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Du 11 au 28 mars 2014, 20h, 29 mars 15h
Femme non-rééducable / Anna P. Femme non-rééducable / Anna P.
Texte : Stefano Massini
Traduction : Pietro Pizzuti
Mise en scène : Olivier Lépine

« Les ennemis de l’État se divisent en deux catégories : ceux que l’on peut ramener à la raison et les incorrigibles. Avec ces derniers, il n’est pas possible de dialoguer, ce qui les rend non rééducables. Il est nécessaire que l’État s’emploie à éradiquer de son territoire ces sujets non rééducables. »

Vladislav Sourkov, Bureau de la Présidence russe, 2005.

Unique journaliste russe à avoir couvert la guerre en Tchétchénie, Anna Politkovskaïa, non rééducable, n'a cessé, malgré les nombreuses menaces, de dénoncer la barbarie de ce conflit sans fin et les violations des droits de l'homme perpétrées par les deux camps.

En octobre 2006, le jour de l’anniversaire de Vladimir Poutine, elle est retrouvée assassinée dans la cage d’escalier de son immeuble.

Tout comme vingt autres journalistes éliminés depuis l’arrivée au pouvoir de cet homme.

Avec ce spectacle, il ne s’agit pas de vénérer la tombe de la journaliste morte, mais d’entretenir le feu de son combat et de le garder vivant.

Créée à partir d'un ensemble de notes et de correspondances écrites avec respect, effroi et lucidité par Politkovskaïa sur ces hommes qui se déchirent, de ses interviews et de témoignages, cette production inaugurale de Portrait-Robot utilisera tout l’espace de Premier Acte et ses alentours : l’escalier, le stationnement, le toit…

Histoire, mots, projections et musique se conjugueront pour former une bombe de sang et de neige, de cris et d’espoirs.

Un théâtre nécessaire, puisqu’il est la mémoire d’une parole qui a valu la mort.


Équipe de création : Ariane Bérubé, Josué Beaucage, Kseniya Chernyshova, Christian Essiambre, Eliot Laprise, Olivier Lépine, Annabelle Pelletier-Legros, Maxime Perron et Caroline Ross

Une production Portrait-Robot


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656

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 Critique
Critique

par Guillaume Garcia


Crédit photo : Gabriel Talbot-Lachance

Comment traiter au théâtre, et dans un espace clos, un sujet aussi complexe que la guerre en Tchétchénie et sa couverture journalistique par Anna Politkovskaïa? Voilà une question qui a dû hanter les nuits d'Olivier Lépine, metteur en scène de Femme non-rééducable / Anna P., présenté à Premier Acte jusqu'au 29 mars. Parce que mettre en scène un sujet tel que le journalisme, c’est assez casse-gueule. On pourrait faire un raccourci dangereux et parler de mise en scène de l’information, une idée que ne renierait certainement pas Vladimir Poutine.

Journaliste russe née aux États-Unis de parents diplomates, Anna Politkovskaïa est devenue une icône du journalisme, au péril de sa vie, en cherchant à rapporter la vérité de la guerre en Tchétchénie. Elle n'a eu de cesse de dénoncer la barbarie de ce conflit sans fin et les violations des droits de l'homme perpétrées par les deux camps.

Femme non-rééducable / Anna P., première pièce de la compagnie Portrait-Robot, est une création basée sur le texte original au même titre, de Stefano Massini, qui a quant à lui créé cette œuvre à partir d'un ensemble de notes et de correspondances écrites par la journaliste.

Avec cette pièce, l'amateur de théâtre classique sera rapidement pris au dépourvu par une mise en scène originale et ambitieuse qui utilise tout l’espace de Premier Acte et ses alentours : l’escalier, le stationnement et le toit. L'espace-temps n'est pas clair et l'on nous promène dans la vie d'Anna Politkovskaïa au gré de ses rencontres et de ses voyages. Nous ne savons pas non plus où nous sommes ; nous sommes là où l'histoire se passe. Dans un bureau, dans les rues de Grozny, sur un plateau télé où l'animateur teste nos connaissances sur Vladimir Poutine en brisant le lien sacré comédien-spectateur. Fracturée, comme peut l'être notre compréhension du conflit en Tchétchénie, la mise en scène d'Olivier Lepine a le mérite de remettre en question notre perception de ces événements tragiques.

Sur scène, six comédiens se partagent tour à tour la tâche ardue de personnifier la journaliste assassinée dans la cage d'escalier de son immeuble le 7 octobre 2006. Ils parlent russe, anglais, français. La musique est omniprésente. De Rage Against The Machine à Jacques Brel, elle accompagne adéquatement le récit comme en témoigne une reprise cynique du célèbre « Au suivant », lors d'une scène de fusillade.

Pour Anna Politkovskaïa, le journalisme ne servait pas qu’à informer, il était un levier pour changer les choses et Olivier Lepine cherche à faire de même avec le théâtre. Malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui est forcément en faveur du changement, comme le rappelle tristement Vlasdislav Sourkov du Bureau de la Présidence russe : « Les ennemis de l’État se divisent en deux catégories : ceux que l’on peut ramener à la raison et les incorrigibles. Avec ces derniers, il n’est pas possible de dialoguer, ce qui les rend non rééducables. Il est nécessaire que l’État s’emploie à éradiquer de son territoire ces sujets non rééducables ».

14-03-2014