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Du 16 au 27 avril 2013, mardi au samedi 20h, sauf mercredis 19h
Changing RoomChanging Room
Texte Alexandre Fecteau, en collaboration avec Raymond Poirier
Mise en scène : Alexandre Fecteau
Avec Frédérique Bradet, Anne-Marie Côté, Simon Dépôt, Martin Perreault

Vous avez manqué La Goglue, Praline, Délice, Rosy et Jewel lors de leur passage au Périscope au printemps 2011? Elles sont de retour! Pendant que sur scène les drag queens présentent de flamboyantes chorégraphies et de provocants numéros d'animation, une caméra s'immisce en coulisse et capture l'intimité et les confidences des artistes lors de leur préparation. Avec franchise, ils partagent leurs joies, les difficultés de leur métier, les préjugés auxquels ils font face mais aussi leur délicat choix identitaire.

Docu-théâtre interactif créé à partir de véritables entrevues, Changing Room révèle le visage sans fards des personnificateurs féminins, au cours d'une soirée cabaret haute en couleur et en émotions, tous genres confondus. Une expérience unique qui nous fait vivre une transformation en direct. Un spectacle touchant, audacieux et décapant, rempli d'amour de la vie et d'espoir, qui a remporté un vif succès auprès des spectateurs lors de sa présentation en 2011.


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Avec la collaboration spéciale de Jean-François Simard
Assistance à la mise en scène : Stéphanie Hayes
Conception : François Leclerc, Jérôme Huot, Geneviève Dionne, Eliot Laprise, Chantal Bonneville, Virginie Leclerc, Marie-Renée Bourget Harvey

Une production du Collectif Nous sommes ici


Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

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Dates antérieures (entre autres)

Périscope - du 12 au 30 avril 2011
Espace libre - du 21 août au 8 septembre 2012

 
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 Critique
Critique

par Francis Bernier

C’est au cabaret Le Drague que tout a commencé. En 2009 pour être plus précis. Changing Room, pièce de théâtre documentaire et interactive, voyait le jour dans une version dite laboratoire. Fort de cette expérience, le collectif Nous sommes ici récidivait en 2011 au Périscope, recevant un accueil chaleureux du public et de la critique. Aujourd’hui, après une tournée à guichets fermés au Centre national des arts d’Ottawa et un vif succès à Espace Libre à Montréal, Changing Room est de retour au Périscope pour nous (re)faire plonger dans l’univers des drag queens.

Le Périscope a adopté pour l’occasion des airs de cabaret burlesque. Le spectateur fait son entrée par l’arrière-scène. Coiffures en tout genre, maquillage, froufrous et robes à paillettes garnissent les coulisses. De la salle, sur des écrans géants, on projette l’entrée du public à l’aide d’une caméra cachée à l’intérieur de la loge. Une grande partie de la soirée sera retransmise sur ces écrans. Le public aura ainsi la sensation d’assister à l’action depuis l’intérieur de la loge des artistes. Après avoir pris place, déjà quelques comédiens viennent nous offrir à boire, nous souhaitant la bienvenue au « Club le Péniscock »... Un bar a même été installé pour l’occasion. Le ton de la soirée est lancé. Et elle sera haute en couleur.

Lorsque le rideau se lève, Anne-Marie Côté nous accueille sous les traits de Délice, l’animatrice de la soirée. Le personnage est inspiré librement du vrai personnificateur féminin Réglisse, authentique légende du monde des drag queens au Québec. Sous des envolées désinvoltes et caustiques, souvent à caractère sexuel, elle dresse le portrait de la soirée en lançant ici et là quelques pointes humoristiques au public, atteignant bien souvent la cible. Les rires sont au rendez-vous et on oublie souvent qu’on est au théâtre, tellement le tout semble improvisé.

Le texte en soi y joue pour beaucoup, résultat d’entrevues menées par Alexandre Fecteau. C’est en gardant la presque intégralité des discours obtenus lors de ces entretiens et en remaniant efficacement le tout pour lui donner une forme narrative tangible que les auteurs réussissent à garder l’authenticité des mots et à toucher véritablement l’essence des personnages. La dualité y est abordée de différentes facettes : à travers les notions de théâtralité et de performativité, on raconte le monde des drag queens de façon très ludique, chassant de ce fait les préjugés existant en présentant les protagonistes comme de vraies personnes et non des personnages de cirque.

Le côté interactif de la pièce réussit à garder l’attention : chaque spectateur reste sur le qui-vive, étant souvent amené à se questionner sur la possibilité qu’il se retrouve lui-même sur scène d’une minute à l’autre. La force est ici. L’empathie générée par cette mise en scène participative pousse à s’interroger : que serait-il arrivé si j’avais été choisi pour monter sur scène? Sans vouloir vendre les secrets de la pièce, l’expérience du spectacle risque en effet d’être différente d’une personne à l’autre. La mise en scène est cependant mal servie par l’aspect multimédia, lui donnant la plupart du temps un côté trop statique. Le jeu des acteurs est quant à lui bien dosé et ne tombe pas dans la caricature.

Si l’on passe une belle soirée en compagnie de ces gens plus vrais que nature, le spectacle gagnerait à être écourté, lui procurant ainsi plus de rythme. Changing room vaut le détour et nous fais vivre une expérience différente que celle que nous procure habituellement le théâtre conventionnel.

19-04-2013


par Olivier Dumas (Montréal, 2012)

Flamboyantes et irrévérencieuses,  les drag queens sont des personnages de théâtre en soi. Dans un spectacle qu’il qualifie de documentaire-fiction, le Collectif Nous sommes ici nous dévoile avec fracas l’envers et le devant de l’univers de ces oiseaux de nuit dans Changing Room. Plus qu’une pièce de théâtre réaliste ou une photographie sociologique d’un milieu précis, il s’agit d’une expérience totalisante.

Conçue pour la première fois en 2009 au bar gai Le Drague, la production de Québec cherche à briser le quatrième mur théâtral et sortir le spectateur de sa torpeur passive. Adaptée à chacun des lieux de représentation où elle passe, elle tente de recréer l’atmosphère et les codes explicites des lieux où travestis et transformistes performent sur des tubes musicaux entre deux interventions grivoises. La maitresse de cérémonie, Délice, est remarquablement interprétée par la comédienne Anne-Marie Côté. Dès la fermeture des lumières, elle mène le bal et la danse avec ses interventions baveuses, parfois triviales et même scatologiques, mais qui atteignent presque toujours leurs cibles. Elle n’hésite pas à surnommer le directeur artistique de « L’Espace Lourd » (autre jeu de mots récurent durant les trois heures du spectacle) « Phallus Ducrosse », et d’écorcher au passage les mimes d’Omnibus, les personnalités médiatiques quant à leur identité sexuelle et les institutions reconnues de la métropole québécoise. Des références au conflit étudiant et à ses figures dominantes ont même fait leur incursion dans cette atmosphère de cabaret bruyant et festif.

Selon une approche aux accents brechtiens, les comédiens se présentant à un moment ou l’autre avec leur véritable nom et mentionnent les différents personnages qu’ils incarnent. Et pour mieux brouiller les pistes, l’auteur et metteur en scène Alexandre Fecteau a ancré son matériau d’après des entrevues menées auprès de véritables de drag queens de la scène homosexuelle de la vieille capitale. Entre les animations de Délice et la dizaine de musicaux en lipsync, performée par elle et ses acolytes, le public voit leur intimité projetée sur écran. Des caméras suivent en direct les artistes entre leurs changements de costumes où les confidences abondent sur un métier peu rémunéré. Dans un univers où l’alcool coule à flot, les rêves ambitieux et désenchantements inéluctables se vivent frénétiquement entre deux verres ingurgités. Les interprètes exposent avec ferveur cette dualité équilibriste entre les rires gras et les larmes refoulées.

La principale qualité de Changing Room demeure l’acuité de son regard sur un monde qui, malgré tous ses déchirements, artifices et faux-fuyants, a été peu exploité. De mémoire de spectateur et lecteur assidu de la scène théâtrale, peu ou pas de pièces traitent d’une thématique similaire sauf dans certaines œuvres de Michel Tremblay datant des années 1970, dont Hosanna. Quatre décennies plus tard, malgré les révolutions sexuelles et transgressions d’innombrables tabous, c’est un sentiment de tristesse et de solitude qui émane de ce portrait d’amuseurs extravertis « minoritaires dans une minorité » comme l’exprime l’un des protagonistes. « Sous le strass, y avait le stress », peut-on entendre dans la comédie musicale Starmania. Derrière les maquillages, les robes flamboyantes et les paillettes colorées d’un paradis artificiel au kitsch assumé, nous voyons des êtres paumés, vulnérables, mais très attachants dans leur quête d’amour et de reconnaissance démesurée.

L’aspect participatif a donné des résultats étonnants lors de la première médiatique. Mais comme dévoiler les surprises reviendrait pour les concepteurs du spectacle à révéler des secrets diplomatiques de la CIA, cet aspect du programme de la soirée demeure à découvrir par soi-même.

Les nombreuses prestations se révèlent des moments sympathiques qui amalgament styles, langues et époques. Le numéro d’ouverture, composé d’un pot-pourri de différentes versions de Fever par Peggy Lee, Beyoncé, Céline Dion et Madonna, illustre parfaitement cette mosaïque fédératrice des tendances musicales entendues tout au long de la fiction documentaire. Parmi les meilleures séquences, mentionnons au passage la troublante chanson Mourir sur scène de Dalida et la très adéquate On fait tous du show-business de Diane Dufresne avec une réplique de la robe blanche de son spectacle Hollywood donné au défunt Forum de Montréal en 1982.

La deuxième partie après l’entracte de vingt minutes s’étire avec certaines répliques redondantes et des témoignages sur la difficulté d’être gai qui ont été mieux exprimés et exploités précédemment. Pourtant, en quittant « L’Espace Lourd » après un tel marathon, on ne peut que lever notre chapeau, et pourquoi pas les souliers à talons hauts et les faux cils des créatures de ce Changing Room somme toute singulier par son approche.

25-08-2012