacle majoritairement en anglais s’éternise sans que le public en comprendre tout à fait le dénouement. Ou encore ce vol en avion Air Jesus en direction Jérusalem dont les intentions ne se concrétisent pas de manière percutante. Ce segment tombe dans une facilité qui détonne par rapport au reste de l’ensemble sarcastique, mais jamais irrévérencieux.   

Le fils de Marie et de Joseph continue d’inspirer les créateurs scéniques, comme en témoigne deux reprises à Montréal ces derniers mois: Personal Jesus, solo intimiste de Gaétan Nadeau et ce Bigger than Jesus de Rick Miller et Daniel Brook. Le tandem torontois a osé une production éclatée dans sa forme et une approche moderne par son humour intelligent et instructif.

15-04-2012



par David Lefebvre

Si Dieu existe...


Crédit photo : Cylla von Tiedemann

Le comédien et chanteur Rick Miller, qu’on a pu applaudir lors de Lipsynch en mars 2010, monte sur la scène du Quat’Sous pour nous présenter la version bilingue, en première mondiale, du solo Bigger than Jesus.

Le spectacle, concocté conjointement avec le réputé metteur en scène torontois Daniel Brooks et acclamé dans plusieurs pays depuis sa création en 2004, se veut une réflexion relativement fouillée et moderne, tout aussi jubilatoire que lucide, sur le christianisme, de ses fondements jusqu’à ses répercussions contemporaines, ainsi que sur la liturgie religieuse et la quête spirituelle de l’homme. Lors de cette messe multimédia, où deux caméras et des projections sont utilisées de façon simple mais ingénieuse, Miller, qui s’annonce comme notre Jésus de la soirée, désacralise le mythe du Christ pour le ramener à une logique humaine, philosophique, à un conte qui a pris des proportions démesurées. Il remet en contexte toute l’histoire du divin messie, en disséquant ses racines juives, les Romains opportunistes, ou encore les textes bibliques, les opposant pour comprendre les discordances entre eux. Le caractère du personnage sacré prend soudainement une forme beaucoup plus humaine et étrangement universelle.

Quelques scènes sont absolument fabuleuses : il faut voir Rick Miller triturer et jouer avec l’étymologie des mots Christ, chrétiens, histoire, qu’il écrit par terre, pour alimenter ses explications. Puis, cette scène, renversante et désopilante, où il utilise des figurines d’action pour représenter la Dernière Cène, réunissant des personnages qui ont marqué des générations : Darth Vader et Luke Skywalker, Gandhi, Luther King, Lennon, Dorothée et l’homme en fer blanc (la prostituée et son pimp), ainsi que Judas, sous les traits d’un distributeur PEZ à l’effigie d’Homer Simpsons… Le repas se termine avec l’arrestation de Jésus et un numéro chanté digne de Broadway (ou de Jesus Christ Superstar). Les inspirations et les références sont nombreuses, allant même puiser dans l’art surréalisme avec une finale à la Christ of Saint John of the Cross de Dali.

Par contre, quelques réserves à propos de certaines scènes minent sensiblement notre appréciation globale du spectacle. Celle de ce «preacher» américain, totalement en anglais (avec quelques mots français lancés ici et là, surtout pour le ton humoristique) surprend d’emblée et galvanise la foule, avec son leitmotiv «Your Jesus Is Asleep!». Malheureusement, le numéro s’étire, appuyant trop longuement sur l’idée que le divin est en chacun de nous, que notre nature n’est pas que mauvaise et que le démon et l’ange qui se chamaillent continuellement sont, en fait, les choix qui s’imposent à nous tout au long de notre vie. Ou alors, ce vol Air Jésus direction Jérusalem, voyage métaphorique et métaphysique, où Jésus accède aux prières en direct de certains passagers. Si l’idée est bonne, permettant à Miller d’aborder quelques sujets comme la confession, le pardon, les miracles et la sanctification, elle s’épuise rapidement, créant un creux au niveau du rythme et du contenu.

Bigger than Jesus est un surprenant spectacle, provoquant sans être impertinent, drôle et brillant. Sans jamais imposer un discours didactique fastidieux, le contenu, riche et passionnant, en intriguera plusieurs. La remarquable énergie ainsi que la magnifique présence sur scène de Rick Miller sont assurément les clés du succès que connaît la pièce depuis sa création.

10-06-2010